Psychologie des médias
L’une des nombreuses allées dans lesquelles je suis curieux de m’aventurer parce qu’elle me paraissent prometteuses, c’est le lien entre psychologie et comportements (la psychologie appliquée, celle qui s’appuie sur les méthodes scientifiques d’observation et d’expérimentation, pas le freudisme, ni la psychiatrie qui se consacre, elle, au volet pathologique de la discipline; une métaphore qui me convient: la psychologie est à la psychiatrie ce que l’hygiène, la diététique et l’exercice physique sont à la médecine hospitalière). On connaît les réflexions de l’Ecole de Francfort (Adorno, Fromm) sur la personnalité autoritaire ou, en psychologie, l’expérience de Milgram sur la soumission à l’autorité, mainte fois reproduite dans le monde (et popularisée par le film I comme Icare, de Henri Verneuil, avec Yves Montand). Mais il me semble qu’il reste beaucoup à faire — et en particulier dans l’ordre du collectif, pas seulement de l’individuel — pour comprendre et expliquer certaines conduites d’échec, voire évidemment promouvoir une attitude plus gratifiante pour les intéressés comme pour leur entourage.
C’est dans cet état d’esprit que je découvre un bref article d’un professeur de psychologie à l’Université de Pennsylvanie, ancien président de l‘American Psychological Association, auteur de 21 ouvrages (via Roger L. Simon):
Misreporting Science in the New York Times: Against Happiness
Sa conclusion, qui paraît largement dépasser la simple humeur relative au traitement de sa discipline et expliquer pourquoi Chrenkoff, avec son esprit positif, a bien meilleur temps de bloguer que de chercher un emploi dans les médias traditionnels:
Yes, there are professional pessimists. Yes, there are nattering nabobs of negativism. There are media dedicated to the dividends of darkness that both reflect a cultural bias toward despair and simultaneously shape it. They are enormously influential, and if you wonder why our young people are in the midst of an epidemic of depression and meaninglessness in the presence of unprecedented wealth, education, and opportunity, you might start with what they read in the New York Times.
oui, c’est sûr que les enlèvements à répétition, ce n’est pas bon pour le moral.
La remarque se veut-elle sarcastique? Ludovic Monnerat avait un excellent billet à ce propos l’autre jour!
non, pas sarcastique, mais triste de lire cette blogosphère qui casse du journaliste en toute bonne conscience, et définitivement du côté de Jean Hélène et de tous les journalistes qui sont morts sur le terrain ces dernières années. Et oui, je suis tout simplement outré de voir un blogueur comme Monnerat insinuer que Florence Aubenas l’a bien mérité, d’être enlevée. Vous tombez vous-mêmes dans le travers que vous dénoncez en attribuant aux terroristes irakiens une pensée politique qu’ils n’ont pas….
Libre à vous d’être outré, mais je vous mets au défi de prouver la moindre insinuation au sein de ce billet dans le sens que vous indiquez. Au demeurant, ce que vous affirmez n’a pas de sens : comment aurais-je pu laisser croire que Florence Aubenas avait bien mérité d’être enlevée par des insurgents, alors même que sa couverture tend à leur être favorable ? S’il fallait en outre soupçonner le Gouvernement intérimaire irakien d’être lié à son enlèvement, elle ne serait certainement pas la cible n°1 – tant il est vrai que la plupart des médias arabes font passer les plus militants des journalistes suisses ou français pour des parangons d’objectivité et de véracité.
Ce que j’ai expliqué, c’est que mettre en danger les journalistes est aujourd’hui une méthode usuelle pour des groupes non étatiques afin d’orienter la couverture médiatique en la concentrant sur leurs activités, voire sur leur message. Cela n’a rien à voir avec le fait que Mme Aubenas tend à infléchir ses reportages dans le sens de son opinion, car je doute que les groupes terroristes, islamistes ou criminels qui pratiquent les enlèvements en Irak lisent Libération ; cela signifie simplement que la notion de protection dont logiquement devraient jouir les journalistes dans une zone de conflit a bel et bien disparu, en raison du cumul de ces deux phénomènes.
Par rapport à Monnerat — il a déjà répondu! Ce que je peux dire c’est que c’est par son billet que j’ai su qu’il arrivait qqch à Aubenas, et je n’ai pas eu l’impression qu’il s’en réjouissait. Et ce qui est sûr c’est que ça ne va pas améliorer la couverture des élections irakiennes, déjà lamentable si tu compares avec ce que racontent sur Iraq The Model les deux frères qui conduisent leur propre liste…
Par rapport à mon billet, tu pousses un peu, non? Bien sûr que les journalistes courent des risques, mais ça ne les transforme pas en saints laïques et ne les absout pas de toute critique.