Métasites thématiques: par exemple, actuElles.ch
Un article pour marquer le 11e anniversaire de ce blog
Le web a beaucoup changé depuis le 3 août 2003, et ce blog aussi. Personnellement, j’ai d’ailleurs réorienté et développé mon activité professionnelle dans le domaine du webpublishing1. Avant l’été, j’ai eu la satisfaction d’ajouter à ma palette un nouveau site, réalisé en partenariat avec Mirko Humbert pour le compte de la Fondation Emilie Gourd à Genève, qui illustre bien cette mutation.
ActuElles.ch, « toute l’actualité féministe en Suisse romande », est un média – bien qu’il ne publie strictement rien d’original. C’est un média numérique qui repose sur une mutation rendue possible par le web, impensable du temps des seuls médias traditionnels2, qui est la facilité de recueillir et regrouper des liens pour en proposer une sélection thématique; c’est là que repose sa valeur ajoutée.
Bien sûr, les revues de presse ne sont pas une nouveauté et continuent par la force de l’habitude de circuler allègrement dans les administrations, entreprises et autres ONG3. Mais elles peuvent désormais perdre leur aspect aride et spécialisé pour répondre au besoin d’un public avide d’une information tout à la fois triée mais diversifiée dans laquelle il est libre de picorer à son goût. Et mieux encore, contrairement aux revues de presse les métasites ne « volent » pas de lecteurs (ou de contacts publicitaires) mais les multiplient en renvoyant du trafic sur les sites sources.
Bien connu dans le monde de l’informatique ou du design, ce type de site est appelé à entrer dans l’usage courant et pour les domaines les plus divers: voir par exemple Parpaillot, le « système d’information théologique » proposé par Nicolas Friedli.
Ma première expérience de ce genre de site m’est venue lorsqu’Un Swissroll s’est retrouvé coopté dans Lieu-Commun, un réseau de blogueurs ne partageant pas une ligne mais une même approche de la chose publique. La seule identification de ce regroupement, matérialisée dans une page donnant les liens vers les derniers articles publiés, a considérablement augmenté la notoriété et la fréquentation de nos blogs.
Par la suite, avec Mirko, nous avons eu l’occasion d’expérimenter différentes formules:
- Sur le site de Domaine Public, le Kiosque est une sélection choisie d’articles publiés dans divers médias numériques. C’est entièrement manuel, mais facile à alimenter par l’équipe des collaboratrices et collaborateurs bénévoles de DP, sans intervention professionnelle. Les liens sont diffusés sur le site et sur Twitter et Facebook, ainsi que par flux RSS ou newsletter.
- Sur Un Swissroll, dans le volet Webmix, j’ai expérimenté quatre mini-métasites qui, eux, sont entièrement automatiques; l’un reprend Lieu-Commun dont la page originelle a disparu dans un accident informatique4, les autres reprennent tout ce que publient une sélection de sites sur divers thèmes (la gauche suisse, la problématique LGBT, les questions de design et d’architecture). Il y a quelques problèmes techniques (notamment de codage des caractères), mais c’est aussi très facile à gérer.
ActuElles.ch est plus ambitieux: une problématique certes militante mais beauoup plus orientée grand public, et une vraie approche éditoriale, en continu, tout en recourant aux techniques de veille et d’agrégation qui permettent de réduire au minimum la manipulation à opérer pour la mise en ligne. Une mise à disposition sur tous les formats d’écran et par tous les moyens de diffusion possibles (site, newsletter, flux RSS, Twitter, Facebook). Le résultat permet de regrouper et rendre visible la multiplicité des sources et des approches féministes et de favoriser des découvertes en mettant lectrices et lecteurs en présence d’articles dont ils n’auraient pas forcément eu connaissance.
Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas des difficultés, dont le temps viendra sans doute à bout. D’abord, des sites anciens ou inadaptés ne donnent pas à chaque contenu sa propre adresse (URL) intangible, le b.a.-ba du web pour diffuser un lien permettant d’y accéder, ou alors ne diffusent pas le flux RSS de ces liens. Ensuite il y a celles et ceux qui abordent le web à reculon au lieu d’embrasser ses potentialités: mon métasite de la gauche suisse compte nombres de site qui ne mettent quasiment rien en ligne, se contentant d’éditer une publication papier5.
Il y a même celles et ceux qui publient sans restriction sur le web mais entendent se refuser aux lectrices et lecteurs qui leurs déplaisent en prétendant interdire qu’on leur fasse de la pub par la diffusion de leurs liens, et qui croient sérieusement que ce type de censure relève de leur droit d’auteur. Une telle affaire a été tranchée par la Cour de justice de l’Union européenne, à Luxembourg6, qui a donné tort à un site suédois qui voulait empêcher un métasite de le mentionner. C’est très précisément ce qu’a fait un site féministe genevois vis-à-vis d’actuElles.ch7.
Il y a 11 ans, Jean-Paul (alors sous le pseudonyme de Guillaume Barry) et moi bloguions à tout va et il n’y avait guère que cela à faire. Depuis lors le web a explosé et s’est diversifié: nul besoin de réinventer la roue quand il y a tant de choses intéressantes ou surprenantes à découvrir et à faire connaître, et tant de moyens de le faire (d’où déjà l’adjonction sur ce blog des liens que les auteurs partagent, à côté de nos articles devenus plus rares). Et ce n’est qu’un début, le meilleur est sans doute à venir!
- Par quoi j’entends un rôle de conseil et de prestataire opérationnel au centre du triangle formé par le client, éditeur d’un site lié à l’information, au commentaire ou au débat, les destinataires du site, et le ou les prestataires techniques pour le design et les fonctionnalités. [↩]
- L’équivalent approchant c’était Sélection du Reader’s Digest, un magazine publié par un éditeur qui sélectionnait et rewritait (il traduisait aussi) sous une forme à la fois facile à lire et condensée un choix d’articles dont il avait dû acquérir les droits. [↩]
- Non sans poser des problèmes de respect du droit d’auteur… [↩]
- Et qui d’ailleurs n’existe plus vraiment. [↩]
- Sans réaliser que la mise en ligne de l’amorce de chaque article en guise d’incitation à s’abonner leur ferait de la pub tant sur le fond que pour leur publication. [↩]
- Dans un arrêt par ailleurs critiquable et critiqué parce qu’il ignore complètement la problématique essentielle de la liberté de et du droit à l’information pour se concentrer uniquement sur les limites du droit d’auteur. [↩]
- Par gain de paix, la Fondation Emilie Gourd a préféré renoncer à faire valoir son droit en passant outre. [↩]
Merci d’avoir cité Parpaillot. Mais ce site est mort vu le peu d’intérêt qu’il suscitait.
Cordialement.
— n.
Ah! Voyant que le flux était interrompu je pensais que tu étais en vacances… J’en suis désolé car j’y trouvais des infos originales et intéressantes.