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Frère Roger aurait-il été trop silencieux?

Si on devait avoir – contradictio in terminibus – des saints protestants, un sondage donnerait peut-être comme candidats pour le 20ème siècle: Dietrich Bonhoeffer, Martin Luther King et Roger Schutz qui a fondé la communauté de Taizé, qui allait être LE portail d’accès aux cieux oecuméniques par excellence. Or le Monde, révèle que le frère fondateur était converti au catholicisme depuis 1972. Comme pour l’ami Gà¼nther, ce n’est pas l’acte qui est susceptible de me choquer, mais c’est le silence ou, en l’occurrence, plutôt l’ambiguité gardée à  son sujet. Encore qu’il n’y a évidemment rien de comparable entre un enrôlement dans une organisation criminelle au service d’une idéologie atroce et l’allégeance à  une institution qui peut être vectrice de l’amour divin malgré ses rapports contradictoires au pouvoir et à  la sainteté. Le prieur actuel de Taizé, Frère Alois, récuse le terme de conversion, qui implique une « rupture avec ses origines » et invoque une déclaration de Frère Roger à  Rome en 1980: « J’ai trouvé (…) ma propre identité de chrétien en réconciliant en moi-même la foi de mes origines avec le mystère de la foi catholique, sans rupture de communion avec quiconque. » Dommage qu’il n’ait pas thématisé, développé, approfondi. Mais j’avoue ne pas avoir suivi de près l’histoire de Taizé et de ceux qui la portent.

12 commentaires

  1. 7 septembre 2006

    Très possible que Frère Roger ait fait ce geste de conversion sans volonté de rupture avec ses origines, qu’il l’ait fait dans l’esprit décrit par frère Aloïs. Je déplore quand-même ce manque de transparence et que ce fait ait dû être révélé au grand public par Le Monde.

    Des faits. A Taizé c’est l’eucharistie catholique qui est distribuée largement à  l’assemblée. Pour le protestant qui veut communier à  la cène c’est seulement certains jours dans un coin particulier de l’Eglise. Ce qui rend les choses ambigà¼es pour le prtotestant qui normalement n’a pas accès à  l’eucharistie. Donc beaucoup de jeunes non-catholiques pris par la ferveur ambiante et qui ne sont pas au courant de cette restriction transgressent sans le savoir. La manière dont frère Aloïs a été désigné à  la succession (depuis longtemps semble-t-il, par frère Roger lui-même et sans consultation démocratique de la communauté) ne correspond pas du tout aux pratiques du protestantisme.

    Ceci expliquant peut-être cela. Mais ce manque de transparence est lamentable!

  2. 7 septembre 2006

    Je suis passé à  Taizé. J’y ai rencontré autant de protestants que de catholiques. Et j’ai du mal à  comprendre ce qui ressemble à  une vaine tentative de polémique.

    Je comprendrais l’agacement de certains si l’Eglise avait brandie la conversion de Frère Roger comme « preuve » de la supériorité du catholicisme. Est-ce qu’il a été fait quoi que ce soit en ce sens ?

    Au contraire, ne pouvez-vous pas interpréter ce silence comme une volonté de ne pas heurter les protestants ? Et plus qu’un silence, ne pouvez-vous y voir de la discrétion ? Que l’on cache son appartenance aux SS, je comprends, l’appartenance est honteuse. Lorsque l’on est sincèrement convaincu par sa conversion, que l’on a la profondeur spirituelle de Frère Roger, pensez-vous que l’on cache cet évènement, par honte ? Je crains que vous ne pensiez que ce soit par ruse, pour écarter les protestants de la bonne voie. Et je trouve cela presque blessant : ce n’est pas la première fois, sur les blogs, que je lis de la part de protestants de véritables procès d’intention.

    En tant que catholique, j’ai eu maintes fois l’occasion de participer à  des évènements oecuméniques. Chaque fois, cela s’est déroulé dans un parfait respect des convictions de l’autre. J’ai participé également (brièvement) à  un mouvement catholique, très oecuménique et me souviens qu’un jeune effectuait son service national en tant que bénévole dans ce mouvement. Il n’était pas baptisé et a choisi le protestantisme à  la fin de son service.

    Quant à  la communion, j’avoue ne pas être assez proche du protestantisme pour me prononcer, mais je m’étonne du commentaire précédent. Le fait de recevroir l’eucharistie damnerait-il les protestants ? Est-ce autre chose que du pain, pour les protestants ?

    Franchement, même si je m’en remettrai, c’est certain, ce que moi, je trouve regrettable, et lamentable, c’est cet esprit de division.

  3. 7 septembre 2006

    @ koz: En l’occurrence, parler de procès d’intention est un procès d’intention pour ce qui me concerne. Il ne me viendrait pas à  l’idée d’attribuer ni ruse ni calcul à  Frère Roger – quand même. Ambiguité: c’est l’Eglise catholique qui interdit l’eucharistie aux protestants. Ces derniers ne sont pas (con)damnés par leurs propres autorités si ils la prennent. Donc c’est ambigu d’avoir un Frère Roger, né protestant, pionnier de l’oecuménisme, qui tout d’un coup se met à  prendre officiellement une eucharistie interdite aux protestants tout en fermant les yeux sur la transgression. Puis Jean-Paul II a remis de l’ordre en restipulant l’interdiction absolue de l’intercommunion.

  4. 7 septembre 2006

    Je ne comprends pas le problème de fond : s’agit-il de déterminer si Frère Roger est catholique ou protestant ?

  5. 7 septembre 2006

    Non, pas pour moi. Cela relève d’abord de la problématique d’un silence gardé – comme pour G.G. Dans un deuxième temps: peut-être. Etant donné le rôle pionnier qu’a joué Taizé dans les progrès de l’oecuménisme, et que le rapport entre catholiques et protestants est dyssimétrique, du point de vue de la communion, mais aussi de la hiérarchie en général, du rapport aux médias etc., le fait pour un protestant de faire allégeance au catholicisme est délicat. En disant cela, je fais abstraction de toute considération théologique, mystique, spirituelle, car ce ne sont pas les lieux et les événements catholiques qui manquent qui me font vibrer.

  6. 7 septembre 2006

    La démarche de Frère Roger était à  mon sens très personnelle et intime. C’est son choix, sa liberté. Qu’il ait choisi de la taire pour ne pas porter atteinte à  son oeuvre d’oecuménisme, je peux le comprendre. Annoncer dès 1972 qu’il est devenu catholique aurait pu transformer Taizé en un centre purement catholique, qui lui aurait enlevé une dimension essentielle qui en fait un lieu unique. A la lumière de cette révélation, on comprend mieux la communion de Frère Roger aux obsèques de JPII et la présence d’un cardinal à  ses funérailles. L’église catholique est logique avec elle même, c’est plus un problème qui concerne les protestants et leur rapport futur avec Taizé. C’est d’ailleurs pour protéger cela que frère Aloïs tente de nier.

  7. 7 septembre 2006

    Qu’est-ce qu’une démarche spirituelle qui implique le secret quand le christianisme est par définition une religion de la proclamation? Quand on la vit dans un pays totalitaire, c’est encore compréhensible. « La vérité vous rendra libres » dit Jésus (Jean 8,32).

  8. Guillaume Barry
    7 septembre 2006

    « Religion » entre guillemets bien sûr.

  9. Le Diviseur

    Evoquer l’esprit de division, la polémique facile et inutile, évoquer à  cet égard le Diviseur, est un peu délicat sur un blog politique. Après tout, connaît-on de meilleurs facteurs de polémique que la politique et la religion, le footbal…

  10. 7 septembre 2006

    Je me permets de vous proposer cet extrait de l’entretien de Frère Aloïs à  La Croix

    {{Que s’est-il exactement passé en 1972 dans la chapelle de l’évêché d’Autun ? – En 1972, l’évêque d’Autun de l’époque, Mgr Armand Le Bourgeois, lui a donné la communion pour la première fois tout simplement, sans lui demander d’autre profession de foi que le Credo récité lors de l’eucharistie, et qui est commun à  tous les chrétiens. Plusieurs témoins étaient présents, trois de mes frères, un couple ami, ils peuvent l’attester.

    Pourquoi à  ce moment-là  ? – Cette date avait été choisie parce que Frère Roger s’apprêtait à  recevoir l’engagement à  vie du premier frère catholique de la communauté et il était impensable de ne pas communier à  la même table eucharistique. Quelques mois plus tard, Mgr Le Bourgeois est venu à  Taizé et, de la même manière, il a donné la communion à  tous les frères de la communauté.

    Pourquoi tant de discrétion autour de ce qu’il voulait être un témoignage ? – Comme cette démarche était progressive et tout à  fait nouvelle, elle était difficile à  exprimer et à  comprendre. Il était facile de mal l’interpréter. C’est ainsi que parler à  ce propos de « conversion », c’est ne pas comprendre l’originalité de ce que Frère Roger a recherché. Le mot « conversion » est chargé d’histoire, la «conversion» implique une rupture avec ses origines. Frère Roger a accepté que, pour certains, une conversion individuelle puisse être un chemin, mais, pour lui-même et pour notre communauté, il préférait parler de « communion ». Pour lui, entrer progressivement dans une pleine communion avec l’à‰glise catholique s’est concrétisé sur deux points qu’il n’a jamais gardés secrets : recevoir l’eucharistie et reconnaître la nécessité d’un ministère d’unité exercé par l’évêque de Rome.}}

    Plutôt que de voir cela comme une volonté de nier, pourquoi ne pas accueuillir tout simplement la démarche originale, et par conséquent nécessairement dérangeante, de Frère Roger, au travaers de la « communion » plutôt que de la « conversion ».

    Dire qu’il « tente de nier » me paraît déplacé, s’agissant de personnes d’une densité spirituelle certaine. Je ne les vois pas nier que Frère Roger soit catholique.

    Vous pouvez aussi prendre connaissance de la lettre de la Fédération protestante de France, qui va dans le sens de ce que j’écris plus haut.

    Extrait :

    {{Frère Roger a plusieurs fois déclaré, et encore écrit dans son dernier livre, qu’il avait réconcilié en lui-même sans rupture sa foi réformée et la tradition catholique. Pourrait-on respecter sa démarche et ne pas vouloir récupérer confessionnellement ce qu’il voulait dépasser ? Des protestants veulent souvent le catholiciser ; des catholiques veulent y voir une conversion (en forme de cocorico) là  où lui voyait une réconciliation, une communion sans rupture.

    En catégorisant ce qu’il ne voulait pas catégoriser, cela nous évite à  bon marché de nous laisser interpeller par une démarche de réconciliation qui nous dérange parce qu’elle nous appelle au déplacement.}}

    Vous pouvez aussi prendre connaissance de la lettre de mon évêque, eh ouais, Gérard Daucourt, sur la démarche oecuménique de Frère Roger.

    Extrait :

    Frère Roger se serait converti au catholicisme. Les papes et les évêques d’Autun l’auraient su et n’en auraient rien dit. (Le Monde du 6.9.2006). Dans ses documents officiels, pour les personnes déjà  baptisées, l’Eglise catholique ne parle pas de conversion au catholicisme mais d’admission à  la pleine communion dans l’Eglise catholique. Plusieurs formes sont possibles pour accomplir cette démarche, mais dans tous les cas, elle comporte un document écrit et signé. Aucun document de ce genre n’existe concernant Frère Roger. Celui-ci reconnaissait avec tous ses frères le ministère de communion universelle du Pape. Il partageait la foi catholique dans le ministère et dans l’Eucharistie. Il vénérait la Vierge Marie. Il a voulu vivre cela sans rupture avec quiconque. C’était la position qu’il tentait de tenir — non sans tensions intérieures — dans l’espérance d’une proche restauration de l’unité visible entre tous les chrétiens. On peut apprécier ou contester cette position, mais comment peut-on laisser entendre que frère Roger aurait triché en cachant une conversion au catholicisme au sens où on l’entend habituellement ?

    Ne peut-on accepter une démarche dans sa complexité ?

  11. 7 septembre 2006

    Coucou, ct’encore moi.

    La communauté de Taizé explique la démarche de Frère Roger

    et, lorsque l’entretien ne sera plus accessible

    L’entretien de Frère Aloïs

  12. 8 septembre 2006

    Merci pour les liens qui permettent de comprendre un peu mieux. Lorsque je disais ce manque de transparence lamentable je pensais au fait que cela ait dû être révélé par le Monde, il était inévitable que cela sorte un jour. La transparence et les explications sont toujours préférables au silence. Concernant la transgression dont je parle plus haut, il y a bien-sûr transgression aux yeux de l’église catholique lorsqu’un protestant participe à  l’eucharistie, le protestantisme, lui, ne mettant aucune restriction en ce domaine. La seule circonstance où le protestant est autorisé à  prendre l’eucharistie catholique: le cas où il serait éloigné géographiquement de sa communauté et seulement après entretien avec un prêtre qui doit s’assurer que le protestant remplit les conditions de foi et compréhension du geste.

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