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L’Irak dans le bilan de Jacques Chirac

Pitoyable éditorial du Monde pour marquer la fin des fonctions présidentielles de Chirac, dans lequel il parvient à  ne trouver que peu d’éléments à  son actif. Non que je croie la liste beaucoup plus longue, certes, mais c’est le coup de pied de l’âne qui manque d’élégance.

L’énumération démarre avec le haut fait du quinquennat: « il sut refuser la croisade américaine en Irak », une décision qualifiée de « courageuse » et « juste ». Et s’il y a un point qui paraît faire l’unanimité en France c’est bien celui-là . J’aimerais encore une fois dire pourquoi je suis en complet désaccord avec cette manière de voir: c’est certes un élément hautement significatif de la présidence Chirac, mais à  inscrire à  son passif et plus généralement à  celui du rôle de la France dans la communauté internationale.

Que l’on veuille bien me suivre deux minutes dans l’évocation de l’autre scénario qui aurait été possible: comme sous Mitterrand pour libérer le Koweit annexé par Saddam Hussein, comme sous Chirac pour mettre fin à  l’épuration ethnique lancée par Slobodan Milosevic, Américains, Britanniques, Français et tous les autres agissant ensemble pour mettre fin à  la menace que représente toujours le régime de Saddam dans la région et libérer son peuple[1]. Pas d’atermoiement au Conseil de sécurité, mais une attitude ferme et déterminée, un mandat des Nations Unies en bonne et due forme[2] et la France prenant toute sa place dans l’intervention[3].

Eut-elle adopté cette attitude, la France n’aurait pas prêté, avec la grandiloquence hypocrite d’un Villepin, une légitimité factice au mouvement « anti-guerre » qui n’aurait pas eu le développement indigne qu’il a connu; elle aurait évité que soit perçue comme une « croisade américaine », justement, une prise de responsabilité de la communauté internationale qui représentait un immense progrès pour l’humanité; elle aurait permis un tout autre déroulement tant de la planification que des suites de l’intervention et de la remise en marche du pays.

Wishful thinking naïf, je prendrais mes désirs pour des réalités, avec des « si » on mettrait Paris en bouteille? Je ne crois pas. Il y a des décisions qui changent la réalité, c’est d’ailleurs pour cela qu’on les prend[4]. Et il est trop facile, voyant après-coup une situation difficile, de se dire « heureusement que je m’en suis tenu à  l’écart ». Alors qu’en réalité on porte une responsabilité directe, par la décision que l’on a prise de se retirer publiquement d’une démarche initiée ensemble, dans la manière désastreuse dont les choses ont évolué. Pour prendre une analogie que m’inspire mon billet précédent: Mendès France ayant dû quitter le gouvernement en 1955, les élections législatives de 1956 sont remportées par le Front républicain[5] expressément constitué en vue de le ramener au pouvoir; à  la surprise générale, Guy Mollet est appelé à  Matignon par le président de la République, et il accepte l’invitation au lieu de décliner ce qui pouvait n’être compris que comme un égard protocolaire; on sait les désastres qui ont suivi — alors que la nomination de PMF aurait tout changé.

C’est en réalité pour ce coup de poignard dans le dos de ses alliés, cette trahison du peuple irakien[6] et de tous les espoirs de développement de ceux qui subissent des dictatures, cet encouragement de l’état d’esprit anti-occidental qui nourrit le terrorisme (dans le tragiquement vain espoir qu’il sera seulement anti-américain si l’on s’en dissocie) et cette honteuse anesthésie de l’opinion démocratique que la présidence de Chirac mérite de passer à  l’histoire.

Notes

[1] Dans une stratégie de regime change qui ne se dissimule pas derrière les seules armes de destruction massive (comme la France l’a exigé pour prix de sa participation, dans le souci probablement de ne pas inquiéter « ses » dictateurs africain) qu’au demeurant, à  l’époque tout le monde, Chirac et les services français eux-mêmes, tenaient pour une réalité menaçante qu’on se limitait alors à  contenir.

[2] Et une seule résolution suffisait, plutôt que ce découplage imposé également par Chirac, accepté là  encore par Bush et Blair dans l’illusion qu’il ne les lâcherait pas et qui contient en germe la trahison à  venir.

[3] Si même elle n’aurait pas pu être prévenue par un coup d’Etat interne ouvrant sans effusion de sang le pays au secours de la communauté internationale.

[4] On peut certes ne pas en avoir mesuré les conséquences réelles, mais on en reste responsable.

[5] Tiens, voilà  qui doit faire rêver les reconstructeurs de l’opposition…

[6] Nourrie du contact personnel que Chirac avait avec Saddam.

10 commentaires

  1. because
    18 mai 2007

    elle aurait permis un tout autre déroulement tant de la planification que des suites de l’intervention et de la remise en marche du pays

    ah ah ah évidemment! bien sûr! on y croit, l’administration US étant réputée pour sa capacité à  écouter vous êtes donc celui qui ne la considère pas comme ayant été autiste pendant des années

    Guy Mollet est appelé à  Matignon par le président de la République, et il accepte l’invitation au lieu de décliner ce qui pouvait n’être compris que comme un égard protocolaire; on sait les désastres qui ont suivi — alors que la nomination de PMF aurait tout changé.

    il y a eu récemment un émission de fink’ recevant rocard sur france culture : allez l’écouter, et vous verrez comme c’est PMF qui n’a pas voulu de ce poste. témloignages de deferre et JJSS je crois. donc ce n’est pas du tout ce que vous racontez

  2. 18 mai 2007

    grandiloquence hypocrite d’un Villepin, une légitimité factice au mouvement « anti-guerre »: pour une fois c’est là  une attaque sans nuance. Dois je en déduire que les faucons néo-conservateurs menés par Dick Cheney avaient une légitimité indéniable, que dis-je, une sincérité extravertie, que l’on retrouvait au Royaume Uni lorsque le Sun titrait que les Britanniques étaient a 45 minutes des armes de destruction massive de Saddam ?

  3. @because, sur le deuxième point: je connaissais la version laquelle PMF n’avait pas su s’imposer pour empêcher Guy Mollet d’y aller; mais vous m’accorderez qu’elle ne change rien, mais confirme, ma démonstration qu’une décision de faire ou de ne pas faire quelque chose peut avoir des conséquences tragiques!

  4. toto
    18 mai 2007

    Combien de vies épargnées grâce à  la volonté de Chirac de ne pas suivre l’hystérie américaine en Irak ? Et aujourd’hui combien de morts américains et irakiens depuis 2003 ? Rappelez vous la fiole d’anthrax exhibée par Powell à  l’ONU et les ADMs qu’on cherche toujours d’ailleurs …. Et Ben Laden qui court toujours , on n’en parle plus beaucoup.

    Etre anti-guerre ne signifie pas être pro-saddam. Vous usez de ce raccourci alors qu’il est faux ! C’est lamentable !

  5. JaK
    18 mai 2007

    Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que cette guerre en Irak n’a eu que des prétextes fallacieux…. Ce n’est quand même pas la même chose de:
    – faire cesser un massacre
    – libérer un pays qui a été envahit par un pays voisin
    – euh… c’était quoi déjà  pour l’Irak? ah oui, mettre la main sur la quantité monumentale d’armes biologiques amassée par Sadam Hussein qui faisait courir un danger permanent à  la communauté internationale.
    Non, l’ONU ne devait pas prendre une solution dans ce sens sans se décrédibiliser complètement.

    Alors, oui, la France a bien fait de refuser ce genre de magouilles. (des dictateurs, il y en a à  la pelle dans le monde, si on veut les faire tomber par une force internationale, pourquoi pas, mais il faut mener le débat dans ce sens, ne pas se cacher derrière son petit doigt, et établir des priorités en fonction de critères ayant réellement trait à  cette volonté de renverser les dictatures… si cela avait été le cas, pas sûr que l’Irak eût été le premier pays concerné).

  6. François Brutsch
    18 mai 2007

    @Toto: me these, c’est donc exactement le contraire: combien de vies (certes non francaises!) sacrifiees en consequence de l’attitude de la France… Pour le reste (et a @Vonric, @JaK aussi), on comprendra que je ne me fatigue pas a refuter des rationalisations a posteriori en repetant ce qui est noir sur blanc dans mon billet.

  7. Bob
    18 mai 2007

    @François Brutsch : je ne savais pas que nous étions investi d’une mission pour aller foutre sur la gueule de tous les dictateurs de la planète. Il y a un sacré boulot, et je ne pense pas que Hussein aurait du être le premier sur cette liste (d’autant plus que Hussein aurait pu être éliminé dès 91, alors pourquoi le faire maintenant…).

  8. JaK
    18 mai 2007

    Je ne suis pas contre l’intervention en Irak par principe, ou pour éviter que des français meurent dans le désert, ou parceque c’est le bordel là -bas, j’étais contre parceque les Etats Unis n’ont donné aucune raison valide pour faire cette intervention (c’était une opinion à  l’époque des faits, c’est maintenant une certitude).

    Il est évident que faire tomber un dictateur est une noble action, mais bon, ce n’est pas pour ça que les Américains demandaient notre aide, mais pour de sombres excuses de terrorisme international et d’armes de destruction massives qui se sont révélée fausses. Alors, oui, évidemment que faire tomber Sadam était une vraie raison des américains, évidemment qu’ils espéraient établir un pôle démocratique au proche orient… etc… mais ce ne sont pas celles qui ont été mise en avant pour convaincre le monde du bien fondé de cette intervention.

    Sauf qu’il y avait une troisième option que tu oublies, c’est que les Etats Unis écoutent la France, et n’interviennent pas de cette façon! (oui, les 3 scénarii étaient envisageables: la France ferme sa gueule et va a un conflit qu’elle ne désire pas juste pour pas déplaire à  notre allié naturel, ou alors, la france refuse d’y aller le fait savoir, reste sur sa position et amène les américains à  revoir leur politique à  ce sujet… ou celle qui a eu lieu et qui était certainement, je te l’accorde, la pire des trois pour l’Irak)

    Je trouve assez hallucinant d’accuser la France d’arrogance parce qu’elle a refusé ce conflit, mais d’exonérer de cette arrogance les Etats Unis qui ont clairement refusé d’écouter leurs alliés (et pas que les français).

  9. François Brutsch
    18 mai 2007

    @JaK: merci de ton dernier commentaire, ça devient plus intéressant. Sur l’argumentation: je maintiens que regime change et le contre-feu au terrorisme islamo-fasciste du développement et de la démocratie au coeur du monde arabe étaient la politique américaine (ou plus largement anglo-saxonne, puisqu’elle remonte en réalité à  un discours de Blair à  Chicago en 98 — bien avant l’élection de Bush — et est affirmée dans un acte du Congrès voté sous Clinton). C’est l’insistance française à  éviter un mandat de l’ONU fondé sur les droits de l’homme, menaçant par trop la souveraineté nationale de toutes les dictatures, qui a conduit, en 2002, au funeste compromis de mettre en avant une argumentation fondée sur la menace d’armes de destruction massive (dont au demeurant personne ne doutait de la réalité). Combinée au découplage en deux résolutions, cela a conduit au sabotage que je dénonce.

    Par rapport à  tes scénarios: d’abord, l’option de laisser tomber n’en était pas vraiment une: après la première résolution, les troupes de la coalition en position sur place, ç’aurait simplement été une victoire de Saddam (qui bénéficiait par ailleurs, ne l’oublions pas, de la corruption à  large échelle du programme Pétrole contre nourriture du Conseil de sécurité qui rendait les sanctions décidées antérieurement dramatiques pour le peuple mais pas pour le régime…). Quand les Français proposaient de prolonger l’ultimatum (sous-entendu: sans exclure qu’ultérieurement l’intervention ait lieu au besoin), ils ne proposaient pas de relayer les troupes sur place. Quant à  ton premier scénario, ce qui aurait été normal c’est rien de moins qu’une participation pleine et entière, comme en Afghanistan, dans les Balkans ou pour le Koweit…

    La France n’a pas refusé l’intervention (ce n’est pas vraiment un « conflit »: l’Irak n’est pas l’adversaire, bien au contraire; aujourd’hui les troupes de la coalition sont en Irak dans le cadre d’un mandat de l’ONU, en appui au gouvernement élu): elle a refusé de s’y joindre et fait son possible pour la délégitimer, avec les conséquences que je dénonce.

  10. because
    19 mai 2007

    une argumentation fondée sur la menace d’armes de destruction massive (dont au demeurant personne ne doutait de la réalité)

    vous avez vraiment le sens du comique.

    et vous réinventez à  loisir des scenarii, avec des hypothèses farfelues du genre « les maricains auraient écouté leurs alliés pour éviter de faire les conneries qu’ils ont faites »

    quand le pouvoir américain n’est même pas capable d’écouter les américains de bon conseil, au sein de l’administration, il faut vraiment avoir envie de se mentir piour sortir ce que vous dîtes.

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