Outing de Tintin – le revers de la médaille
Faut-il outer Tintin? Le héros de Hergé est régulièrement l’objet de outing. Le dernier en date est celui de Matthew Parris.
A mes yeux, Tintin relève davantage, dans un premier temps, de l’épithète asexué ou plutôt asexuel que gai.
Or être asexuel s’applique aussi bien aux homos qu’aux hétéros en puissance, même si cette catégorie dans laquelle on se range ou on vous range n’a pas exactement les mêmes connotations, suivant qu’on soit plutôt hétéro ou plutôt homo.
Bien des célibataires endurcis sont « physiquement » hétéros tout en ayant peur des femmes – psychologiquement, s’entend, donc peur de la relation avec une femme. ll y a ceux qui sont absorbés par le travail (intellectuel), leurs engagements sociaux (comme sauver le monde) – bref des choses tellement plus sérieuses. C’est le cliché du vieux garçon dans toute sa splendeur. Et nombreux sont les gais (et les lesbiennes) qui apparaissent comme asexuels du fait qu’ils ne peuvent afficher et vivre leur orientation.
- Soit ces personnes n’osent pas s’avouer à elles-même leur orientation.
- Soit elles en sont conscientes, mais n’osent pas la vivre selon tel ou tel contexte socio-cultuel qui prévaut aussi en Suisse (pas besoin d’invoquer des cas extrêmes comme l’Iran et ses gibets).
Si Tintin devait avoir été gai, ce ne serait pas une bonne nouvelle, parce que cela impliquerait une part de mensonge à soi-même ou aux autres, cela impliquerait le refoulement sexuel, bref la castration opérée par soi-même en obéissance à la culture ambiante (cf les voeux de célibat dans certaines institutions), et, sur le plan affectif, un non-épanouissement. Donc je préfère penser que Tintin a été un vieux garçon du type boy-scout attardé idéaliste naïf et généreux qui investit sa libido dans ce qui l’intéresse (aventures dans le monde entier) et qui lui fait prendre son pied intégral.
Ceci dit, rien n’interdit de compter les points qui dénotent des tendances plus homo qu’hétéro. Si on se livre à cet exercice-là , il n’y a pas photo: non seulement la relation avec Chang ressort assez netement, mais elle aussi la plus bouleversante. Hergé aurait pu et même dû leur permettre de se voir plus souvent sans que cela affecte la structure fondamentale, et la gaytitude de Tintin aurait une connototation plus positive.
Je suis loin d’être persuadé que l’épisode Chang soit typique d’un épisode « Gay ». N’oublions pas que si Tintin ne vieillit pas, son auteur, lui vieillissait. Je vois d’avantage dans la recherche de Chang le sentiment d’un père de perdre son fils – peut-être était-ce quelque chose que Georges Rémi vivait au moment d’écrire Tintin au Tibet ?
Comme rappelé en effet « Le héros de Hergé est régulièrement l’objet de outing ». Bien d’accord avec l’article: un héro asexué… et qui a l’avantage de permettre une identification de chacun. S’il avait une « copine » ou un « copain », le lecteur serait forcément jaloux 😉
Je suis désolé de jouer les vieux cons, mais:
1) Je ne pense pas que tu devrais écrire « gay » « gai », car gai ça veut dire en bon français « qui est d’humeur agréable ». On peut être gay et gai, on peut être gay et pas gai, on peut être gai et pas gay.
2) Je ne comprends pas pourquoi, par ailleurs, il existe des expressions de type « gay et lesbien », ou bien « homosexuel et lesbien ». Un homosexuel, miracle de la langue grecque, c’est quelqu’un qui éprouve de l’attirance pour les individus du même sexe. Peu importe que celui-ci soit masculin ou féminin. Je suspecte le rajout systématique dans le vocabulaire militant d’être un vieux reste de féminisme. Par contre, « gay et trans(exuel) » est pertinent, car l’homosexualité et le transexualisme relèvent de deux phénomènes différents.
Maintenant, je ne suis pas sûr qu’il soit très heureux pour la cause que tintin soit gay: après tout c’est un sale colonialiste, et on peu même le soupçonner d’être un chouïa raciste 🙂
@GroM: Ce sujet de la gai(y)guerre a fait l’objet d’un commentaire dans ce récent billet, et m’a courte réponse ne semble pas t’avoir convaincu. Pour avoir une idée des arguments qui s’échangent à ce propos sur lequel on peut adorer se disputer vu qu’il ne porte pas à conséquence, voir ce forum parmi tant d’autres.
Quant à l’association systématique ‘gais et lesbiennes’ (surtout en tant que substantifs), elle est effectivement motivée par la militance en ce qui me concerne. ‘Homosexuel’ est un terme médical (donc ayant une connotation pathologique) du 19ème siècle. La mouvance gaie et lesbienne anglophone puis francophone du 20ème siècle a poussé à ce que ‘gai’ et ‘lesbienne’ désignent des personnes plutôt que des comportements (éventuellement pathologiques), des personnes qui assument leur style de vie, puis par extension, les personnes qui ont une attirance pour les personnes du même sexe, que l’on continue d’appeler sous le vocable ‘homosexuel’ de plus en plus ressenti comme neutre (en fonction du degré d’acceptation du contexte où on en parle).
Il faut voir qu’au fur et à mesure de la production des albums, qui s’est étendue sur plusieurs années, la personnalité de Tintin et la nature même de la série évolue. Tout cela est très bien expliqué dans un livre de Michael Farr, qui analyse les albums successifs et montre les inspirations et le travail documentaire autour de chaque épisode (à partir du 4ème…). Il y a aussi un article de The Economist qui aborde le profil de Tintin (par opposition aux héros de comics américains, tels Batman, Spiderman ou les X Men, beaucoup plus subversifs, à la fois surhumains et plus humains, et qui pour le coup ont des copains/des copines).
Dans les premiers albums, Tintin chez les Soviets, Tintin au Congo et Tintin en Amérique, les sujets sont choisis par la rédaction du Petit Vingtième (supplément jeunesse d’un journal catholique). Ces albums sont clairement anticommuniste (pour le premier), raciste et colonialiste (pour le second) et anti-américain pour le 3ème, avec sans doute quelques traces d’antisémitisme. L’idéologie de la droite réactionnaire à cette époque. La bande dessinée est publiée sous forme périodique (1 ou 2 bandes dans chaque numéro, hebdomadaire, je crois), Hergé brode au fur et à mesure. Les albums sont recomposés (et colorisés, je crois) après coup, je crois que certains points ont été retouchés après coup dans les éditions suivantes. Cela se voit très bien au final: ces albums n’ont aucune profondeur psychologique, ils sont fait d’une succession d’événements sans rapport les uns avec les autres, sans fil conducteur. Milou y tient un rôle important, et parle beaucoup.
Encore plus que la série en général, ces premiers albums contiennent très peu de femmes, et encore moins de sexe. Tintin est un héros enfantin pour enfants, qui se promène avec son chien surdoué, et partout combat l’injustice et défend l’ordre établi.
Puis le personnage mûrit un peu (et prend un peu de distance par rapport au Petit Vingtième).
Les intrigues s’etoffent (au point de couvrir 2 albums), de nouveaux personnages apparaissent: les Dupond/t, Tournesol (inspiré par le Pr. Picard) et surtout, le capitaine Haddock (qui signe l’arrêt de mort de Milou, alors réduit au rôle d’animal de compagnie). Comme le fait remarquer Farr, Haddock est beaucoup plus développé psychologiquement et graphiquement que Tintin: yeux, rides, coiffure… Parce que Tintin, c’est 2 points pour les yeux et un trait pour le nez, et point de vue psychologique, c’est à peu près pareil: boy-scout modèle. Le capitaine, lui, est humain: il a des défauts (alcoolisme), un caractère (colérique, mais ami fidèle), un parcours, ce qui le rend attachant. C’est plutôt lui le personnage central de la série, ou celui sur lequel on pourra
Les albums les plus riches (à mon goût) de Tintin sont ceux où intervient Tchang, Le Lotus Bleu et Tintin au Tibet, c’est vrai que cette amitié si intense entre 2 êtres qui semblent s’être trouvés peut poser question. De mémoire, je dirais presque que ce sont les seuls albums où Tintin fait vraiment montre de sentiments, et pas seulement d’émotions. Mais bon je voyais plutôt cela comme un panégyrique de l’amitié telle que peuvent la vivre deux enfants (après tout, Tchang et Tintin sont 2 enfants…).
Dans l’univers de la BD francophone période gaulliste, je me poserais plutôt des questions sur la nautre exacte de la relation entre Astérix et Oblélix. Après tout, comme dit Bonnemine, Astérix est célibataire (« Le fils d’Astérix »), et pas aussi jeune qu’il n’y paraît (la femme d’Agecanonix dans « La Zizanie »). Quand on trouve un bébé devant la hutte d’un guerrier célibataire, ça fait causer. Moi j’aurais pensé que 2 guerriers partageant la même hutte (même occasionnellement, c’est dit dans « Astérix, la Rose et le glaive », qui nous apprends en plus que le(s) scénariste(s) du tome, sinon Astérix, sont plutôt misogynes), ça aurait au moins fait autant jaser, mais bon, je dis ça, je dis rien.
P.S: à faire des posts de 10km sur des sujets sensibles, je me retrouve à me marrer tout seul comme un imbécile devant mon écran, à repensant à Obélix remarquant que contrairement à l’usage, la nourrice ne fournit pas le lait.