La gauche française après la présidentielle: Frêche – Cohn-Bendit, même combat!
J’avais d’abord signalé ici la tribune de Michel Rocard que publie Le Temps de Genève aujourd’hui[1]. Mais au fond il vaut la peine de renvoyer également aux propos d’un autre original, Georges Frêche, sur lesquels un lecteur de ce blog avait attiré mon attention ici[2].
Rocard expose clairement une thèse finalement conventionnelle. Je ne partage en tout cas pas son analyse que l’élection présidentielle offrait à la gauche un boulevard qu’elle n’a pas su dévaler: bien au contraire, l’évolution à droite du pays est manifeste depuis des années. Dans ces conditions aussi bien une candidature de la gauche franco-française (Fabius) que de la gauche sociale-démocrate (DSK) étaient des échecs assurés, Royal avec son profil décalé offrait la seule chance, ténue, de contrer Sarkozy[3].
Ce que Frêche propose, c’est de sauter directement à l’étape où en sont les Italiens avec le premier parti progressiste post-1989[4], issu de la fusion des ex démocrates-chrétiens de la Marguerite avec les ex sociaux-démocrates (et déjà ex communistes réformés) des démocrates de gauche.
Je ne crois nullement que la gauche française en soit capable, mais c’est un ballon qui mérite d’être lancé (même s’il vaudrait mieux pour l’image du projet qu’il soit porté par un Daniel Cohn-Bendit plutôt que par Frêche[5]). Il permet aussi de sortir de ce fantasme d’un centre distinct de la gauche ou de la droite: mieux vaut une grande force conservatrice et une grande force progressiste[6], toutes deux pluralistes mais qui toutes deux doivent tendre vers le centre pour l’emporter et gouverner.
Billet remanié de fond en comble à 12h16 (et complété sur des broutilles à 18h57)
COMPLEMENT DU 11.05 à 0h21: Et un Jacques Juillard roboratif!
Notes
[1] En me demandant si elle était aussi publiée en France.
[2] C’est finalement un entrefilet dans Le Monde de ce matin qui m’a mis sur la voie, mais il suffisait, comme de plus en plus souvent, de googler la première phrase pour trouver la source.
[3] Sauf peut-être le hara-kiri en faveur de Bayrou et encore: moi en tout cas j’aurais alors préféré Sarko (et cabdidat de la gauche, il aurait alors perdu son charme androgyne, qui dans son cas n’est vraiment qu’une métaphore!).
[4] Adhérera-t-il encore à la IIe Internationale ou non? Bien sûr celle-ci est une auberge espagnole et le nouveau parti ne ternirait pas trop son image en y allant, mais il pourrait aussi donner un signal symbolique fort que cette époque est révolue. Clinton et Blair avaient eu la tentation de lancer une nouvelle organisation internationale des partis progressistes dont le parti démocrate américain aurait été un élément, qui se poursuit toujours sous la forme de sommets des gouvernements progressistes.
[5] Qui n’est pourtant pas seulement le marchand de poissons du village gaulois dont il a l’air, mais aussi occasionnellement un intellectuel subtil, professeur d’histoire du droit….
[6] Je suis bien conscient qu’à certaines époques c’est la droite qui est progressiste et la gauche conservatrice, hélas!
Un article vraiment interressant.
Rocard tire de l’élection 5 enseignements : Trois positifs : 1) repolitisation et forte participation; 2) disparition des extrêmes; 3) émergence d’un vote centriste. Un constat neutre : 4) perte du caractère spécifique, « gaulliste », de la droite française. Une inquiètude : 5) échec du PS dû à sa difficulté de s’afficher comme clairement réformiste et d’en tirer les conclusions qui s’impose en matière d’alliance.
En ce qui concerne les « enseignements » 2 et surtout 3, au delà du wishfull thinking, je crois qu’il faudrait tout de même attendre les prochaines échéances pour une confirmation. A t’on vraiment assisté à l’émergence du centre ou bien, compte tenu de la très forte personnalisation de l’élection, à un vote-refuge d’électeurs refusant la personnalité des deux autres principaux candidats?
Pas d’echo dans la presse française pour l’instant…
@mrk: Je partage tout à fait cet avis.