"Shortbus": à voir et à penser
Après avoir été inspiré pour mon dernier billet par la vente d’accessoires sexuels [1] sur la voie publique, restons dans les contenus explicites, [2] mais à valeur artistique ajoutée. Je viens de voir Shortbus, qui est une merveille des points de vue cinématographiques qui m’intéressent: fraîcheur, innovation, créativité.
C’est aussi un bijou du point de vue de la réflexion sur le sens, plus que sur les sens. Par moment on se dit, il n’y pas de sens. A d’autres moments, on se dit que le sens du film est la recherche individualiste de la jouissance égoïste, ce qu’on appelle développement personnel depuis la troisième révolution copernicienne en éthique. Bref on serait centré sur les émotions, les sentiments, les états d’âme du petit moi, l’âme plutôt que le corps. [3]Au début on est désespéré, à la fin, on jouit comme une déesse, mais, justement, l’illustration hyperbolique du happy end montre que le réalisateur n’y croit pas.
L’aspect sympathique du film, c’est qu’il n’y a pas une pure focalisation individualiste sur des corps sans relations autres que sexuelles. Le Shortbus constitue une communauté des gens qui se soucient les uns des autres. Comme dans une communauté religieuse qui applique les enseignements qu’elle proclame. Sauf que la sollicitude porte par exemple sur les progrès de la quête de l’autre, que l’on aide sur son parcours initiatique. Le film se termine en love parade, en fanfare, où tout le monde a trouvé son bonheur[4], et tout le monde est content pour tout le monde. Bref, et ce n’est pas de la provocation, le théologien ou simplement le croyant en moi est plutôt réjoui par ce film, même s’il comporte des faiblesses, de la dispersion, et des manques de cohérence, dus à l’improvisation, qui sied à une démarche expérimentale. La photographie des corps, nus ou pas, des décors, existants ou non, vaut le déplacement. Certes, on en profite plus si on n’est pas trop gêné que les anatomies masculines en action constituent un contenu explicite. Enfin, mais c’est un sujet de billet en soi, on peut être intéressé de voir comment le 11 septembre est thématisé (et Ground Zero visualisé).
Notes
[1] Autres que les préservatifs, qui ne sont pas de gadgets
[2] Comme disent les autocollants sur certains CD – avertissement légal devenu un argument publicitaire
[3] Rappel: 1ère révolution: Copernic montre que la terre tourne autour du soleil; 2ème révolution: Kant énonce que l’objet connu se règle sur le sujet connaissant (est vu à travers nos catégories); 3ème révolution – en 2 temps: 1° L’intérêt collectif passe avant l’intérêt de l’individu devient Je ne peux pas aimer les autres si je ne m’aime pas moi-même qui devient 2° Dieu est moi, la recherche spirituelle passe par mon développement personnel, tout est illusion, surtout autrui
[4] En l’occurrence sexuel, vécu en solitaire, car on ne ressens que son corps, mais c’est à travers un ou plusieurs autre-s. Dans d’autres film, la love parade exprime une rédemption ou une intégration (je pense au final de Bagdad Café)