Dernier acte
Dans la grande saga de mon partenariat dont les lecteurs de ce blog ont été les témoins depuis l’été dernier, il restait encore à obtenir la reconnaissance en Suisse d’un enregistrement effectué à Londres sous la forme d’un Civil Partnership, en prenant un peu d’avance sur la loi fédérale approuvée le 5 juin 2005 par le peuple et dont l’entrée en vigueur était fixée au 1er janvier 2007. Je ne me suis finalement pas pressé pour accomplir les formalités nécessaires, qui comme je m’y attendais se sont avérées bien plus compliquées que le partenariat lui-même! Elles impliquaient en particulier que je me fasse délivrer par le service de l’état civil de Genève une attestation que j’étais célibataire (Londres se contentait de ma parole), à transmettre via l’ambassade de Suisse au Royaume-Uni à une base de données centrale appelée bêtement Infostar à l’appui des documents permettant au même état civil de me considérer désormais comme « lié par un partenariat enregistré ».
Je l’ai fait fin janvier, et cette semaine j’ai trouvé à mon courrier un beau livret rouge — enfin, un astucieux mariage de la modernité et de la tradition: le « livret de famille » d’antan, manuscrit authentique (je garde le souvenir vivace de celui de mes parents, dans un triste état après ses pérégrinations africaines) est désormais remplacé par une simple couverture cartonnée au format A5 avec une inscription passe-partout en lettres d’or, dans laquelle est glissée, tenue par deux coins, trois pages crachées par un ordinateur puis dûment signées et estampillées: notre certificat de partenariat[1].
Ultime détail: il ne m’est pas envoyé par l’état civil de Genève, comme prévu (et l’ambassade m’avait charitablement prévenu qu’il était connu pour sa lenteur), mais par celui de Schaffhouse, au bord du Rhin. Un effet d’un autre particularisme national: tout Suisse[2] est d’abord rattaché à une « commune d’origine », on dit qu’il en est originaire, souvenir du temps ou la libre circulation des personnes entre les cantons était limitée, et où l’assistance aux indigents n’était pas due comme aujourd’hui au domicile; c’est d’elle que découle la « nationalité » cantonale. Si mon grand-père, fonctionnaire postal muté de Schaffhouse à Genève en 1918, n’avait pas fait la démarche d’acquérir le « droit de cité » dans la commune de Genève où mon père est né, nous serions toujours originaire de Buch (SH), et non de Genève et Schaffhouse. J’imagine que cela n’a plus grande importance aujourd’hui, mais je suis toujours soucieux de ne pas perdre cet ancrage outre-Sarine lorsque Genève a des velléités sécessionnistes, se rêvant en Monaco ou Luxembourg[3]; de là à ce que Schaffhouse prenne l’ascendant…