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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

La foi est-elle contre-nature?

Certain souverain pontife pense avoir trouvé la parade imparable pour contrer le militantisme gai et lesbien sans avoir à  prononcer le mot homosexuel. Il s’en prend désormais aux études genre, qui pensent, à  la suite de Simone de Beauvoir, qu’ « on ne naît pas femme (ou homme), on le devient. » Donc c’est la société et sa culture qui font, qui construisent ce qu’est un homme ou un femme. (La question de la pondération des facteurs sociaux et biologiques n’est évidemment pas résolue et alimente les controverses.) Malgré la (relative) jeunesse de ces études, on peut gager que la position papale fera plutôt ressortir leur pertinence.

Pour le pontife souverain, cette démarche académique va à  l’encontre de l’ordre créationnel. Elle autoriserait, elle justifierait des comportements qui représentent un danger aussi grave pour l’humanité que tout ce qui met en péril l’écosystème de la terre.

D’un côté, on peut s’inquiéter de ce recours à  l’écologie pour parler d’un ordre naturel assimilé à  un ordre divin. Le raisonnement logique est: Dieu a créé la nature avec ses lois; les lois de la natures étaient donc dans l’entendement de Dieu de toute éternité; donc les lois sont divines. Dans les années trente, on parlait aussi d’ordre naturel: certes c’était pour justifier le racisme pro-aryien, et l’idéologie nazie était en opposition frontale avec le judaïsme et le christianisme. Mais quand même… Des esprits moins bien intentionnés que notre bon pape pourraient se trouver justifiés à  prôner les pires discriminations.

D’un autre côté, faut-il s’inquiéter ou rire quand, en voulant recourir à  une sainte écologie on se met en contradiction avec des aspects constitutifs de la tradition qu’on représente. En effet, le message judéo-chrétien (comme d’autres religions sans doute), bien loin de sanctifier la nature et ses lois, les subvertit. Dame Nature n’est pas une tendre mère (est-on sûr que de son genre féminin?): pensons à  la loi de la jungle, qui n’est autre qu’un instinct de survie tout ce qu’il y a de plus naturel. L’amour, la grâce, le pardon, le souci des plus faibles, relèvent d’un ordre non pas naturel mais spirituel, voire surnaturel (disent Paul, Thomas, Pascal).

Qui plus est, dans la Bible, qui s’inscrit dans une culture patriarcale, la divinité n’hésite pas à  revendiquer des traits tant masculins que féminins: elle est un père très aimant [1], un amant éploré puis éconduit [2], une mère, une nourrice [3], une mère aigle [4], une mère poule [5], une princesse-danseuse-favorite [6]. Dans le second Testament, les hommes, autant que les femmes, ont été fiancés au Christ.[7]

Le temps manque pour aborder les questions qui fâchent: « nature et célibat » (des prêtres, au hasard), et la publicité faite aux eunuques-pour-la-bonne-cause[8] et autres masculinités peu conformes à  l’ordre naturocréationnel donné en référence.

COMPLEMENT DE GUILLAUME BARRY DU 07.01.2009

Cet article de Jean-François Staszak, professeur ordinaire et directeur du département de géographie à  l’Université de Genève, paru dans Le Temps est le genre de réponse que j’aurais rêvée donner.

Notes

[1] Osée 11,1

[2] Osée 3,1 / Ezéchiel 16

[3] Osée 11,4

[4] Deutéronome 32, 11

[5] Matthieu 23, 37

[6] Proverbes 8,22-31

[7] 2 Corinthiens 11,2

[8] Matthieu19,12

8 commentaires

  1. Phix
    27 décembre 2008

    Sans mauvaise volonté (pour ne pas dire sans mauvaise foi), je voulais juste apporter une légère contribution en corrigeant les quelques fautes du premier paragraphe – on ne pas dit « certain souverain pontife » au singulier, il faudra dire « certains » mais dans ce cas précis il faut en fait ajouter « Un » en début de phrase. – et je crois que vous voulez faire référence au militantisme GAY et lesbien même si celui-ci venait à  être tout à  fait gai. – vous avez juste fait un petit oubli, « s’en prend désormais aux études DE genre » – enfin il me semble que ARYEN suffit sans le i

    (mais je ne suis pas là  pour vous reprendre, c’est juste au nom de l’intérêt général 🙂

    bon et pour en revenir au fond, très intéressant, et là  je n’ai rien à  rajouter, je suis assez d’accord!

  2. Guillaume Barry
    28 décembre 2008

    @ Phix: Merci pour votre contribution. Je maintiens tout sauf ‘aryen’ avec ‘i’. 1° Pour ‘certain’ au singulier sans article, voir par exemple ici. 2° Pour ‘gai’: je revendique l’orthographe canadienne (voir ici), l’homosexualité n’étant pas l’apanage des Anglo-Saxons. 3° On dit « études genre » en Suisse, voir ici.

  3. 28 décembre 2008

    Je reste sceptique et crains que ce ne soit mon ignorance du bien-fondé des études sur le genre, et de l’homosexualité, qui m’empêchent de trouver les propos du Pape scandaleux (outre mon catholicisme). Il ne me semblait pas, en effet, qu’un homme homosexuel, par exemple, s’estimait femme. Ou l’inverse. J’ai donc du mal à  voir en quoi les théories du « gender » devraient être nécessairement admises.

  4. Guillaume Barry
    28 décembre 2008

    @ koz: Voici déjà  un lien vers une traduction du discours intégral du Pape à  la Curie.

  5. 29 décembre 2008

    Merci pour le lien. Je continue de devoir avouer en revanche mon ignorance relative des théories du genre. J’ai cru comprendre qu’il s’agissait effectivement de considérer que l’on ne relève pas de son sexe biologique, mais du sexe que l’on s’assigne. Or, et c’est là  qu’intervient peut-être ma méconnaissance de l’homosexualité, je n’ai pas le sentiment que les homosexuels revendiquent – à  tout le moins pas systématiquement – le fait d’être du sexe opposé, mais au contraire et bien souvent, le fait d’être un homme pleinement homme mais préférant les hommes (idem évidemment pour les femmes).

    Dans ces conditions, je ne vois pas en quoi le propos du Pape serait – comme je l’ai lu – homophobe. Il s’oppose à  une théorie qui ne me paraît même pas recevoir l’assentiment général des homosexuels.

    Ceci étant dit, je n’ignore pas, bien évidemment, que l’Eglise catholique, tout en condamnant les discriminations à  l’encontre des homosexuels, condamne aussi l’acte homosexuel. Et je me permets de préciser que je suis plutôt… dubitatif, à  cet égard.

  6. Phix
    29 décembre 2008

    ah! bon bah je ne suis pas venu pour rien, j’aurai appris tout plein de choses sur la langue française.. en particulier sur sa pratique hors de France :’)

  7. Bashô
    29 décembre 2008

    Koz> Il y a deux « écoles » chez les théoriciens du genre (c’est ainsi qu’ils s’appellent), l’une qui considère qu’à  côté du donné biologique, il y a toute une construction culturelle: « l’éternel féminin », la « virilité » et à  ce titre à  remettre en question. Et il y l’autre école qui dénie presque totalement la composante biologique (« mon vagin ne signifie rien » répètent certaines féministes). Ce qui questionne (doux euphémisme!) pas mal le Magistère. Par exemple, le fameux problème de l’ordination des femmes. La Tradition est très ferme sur ce point: les femmes ne peuvent être ordonnées, non pas parce qu’elles seraient inférieures, mais parce qu’elles ne peuvent agir in personna Christi; en latin personna signifie masque et par extension relation avec autrui. Un théoricien du genre critiquerait sévèrement cette approche arguant que la différence est de l’ordre symbolique, et non ontologique. Je ne peux pas en dire plus, je ne m’y connais guère bien que j’y ai jeté un coup d’oeil après avoir entendu Judith Butler, une femme qui me paraît très intéressante.

  8. 30 décembre 2008

    Merci Bashô !

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