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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Partis décapités en Grande-Bretagne

Après la promotion météorique de David Cameron à  la tête du parti conservateur, c’est le parti libéral démocrate qui s’apprête à  changer de leader… Comme il est tout de même peu probable que les travaillistes supplient Blair de revenir sur sa décision de ne pas se représenter aux prochaines élections, ce sont donc trois nouveaux leaders, sans beaucoup d’expérience dans la fonction, qui s’affronteront en mai 2009 (ou au plus tard en mai 2010, mais peut-être aussi avant si le premier ministre le veut).

Il me semble que Cameron vient de commettre sa première erreur (de fond, pas forcément tactique), obsédé par son désir de coller au centre (voire au centre gauche) et de répudier tout ce qui peut rappeler l’image traditionnelle de son parti pour ramener des électeurs perdus voire en gagner de nouveaux: il s’est solennellement engagé à  conserver le National Health Service étatique et sa gratuité pour tous (un système qui fait la fierté atavique des Britanniques, mais que nul ne cherche à  imiter), refusant expressément toute évolution vers un système d’assurance permettant de distinguer le financement de la délivrance des prestations. Or il tombe sous le sens que, par sa seule taille, un système de santé unifié est inadapté; et c’est bien pourquoi la politique de Blair consiste à  tenter déjà  de le diversifier en multipliant les statuts autonomes (pour les hôpitaux) et en rendant obligatoire de proposer des choix aux patients. Le problème, c’est qu’instituer cela en parallèle à  la gratuité oblige à  multiplier les procédures purement bureaucratiques, là  où un système fondé sur l’utilisation de son pouvoir d’achat par le patient lui transfère, pour sa plus grande satisfaction d’ailleurs, le travail (c’est le principe d’Ikea pour le montage des meubles et de l’ensemble des services commerciaux en ligne).

Chez les libéraux démocrates, Charles Kennedy s’apprête à  passer la main (07.01 à  16h30: c’est fait) de la pire manière possible: poussé par une révolte de ses troupes après avoir raté sa sortie. Déclarant officiellement hier qu’il a un problème d’alcoolisme (qui fait depuis des années l’ordinaire des journalistes et des humoristes), il aurait pu annoncer son retrait d’une fonction qui ne doit pas y être étrangère afin de se soigner, ce qui nous aurait valu un hommage général et 48 heures d’articles utiles sur le sujet. Il aurait pu aussi, évidemment, démissionner en temps utile pour éviter d’avoir à  faire étalage de ce qui concerne quand même sa vie privée. Mais non, il en tire apparemment la raison de prétendre se maintenir à  la tête du parti malgré les représentations de ses amis épuisés après des années à  composer avec ses manquements! Or si le positionnement opportuniste des libéraux démocrates leur a permis de capitaliser sur le rejet de travaillistes au pouvoir depuis bientôt 9 ans et de conservateurs hors jeu, l’impact de Cameron illustre que ce n’est qu’un château de sable qui peut être balayé par la prochaine vague électorale. Ou peut-être faut-il, pour le parti libéral démocrate, envisager un pacte informel contre le parti au pouvoir comme le prédécesseur de Kennedy, Paddy Ashdown (qui avait un autre format) avait su l’établir avec les travaillistes.

Reste l’énigme du départ de Blair, qui choisit ce moment pour confirmer à  la fois Gordon Brown comme son successeur naturel et son intention de mener à  bien la législature pour laquelle il a été réélu comme premier ministre. Personnellement, j’ai le sentiment que Blair est influencé par les mécanismes traditionnels de passage du témoin dans les autres démocraties, alors que le système britannique, par son « monisme », est en réalité unique. Ainsi les Etats-Unis, où le président est élu pour 4 ans, rééligible une fois. Ainsi des régimes parlementaires fondés sur la proportionnelle, où le rapport au premier ministre / chef de parti est différent: en Espagne Aznar était premier ministre jusqu’à  l’entrée en fonction de Zapatero, même s’il escomptait évidemment transmettre sa fonction à  son successeur à  la tête du parti.

Au Royaume-Uni, l’usage veut que le leader du parti au pouvoir le reste jusqu’au moment de retrouver l’opposition (comme Douglas-Home, Heath, Callaghan ou Major), ou alors en démissionnant en cours de législature (sous la contrainte, que ce soit la maladie, comme Churchill, McMillan ou Wilson, ou la revers politique à  l’intérieur du parti, comme Eden ou Thatcher), son successeur convoquant à  plus ou moins brève échéance une élection pour se faire légitimer. Un départ à  terme choisi par l’intéressé est une complète nouveauté; une transition anticipée laissant Brown terminer la législature serait une rupture avec la tradition démocratique britannique. Et Brown étant manifestement, par ses caractéristiques personnelles, une mauvaise tête d’affiche, particulièrement face à  Cameron, plus Blair se maintient plus grandit la chance qu’un autre leader émerge dans la génération suivante des députés travaillistes: ce serait une troisième tête nouvelle pour la prochaine élection!