Votations sans enjeu
Même la démocratie directe peut être ennuyeuse
Un nouveau dimanche de résultats de votation populaire en Suisse, une nouvelle galerie d’affiches de campagne à Genève où deux questions étaient soumises au peuple… Elles n’ont pas passionné les foules, comme on pouvait s’y attendre: la participation n’a pas dépassé 28,3%.
Pas de quoi s’indigner évidemment, bien au contraire: le système fonctionne. Mais un utile rappel des contraintes et servitudes que tendent à oublier ceux qui à l’étranger croient que seuls des problèmes importants aux enjeux cruciaux doivent être soumis au peuple. En Suisse ce sont aussi les citoyens qui décident ce qui est important à leurs yeux.
Brochures explicatives envoyées à tous les électeurs et résultats détaillés sont disponibles ici.
Votation fédérale
Une seule question au menu: une révision de la loi fédérale sur la lutte contre les épizooties, contestée par un groupe anti-vaccination animale petit mais déterminé, qui a récolté les 50’000 signatures nécessaires pour en appeler au peuple de la décision du Parlement. Les médias ont dès lors fait leur boulot en présentant doctement les arguments en faveur et les objections des opposants. Les partis ont assuré le service minimum, la question ne suscitant pas le type d’engouement émotionnel que les référendaires ont dû espérer. Et la loi a été acceptée par plus des deux tiers des votants, avec tout de même une majorité rejetante dans deux cantons: de quoi consoler les opposants qui, selon la tradition, espèrent que le temps finira par leur donner raison.
A vrai dire, la participation aurait été nettement plus élevée si le scrutin avait aussi porté sur l’un voire les trois des objets originellement prévus (l’affiche du MCG y fait allusion): les traités « Rubik » avec l’Allemagne, l’Autriche et le Royaume-Uni sur le traitement fiscal des montants frauduleusement déposés dans les banques suisses par leurs ressortissants. Ceux qui les contestaient étaient le premier parti du pays, l’UDC (pour cause fragilisation du secret bancaire et de la souveraineté nationale), ainsi que de larges pans de la gauche… mais eux ne sont pitoyablement pas parvenus à récolter dans les délais les signatures nécessaires!
Votation cantonale
Une question à peine plus passionnante sur le plan cantonal genevois (ailleurs c’était souvent bien plus intéressant): une modification de procédure dans la législation sur les conflits entre locataires et leurs propriétaires. Il s’agissait de permettre aux parties de se faire représenter non seulement pour le procès lui-même, mais déjà au stade préalable de la conciliation. L’ennui c’est que cela relève très vraisemblablement de la seule législation fédérale… La question ne manquera pas d’être posée au Tribunal fédéral qui, dans ce cas, annulera sans autre la loi approuvée aujourd’hui par 72% des votants (soit moins que la proportion de locataires à Genève). Elle était soumise au peuple à titre obligatoire par l’effet d’une disposition constitutionnelle sur les objets « vaches sacrées » que la nouvelle Constitution cantonale permettra au moins d’assouplir un peu: il faudra dorénavant que 500 signataires symboliques se manifestent.
Pas beaucoup d’affiches, évidemment, et pas grand chose à en dire. A souligner quelques innovations: le PLR et le PDC faisant sans complexe des économies avec une affiche commune, les Verts squattant leur propre affiche de campagne en faisant de l’auto-promotion sans rapport avec le scrutin (comme, dans un autre genre, l’extrême gauche pour qui tout objet, aussi modeste soit-il, est une lutte décisive qui rapproche du Grand Soir…).
« Mais un utile rappel des contraintes et servitudes que tendent à oublier ceux qui à l’étranger croient que seuls des problèmes importants aux enjeux cruciaux doivent être soumis au peuple ». 🙂 Tu peux enlever « à l’étranger ». Comme je m’y attendais, les médias s’en donnent à coeur joie sur le thème « la démocratie est malade », « le vote doit être rendu obligatoire » et autres rengaines mille fois rabâchées. 30 minutes d’émission sur le sujet à l’instant sur La Première…
@Alex: voyons si on peut considérer le bon côté des choses, le verre ou le caquelon à moitié plein. En l’occurrence: Jugeons nos médias à l’aune de la stabilité d’un pays qui est tant appréciée par bien des acteurs étrangers. En bon avocat d’un diable fade, on dira alors que la constance et la prévisibilité des rengaines de nos médias participent aussi de cette stabilité essentielle. ;—)
Même si je ne suis pas pour que le vote soit obligatoire étant donné le droit de chacun à faire ce qu’il veut, il est important d’expliquer l’utilité et les conséquences que peuvent avoir le vote. Les médias ont par ailleurs un rôle informatif essentiel et doivent être garants de la facilité d’accès et de la qualité de l’information transmise.