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Coming out conservateur et péché originel

L’auteur de théâtre et réalisateur David Mamet a fait son coming out de conservateur. Il a publié un long article dans le Village Voice pour dire qu’il n’était plus un « dead brain liberal ».[1] – c’est par Sardanapale que j’en ai eu connaissance.

Le film de lui qui m’a le plus fasciné, c’est le premier: Engrenages (The House of Games – 1987). C’est une des meilleures illustrations de ce que peut être une mise en abyme cruelle. Il y a une trouvaille, qui est géniale, non seulement du point de vue de l’intrigue, mais du point de vue de la psychologie. Mais cette lucidité audacieuse ne fait préjuger en rien d’un bord politique. [2]Par contre, la charge contre le politiquement correct que représentent la pièce et le film Oleanna en 1994 pourrait être vue comme un lointain signe précurseur de la sortie du placard.

Il y a juste un problème, c’est la dichotomie. Mamet oppose la gauche (liberal) aux conservateurs, et cela implique sans que cela soit dit que ces derniers se recoupent avec les libéraux au sens français du terme. Mais l’article est intéressant (et cela vaut la peine de le lire en entier). Parmi les points qu’il soulève, un théologien relèvera ce qu’il faut bien appeler le rôle central d’une doctrine du péché originel qui ne dit pas son nom. Pour Mamet, la gauche prétend avec Rousseau (depuis Rousseau?) que l’homme naît bon et que c’est la société qui le corrompt. Tandis que la droite part de l’idée que l’humain est mené par des instincts de survie, qu’il est corrompu, qu’il faut faire avec ce qui colle avec le « tous pécheurs ». La gauche compare toutes les situations avec un idéal qui lui fait voir le mal partout. La droite constate les bonnes choses qui sont réalisées malgré la nature imparfaite de l’humain, elle croit à  la perfectibilité.

Ce qui est intéressant, c’est que la doctrine du péché originel, associée à  l’obscurantisme aliénant, ou à  l’écrasement des personnes, si elle est bien comprise, fait partie d’une vision libératrice de l’être humain qui lui donne toute sa dignité. Bien comprise, cette doctrine, associée à  celle de la rédemption, devrait en premier lieu libérer l’individu du fardeau de se juger lui-même, de se comparer à  un idéal inatteignable. [3]

Cette doctrine sape les fondements de tout jugement comparatif, une interdiction qui est un élément fort de la prédication de Jésus puis de Paul. Le calviniste Jean de Léry est considéré comme l’un des précurseur de l’ethnologie avant la lettre. Confronté en 1557 à  des pratiques cannibales au Brésil, il a estimé que c’était une forme que pouvait revêtir le péché, et il a refusé de considérer les adeptes de cette altergastronomie comme monstrueux ou inhumains. Cette doctrine devrait donc transcender les clivages gauche et droite: tous pécheurs! Et mettre le doigt sur leur tâche aveugle respective. La découverte par Mamet de ses affinités avec la pensée conservatrice est intéressante. Mais sa réflexion sur la nature humaine devra aussi l’amener à  ce qui pèche dans les attitudes fondamentales. La psyché conservatrice peut être mue exclusivement par la crainte de perdre (une situation ou des biens acquis), ce qui est une forme basique du péché originel (les actions de l’être humain dans la sphère religieuse ou morale sont déterminées par la peur de perdre la vie, reçue gratuitement). [4]A l’inverse, la résurrection, c’est la vie communiquée (channellisée si on voulait détourner ou subvertir le lexique New Age) à  travers un vecteur qui n’est rien d’autre que la confiance [5] en cette gratuité. Une gratuité irréductible à  une logique de marché, en vue d’une liberté que Mamet ne trouverait sans doute pas très liberal.

Notes

[1] Faut-il traduire: – un homme de gauche au cerveau cliniquement mort?

[2] Pour rappel à  ceux qui l’ont vu: C’est cette histoire d’une psychanalyste qui s’intéresse à  un truand, et on ne peut rien dire de plus.

[3] Dans la situation extrême qu’on trouve dans la dépression, l’individu prend la place de Dieu, il occupe toute la place et il se juge et condamne impitoyablement pour ne pas être à  la hauteur du Dieu qu’il croit devoir être.

[4] Dans le jardin d’Eden, Adam et Eve ont accès gratuitement à  l’arbre de vie. C’est en sortant de cette relation de confiance, mise en cause par le serpent, qu’ils donnent un objet et un fondement à  la crainte, qui acquiert une justification rétrospective.

[5] ou foi, le si joli terme grec pistis ne se retrouvant malheureusement dans aucun mot en français

2 commentaires

  1. 28 mars 2008

    Hello, j’aime beaucoup ton blog 🙂 on y trouve souvent quelques perles. Je me demandais pourquoi avoir fait cette précision « channellisee si on voulait detourner ou subvertir le lexique new age ». 🙂

  2. Guillaume Barry
    29 mars 2008

    Disons que le terme « channeling » m’a fasciné et interpellé dès que j’en ai eu connaissance. Est-ce par association d’idée avec le bras d’une mère sereinement étendu entre la Grande-Bretagne et le continent? Ou est-ce la pensée de la haute-couture, qui me rapproche davantage de la religion et du culte ? Toujours est-il que je rêvais de l’utiliser dans un autre contexte que l’originel. En l’occurrence, à  propos d’une spécificité irréductible au christianisme.

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