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Trêve dominicale et contemplations sabbatiques

Le 27 novembre prochain, le peuple suisse est appelé, notamment, à  voter sur une modification de la loi sur le travail qui élargit l’emploi de travailleurs le dimanche pour des commerces situés dans les aéroports et les grandes gares. Les partis de gauche, les syndicats et les Eglises sont contre cette loi.

Pourtant, la nouvelle loi maintient le principe que le dimanche est un jour de repos, mais au lieu d’énoncer, comme avant, des exceptions, en établissant un catalogue des choses qui peuvent être vendues le dimanche – selon le critère des « besoins des voyageurs » (alimentation, fleurs, hygiène…qui inclut les livres mais pas les CDs!), elle définit l’autorisation en fonction du lieu (gares et aéroports) et de sa fréquentation.

Dans son ensemble, le monde occidental n’est pas conscient qu’à  l’origine, le jour de repos hebdomadaire, objet du quatrième des Dix Commandements, est le samedi. Et que, dans la Bible juive, le respect du sabbat reçoit une double motivation.

Il existe en effet deux récits, deux versions des Dix Commandements. Dans l’une (Exode 20), le repos est compris comme la fête, la célébration de la Création. Le repos que Dieu a pris ne peut évidemment pas être pris comme une récupération physique. C’est une contemplation et une réjouissance, dans lesquelles l’être humain est invité à  entrer. Cette invitation est exempte de contrainte morale, et de justifications pragmatiques.

Dans la deuxième présentation du Décalogue (Deutéronome 5), la motivation est toute autre: le peuple doit se souvenir que son Dieu l’a tiré de l’esclavage en Egypte. C’est une définition de Dieu. Dieu, le vrai Dieu, le Dieu d’Israël, c’est celui qui l’a tiré de l’esclavage. Et il n’y en a pas d’autre. Cela implique que tout ce qui se présente comme dieu, et n’est pas libérateur, n’est pas le vrai Dieu. Le sabbat est donc le rappel de ce qui constitue l’identité d’Israël et de son Dieu. Israël existe en tant que peuple libéré par le Dieu libérateur.

L’interruption des activités laborieuses est donc liée avec une réalité négative, l’esclavage, et positive, la libération de cet esclavage. Le commandement est une invitation à  faire à  autrui le bien que Dieu nous a fait.

En faisant du dimanche le jour du repos des chrétiens, l’Eglise a voulu fêter une autre dimension: la résurrection intervenue le 1er ou le « 8ème » jour de la semaine, comme une nouvelle Création, qui englobe cette fois l’idée de la libération.

Indépendamment de ces considérations théologiques-là , précieuses, mais qu’on ne peut pas imposer aux non-croyants, les Eglises, et pas seulement elles, ont bien raison de craindre un monde où on ne ferait plus la distinction des jours, un monde où partout on produirait et achèterait 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. C’est effectivement le risque, la tendance, la tentation d’un monde soumis à  un autre dieu que celui qui crée et (re)donne continuellement sa liberté à  l’être humain. En même temps, ce que proclament les affiches pour le oui est est aussi une réalité, à  savoir que, dans les gares et les aéroports, il n’est d’autre animation (= vie…!) que commerciale.

Je suis absolument pour que le repos du dimanche soit maintenu. Mais la nouvelle loi sur laquelle on va voter ne le met pas du tout en cause. Ce sont seulement des critères moins arbitraires qui sont mis en place. Si le peuple disait non, il faudrait aussi fermer des commerces à  qui on avait donné une autorisation provisoire – ce qui me dérange profondément. D’autres devraient recourir à  ces pratiques qui consistent à  délimiter les articles interdits à  la vente le dimanche (soit les signaler soit les recouvrir d’une bâche…). Pratique qui fait apparaître la loi, l’Etat, sous un côté ridicule… On est au moins sûr de ne pas leur prêter une dimension divine.

7 commentaires

  1. 24 novembre 2005

    En dehors de toutes considérations religieuses, le dimanche a un rôle social: à  part quelques exceptions, les gens ont congé tous ensemble ce qui facilite les rencontres de famille, société, etc. Lorsque l’horaire de travail s’étalera sur les 7 jours de la semaine, comment un groupe parviendra-t-il à  se rencontrer?

  2. 25 novembre 2005

    Tout à  fait d’accord. Le travail le dimanche doit relever de l’exception.

  3. 26 novembre 2005

    J’aimerais comprendre :

    Si le peuple disait non, il faudrait aussi fermer des commerces à  qui on avait donné une autorisation provisoire – ce qui me dérange profondément.

    Pourquoi ?

  4. 26 novembre 2005

    Au moment où la nouvelle loi a été adoptée par le Parlement, environ 150 commerces ont reçu une autorisation provisoire fondée sur cette nouvelle loi, autorisation valable jusqu’à  la votation populaire (qui n’était pas obligatoire, mais qui dépendait de la récolte de 50’000 signatures). Ces commerces ont le droit de faire travailler du personnel le dimanche pour vendre des produits qui ne sont pas autorisés dans l’ancienne loi. Si le peuple dit non, c’est l’ancienne loi qui prévaudra à  nouveau. Or cette loi n’autorise les commerces à  (faire) travailler le dimanche que pour vendre de produits de nécessité pour les voyageurs. C’est pourquoi les 150 commerces non conformes fermeront (en tout cas le dimanche).

  5. 26 novembre 2005

    Sur la question de Psykotik et la réponse de Guillaume: en fait c’est plus compliqué. Le besoin de réviser la loi est né d’un arrêt du Tribunal fédéral qui a déclaré trop large l’interprétation appliquée par l’administration de la dérogation pour les gares et les aéroports précédemment stipulée. Les autorités avaient alors un choix: soit fermer les commerces « illégaux » (sans le savoir, et en tout cas sans leur faute), soit modifier la loi.

    Je suis d’accord avec Psykotik (si je le comprends bien) que ce n’est pas un argument décisif si l’on est contre, mais c’est un argument qui n’est pas illégitime vis-à -vis d’un citoyen indécis… (ce ne serait pas le cas si les autorités avaient en quelque sorte créé le problème en anticipant cyniquement l’entrée en vigueur de la loi).

  6. 26 novembre 2005

    Même si François a parfaitement compris ma lapidaire question 🙂 . Il n’empêche que je poursuis ma quête auprès de Guillaume, car les indécis peuvent être s’interroger au sujet de cette fermeture : de quel(s) type(s) de magasin font parti ces 150 exceptions, étant entendu que les produits de nécessité pour les voyageurs continueront à  être vendus ? Le sait-on ? Ou est-ce qu’on trouve de tout et du n’importe quoi ?

    Je n’ai d’ailleurs pas à  l’esprit une quelconque référence légale, mais il me semble avoir entendu de ci de là  que (notamment) un magasin comme la Migros ne serait pas inquiété par un refus du peuple. Je mets ici une quantité invraisemblable de bémols, vu l’information ne dépassant pas la simple rumeur.

  7. 26 novembre 2005

    Faut-il préciser que je ne fais pas partie du Comité pour le oui et que je me suis longtemps rangé dans le camp des indécis? Je n’ai donc pas la réponse précise à  ta question. Il me semble, effectivement, que le magasin Migros de l’aéroport ne serait pas inquiété car il ne vend que des produits « licites ». En revanche, un magasin comme City Disc devrait fermer le dimanche. Or c’est arbitraire de décréter que journaux et livres sont des produits de nécessité pour le voyageur, mais pas les supports audio voire audiovisuels. Une revue comme Voici est une nécessité, mais pas les Quatre saisons de Vivaldi. C’est cet arbitraire qui me gêne. A part ça, on ne sera pas étonné de savoir que le calviniste que je suis ne considère pas que le progrès de l’humanité réside dans le fait de lever au maximum les entraves mises à  la consommation par les méchants étatistes avec la bénédiction des églises ringardes .

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