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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Et maintenant, où va le Royaume-Uni?

C’est une chose pour le peuple de voter le principe du retrait de l’UE, c’en est une autre de le mettre en oeuvre et de gérer les dommages collatéraux

Exactement comme en Suisse après le vote du 9 février 2014 « Contre l’immigration de masse »1, l’ambiance au sein du Royaume-Uni depuis l’annonce de la victoire du Leave est aux premières étapes du processus de deuil telle que les a décrites la Dre Elisabeth Kübler-Ross2: le choc et la colère. Les jeunes en veulent aux vieux, les prospères aux pauvres, les Remain à Cameron et les travaillistes pour Remain, largement lâchés par leurs électeurs des milieux populaires, à Jeremy Corbyn de n’avoir pas su convaincre ceux-ci3.

Les propositions les plus absurdes sont lancées4: une pétition demande l’institution d’un règle selon laquelle tout référendum dont le résultat est acquis avec moins de 60% des voix fait l’objet d’un second vote5, un parlementaire travailliste, ancien ministre, réclame un vote de la Chambre des Communes confirmant que le Royaume-Uni demeure membre de l’Union européenne (car, n’est-ce pas, un référendum n’est que consultatif dans la démocratie britannique strictement représentative)…

Même des Brexiters commencent à dire qu’ils veulent conserver la liberté de circulation tout en quittant l’Union! Car bien sûr le camp du Leave est divisé entre populistes protectionnistes et libre-échangistes anti régulation, ce qui ne facilitera pas la tâche du prochain gouvernement et promet des lendemains qui déchantent aux vainqueurs du 23 juin.

Et le Royaume-Uni est menacé d’indépendance par l’Ecosse6 et, de manière moins sérieuse, d’un référendum trans-irlandais par le Sinn-Féin, front politique de l’ex-Ira, qui le réduirait à l’Angleterre, au Pays de Galles et aux confettis d’empire de Gilbratar ou des Falklands (cependant qu’à Londres certains rêvent d’un statut spécial)7.

Pour compléter le tableau, les deux principaux partis sont en plein bouleversement: les Conservateurs doivent désigner une ou un successeur à David Cameron comme leader et premier ministre, le groupe parlementaire travailliste se prononce lundi sur une motion de censure à l’égard de Jeremy Corbyn (le leader adjoint, Tom Watson, dirigerait alors le parti en attendant l’élection d’un nouveau leader).

On y verra plus clair à l’automne8: le pire n’est pas toujours sûr, la vie continue, mais ce sera dur. Indépendamment des effets directement économiques, sociaux et budgétaires du vote, le seul travail de rapatrier dans l’administration et le droit britannique les domaines qui ont été transférés à l’échelon de l’Union a de quoi occuper pour des années une armée de consultants et de fonctionnaires aujourd’hui inexistants et non formés, et bien sûr le Parlement en sus de son programme ordinaire9.

Cet article fait partie d’une série de quatre à la suite du référendum britannique du 23 juin 2016: Gouverner au risque de la démocratie directe, Après le référendum britannique: la guerre est-elle évitable? Scénarios pour l’Europe du Brexit.

  1. Ou le vote de 1992 refusant l’adhésion à l’Espace économique européen. []
  2. Une Suissesse, sorry! []
  3. Il a en effet été au-dessous de tout, au point qu’à la base même certains de ses chauds partisans demandent sa démission. []
  4. Sans le véhicule pour les concrétiser, comme sont parvenus à le faire en Suisse, avec l’initiative Rasa, les partisans d’un nouveau vote annulant purement celui du 9 février 2014. []
  5. Donc aussi si Remain l’avait emporté avec 58%? Et quid si le second vote est plus serré que le premier, ou le contredit? []
  6. L’UE ne s’était pas prêtée au jeu d’encourager un dédoublement du siège britannique en 2014, mais pourrait être tentée cette fois de se venger du camouflet anglais. []
  7. Jusqu’à décision contraire, l’appellation du pays n’a pas de raison de changer, de la même manière que la République française ne change pas de nom en cas de modification territoriale. []
  8. Mais il n’est pas exclu que le nouveau premier ministre, surtout si c’est Boris Johnson, veuille provoquer de nouvelles élections pour confirmer son mandat et disposer d’une législature entière. []
  9. En bien moins considérable, c’est le travail qui avait dû être effectué, en Suisse, quand le Jura s’est détaché de Berne pour devenir un canton, ou dans les cantons qui ont procédé à une révision totale de leur Constitution. []