De Babel à Pentecôte
Dans un précédent billet, à propos de la traduction généralisée à l’UE, François Brutsch évoquait la « malédiction de Babel » (le texte de la Genèse est ici). Mais peut-on vraiment parler de malédiction? En effet, dans le récit de la Genèse, la multiplication des langues est, plutôt qu’une punition, une mesure prise par YHWH pour sauvegarder son territoire (le ciel), empêcher que les hommes prennent sa place et deviennent, eux, tout-puissants comme lui. Avec les conséquences funestes que cela impliquerait. C’est du moins l’interprétation des théologiens modernes, qu’ils privilégient par rapport à la lecture encore trop courante qui laisse entendre qu’on a affaire à un dieu jaloux de ses prérogatives, obligeant l’homme à rester humblement à sa place. Aujourd’hui, on pourrait dire que la leçon de Babel serait plutôt de nature libérale, à savoir rendre attentif aux dangers des potentiels aliénants et totalitaires de toute société qui subordonne les individus à un but unique. Dans un autre registre, l’épisode de Babel devrait interpeller toute Eglise qui prétend au monopole de l’Unité.
Demain, les chrétiens fêteront l’anti-Babel. Lors de la Pentecôte (le texte des Actes des apôtres est ici), un des effets de la descente du St-Esprit sur les apôtres, c’est le parler en langues étrangères qui n’existent pas forcément, phénomène de transe dont il semble qu’on le retrouve aussi ailleurs que dans le christianisme. Mais peu importe ce que profèrent les apôtres, le résultat est que chaque auditeur entend le message de l’Evangile dans sa langue. A l’inverse de ce qui se passe à Babel, Dieu est descendu du ciel, non pas pour disperser les hommes, mais pour les rassembler dans une communication intime verticale et horizontale. Autrement dit, l’accès au ciel qui était refusé à ceux qui voulaient l’envahir par le moyen de la tour de Babel est octroyé gracieusement – n’en déplaise à ceux qui voudraient imposer les lois du marché (libre ou étatisé) à l’économie divine.