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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Tony saved the Queen

De ce côté-ci de la Manche, on a aussi vu un beau film, ce qui est la moindre des choses, son réalisateur étant un sujet de Sa Majesté (mais Sa Majesté est de son côté objet du film).

A ses débuts, Stephen Frears a traité ultraclassiquement un sujet ultratabou en son temps (Maurice).Mais il a aussi été capable de ne pas être convenable, à  la limite du trash (Prick Up Your Ears) ou ultraclassique (A Room With A View). Que dire alors de The Queen? Cinématographiquement parlant, c’est beau et dépouillé. Surtout pas classique. Bref, absolument magnifique indépendamment de l’histoire et du propos. On peut se demander si le titre approprié ne serait pas The Queen and I – le moi étant celui de Tony Blair. Dans le film, ce dernier a manifestement plus de ficelles à  tirer à  sa disposition que sa souveraine. De plus, lui a la liberté de ne prendre aucune initiative, d’intervenir ou non, d’agir ou non dans le drame qui nous occupe.

La reine, elle, a choisi initialement de confisquer le deuil au public, de le confiner au privé, de protéger ses petits-enfants, de les soustraire à  l’exposition médiatique. Depuis son divorce, Diana n’appartient plus à  la famille royale, qui la perçoit comme quelqu’un qui a craché dans la soupe et qui était en train de détruire rapidement une institution séculaire.

Tony Blair tient aussi à  l’institution de la monarchie. Et il réalise l’erreur stratégique, suicidaire de l’attitude de Windsor et consorts. Paradoxe pour un travailliste, dont le parti a souvent envisagé d’abolir la monarchie. L’ambiguité ne l’épargne pas: s’agit-il de sauver une institutions au nom des valeurs qu’elle incarne, au nom des services qu’elle a rendu au pays, au nom de la relation spéciale qui l’unit au peuple. S’agit-il d’en faire des alliés? Ou s’agit-il simplement d’éviter un chaos dont Tony Blair et son gouvernement ou son parti pâtiraient? Opportunisme, cynisme ou idéalisme et foi sincère? (Tony Blair fait une brève allusion à  la religion à  un moment donné.)

La grande qualité du film est qu’il ne prend pas parti. Il propose des hypothèses sur les comportements, les stratégies, les motivations. Et comme on ne sait pas (pour l’instant) ce qui s’est réellement passé, le film est un magistral Gedankenexperiment.

L’option de la ressemblance jusqu’à  un certain point seulement fonctionne à  merveille, avec des acteurs extraordinaires. On comprend que la reine ne pouvait qu’apparaître odieuse, mais sur ce point l’ambiguité ne l’épargne pas non plus. Est-elle fidèle à  des principes, des valeurs, une éducation? En est-elle prisonnière? Ou est-elle, comme les autres membres de la dynastie, mue par le ressentiment?

Voilà  comment un film plaisant, qui se laisse voir si facilement, si agréablement, donne à  réfléchir et à  réfléchir…

COMPLEMENT DE 20h15. Ad tempus pro me. To the time for me. An die Zeit fà¼r mich.[1] Ce n’est pas parce que Frears et Ivory sont tous les deux gais, qu’ils ont fait tous les deux des films à  thématique gaie, que l’un est un Américain très britannique tandis que l’autre est franco-anglo-américain qu’ils sont un seul et même réalisateur. Indeed.

CORRECTIF DU 21.11.06 O taon, pour moi, suspends encore ton vol: Frears n’est pas gai, à  en croire cet article du Guardian.

Notes

[1] Sur l’origine et l’orthographe correcte de cette expression, l’Académie française a tranché, ce que je n’oserai faire, puisqu’il s’agit précisément de reconnaître une erreur.

8 commentaires

  1. MB
    29 octobre 2006

    A Room with a View et Maurice ont été réalisés par James Ivory, pas par Stephen Frears.

  2. Staniislas Podoretz
    30 octobre 2006

    C’est c’est fou ce que les gays sont fascinés par les histoires princières, les beaux costumes, le kitsch de la royauté décadente, le mariage (ça c’est le comble), les dragées et les rubans. Tout l’attirail grotesque et ridicule dont on essaie de se séparer. Il faudra que l’on m’explique un jour ce (bien mauvais) goût.La pauvre Lady DY, la funeste Ellizabeth, je ne vois pas ce qui fascine chez ces parasites déguisés. Les plumes, les médailles dorées, le train de vie, les frasques sentimentales ? Mon Dieu, n’y aurait-il pas des sujets plus éclairants ? Il est vrai que les working poor de la société blairienne, les prolos de la banlieue de Londres sont moins sexy et moins glamour mais ils font partie du réel.Ill est vrai sans doute que les dandy festifs et urbains de la sociale-démocratie en devinent l’existence mais ne les rencontrent jamais sauf lorsqu’ils viennent réparer leurs bidets. Pourrait-on exercer cette sagacité sur des thèmes plus essentiels ?

  3. 30 octobre 2006

    Toutes questions abordées dans le film avec finesse, humour et intelligence, qui heureusement ne sont pas l’apanage des gais. Manque le bidet: c’est grave, Docteur? Manquent aussi dans le film la pompe, les costumes, les plumes. Par contre les petites gens y sont respectées, pour le meilleur et pour le pire. Personne n’est instrumentalisé. Ce film est une leçon de politique.

  4. 31 octobre 2006

    Juste un petit point de second ordre: « Tony Blair tient aussi à  l’institution de la monarchie. Et il réalise l’erreur stratégique ». L’emploi du faux-ami angliciste « réaliser » est malvenue: Tony Blair se rend compte, mais c’est justement pas lui qui réalise l’erreur… (je sais, signaler les fautes n’est pas forcément très poli, mais celle faute avait gêné ma lecture, j’ai dû m’y reprendre à  deux fois pour comprendre la phrase – ce qui ne m’empêche pas de dire que je suis d’accord avec ce billet sur le film).

  5. 31 octobre 2006

    Un langage châtié et châtiant sied à  toute langue discourant sur les interlocuteurs d’un Palais royal. Pardon pour « celle faute » qui gêna la lecture. Au lit soit qui mal y panse.

  6. 31 octobre 2006

    @Oli et tous ceux qui n’osent pas: pour ma part, loin de trouver cela impoli, je suis reconnaissant aux (rares) lecteurs qui ont suffisamment de considération pour nous signaler des fôtes laissées dans les billets (si c’est l’unique objet d’un commentaire, il peut même être effacé après usage).

  7. Stanislas Podoretz
    31 octobre 2006

    La vulgarité de la pensée est rarement dans l’orthographe, à  Dieu ne plaise…

  8. 3 novembre 2006

    Juste un petit mot pour dire que j’ai moi aussi vu le film The Queen, que j’ai fort apprecie. Ayant une certaine connaissance de la vie public anglaise (apres toutes ces annees 😉 il est plaisant de retrouver des personnages familiers, d’Alastair Campbell, Tony Blair a la famille Royale. A lire donc aussi ici: One day it will happen to you, Mr Blair

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