Ségolène et les militants pathologiques
J’étais un peu inquiet en suivant de loin les titres sur le déroulement du débat parisien des candidats à l’investiture socialiste: Royal en difficulté, sifflée etc. Et puis quand je lis le compte-rendu du Monde de ce matin, je suis entièrement rassuré: ce n’est pas elle qui a un problème, ce sont eux. Si les membres encartés (qui voteront) ne sont déjà pas représentatifs des sympathisants, qui ne le sont pas de l’électorat en général (et c’est lui qui importe, en mai 2007, il ne faudrait pas l’oublier), le public qui vient à ce genre d’événement fait surtout le plein de ceux que j’appelle les militants pathologiques (et qui se retrouvent tout naturellement davantage parmi les partisans de Fabius et de Strauss-Kahn).
Voir des compte-rendus de première main chez Phersu et radical chic, lire pour le plaisir Jules de Diner’s room (plusieurs billets). Pour ma part je me retrouve entièrement dans les Commentaires et vaticinations royalistes de Hugues (plusieurs billets).
C’est quoi des militants pathologiques ?
C’est les militants qui désigneront le candidat officiel du PS pour l’élection présidentielle d’avril 2007.
C’est surprenant de voir les partisans du candidat sans doute le plus policé se comporter comme des voyous lors des débats :).
Je ne serais pas si affirmatif : dire que les sifflets sont indépendants des propos tenus par Mme Royal relève à mon sens d’une analyse partielle. Il est bien évident que la salle était en majorité remplie de sympathisants de MM. Fabius et SK. Mais le vide d’idées propre au discours de Mme Royal – candidate à la Présidence francaise! – a sans aucun doute joué sur l’ampleur des manifestations. Aussi, l’article du monde reste à mon sens relativement neutre et réaliste…Ce n’est ni la première, ni la dernière fois que M. Dray voit et verra rouge…
La Suisse compte aussi quelques militant-e-s… Il n’y a qu’à voir Barbara Polla poser avec Ségolène Royal (il y avait déjà eu Pierre Kohler…) Cela a toujours plus de tenue que l’establishment déprimé du PRD (Pelli, Bender, Maudet), qui a sorti ses plus belles cravates pour recevoir à Genève l’arrière-banc de l’UMP (dans Le Matin du jour). On se souvient alors d’un reportage dans lequel le vice-président du PRD essayait, un peu pathétique, de parvenir à toucher Nicolas Sarkozy lors d’un Congrès de l’UMP… A force de ne faire que dans le people, à force d’oublier de faire de la politique, faut pas s’étonner de l’évolution du PRD dans les sondages.
J’ai écouté, partiellement et sur le Net, les interventions du meeting du Zénith et j’avoue que DSK a été meilleur orateur que Royal (du moins sur la forme. Sur le fond, personne ne volait très haut). Mais ces meetings tienne effectivement plus de la démonstration de force clanique et de la capacité à mobiliser les militants que tu appelles « pathologiques » que de la preuve d’adéquation d’un discours à l’attente des électeurs.
Les appareils des fédérations socialistes d’Ile de France (Paris et son agglomération) sont loin d’être acquis à Ségolène (jusqu’à présent l’atmosphère était jospinienne et une sorte de fabiuso-strauss-kahnisme est en train de naître), même si les nouveaux adhérents modifient la donne. Il était donc logique d’assister à ce spectacle d’anti-ségolisme.
Au final, je reste confiant pour l’investiture Royal, tout en craignant un éloignement de DSK et son passage du côté obscur de la force (ce qui fragilise les chances du PS pour la présidentielle et freine l’émergence socdem en France).
En fait mon diagnostic du problème des partis (et singulièrement du parti de la gauche démocratique) est plus sombre que je le laissais entendre: outre les militants pathologiques (par quoi j’entends ceux pour qui c’est une passion, voire une addiction liée au besoin de pouvoir ou à des problèmes psychologiques, et pour qui donc l’engagement politique n’entre pas vraiment en concurrence avec d’autres activités possibles, telles que la vie familiale, l’activité professionnelle ou d’autres formes de loisirs), on y trouve aussi en nombre croissant des cas sociaux pour qui c’est aussi un choix par défaut d’un endroit chauffé ou retrouver d’autres humains. Ce qui laisse pratiquement en minorité les citoyens lambda, prêts à s’engager mais pas à n’importe quel prix, et qui ont d’autres alternatives… Ce sont évidemment ceux-là qui ont un turn-over élevé! Précision: j’ai certainement été un militant pathologique, mais je me suis soigné.
Bien sûr que DSK serait aussi un bon candidat, bien sûr que Royal représente dans un sens un risque, une part d’inconnu, accru par rapport à lui. Mais dans la même mesure elle apporte une chance de mutation dont le PS et la France ont bien besoin, ce qui ne me paraît pas le cas de DSK. Ni la qualité oratoire, ni le QI ne me paraissent des éléments déterminants, ce qu’on demande au président c’est d’être un incarnateur.
Maintenant c’est vrai aussi que si l’on était certain que le candidat de la gauche n’a aucune chance en mai 2007, l’idéal serait d’envoyer Fabius, car un échec de Ségolène surtout se paierait certainement d’une régression archéo; alors que si le PS envoie DSK et qu’il échoue la critique pourra venir aussi des socio-libéraux (je ne pense pas que Royal est sociale-libérale, mais je crois qu’elle est à même d’y venir par pragmatisme).
J’aimerais bien (enfin dans ce cas seulement…) que ni le QI ni les qualités oratoires ne soient determinants pour être élu à la Présidence de la République… mais je n’y crois qu’à moitié.
Certains voient en SR celle qui convertira la France au social-libéralisme voire au blairisme, d’autres (plus nombreux) voient en elle celle qui sortira le PS de l’emprise des Jospiniens-Strauskhaniens-Fabiusiens (d’avant la gauchisation), enfin de ces éléphants qui parleraient à gauche pour agir à droite. La seule chose qui réuni c’est l’attrait d’une nouvelle venue (parce que pas trop impliquée dans les appareils politiques) capable de jetter des pavés dans la marre.
Comme Sarko le fait dans son camp.
Au final des gens aux préférences politiques complétements différentes se retrouvent (au niveau des états majors ça donne l’attelage improbable Montebourg-Rebsamen-Dray-Mauroy-Colomb…)
Le discours de SR reste suffisamment vague (en dépit des dossiers concrets mais souvent d’importance mineure qu’elle aborde) pour que chacun soit persuadé (ou puisse se convaincre) qu’elle incarne ses idées.
Je crains qu’il y ait des déçus…
Autre chose : j’étais au Zénith jeudi dernier. Ce qui m’a frappé ce n’est pas tant les sifflets (regrettables toutefois, en tout cas même en tant que représentant de DSK dans ma section, on ne m’avait pas donné de consignes) mais la consternation de bien des militants, y compris de certains « ségoliens » (j’étais venu dans un groupe paritaire DSK-SR), devant l’incapacité de SR a faire un discours digne de ce nom. Pronostiquant l’investiture de SR (toujours en tête dans les sondages, de loin son premier atout parmi les militants, et par ailleurs devenue la candidate de l’appareil vu le nombre de ralliés qui ont beaucoup à perdre dorénavant) j’espère qu’elle sera transcendée par son élection et convertira la gauche puis la France à la social-démocratie. Cependant, pour ce qui est de la social-démocratie, je dois être averse au risque mais je pense que le bon candidat c’est DSK!
Il y a des explications diverses… Les débats sont tendus en interne.
Chez nous, à Réformisme et rénovation, cela hésite entre DSK et Ségolène.
En tant que libéraux du PS, nous voulons éviter que Fabius prenne une importance qu’il ne mérite pas.
Bref, en tant que toulousain, j’essaierai d’être présent au meeting à Toulouse, jeudi.
Ceci dit, si cela était mouvementé, je pense que de nombreux indécis pourraient choisir Ségolène, pour abréger la campagne.
Pour elle, l’idéal est une bonne prestation télévisée demain soir, puis une meeting qui tourne au chahut jeudi… Va t’elle en jouer ?