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News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Votations du 13 février 2011

Dernière édition: 18h10

Dimanche actif pour les politiciens, en Suisse: le scrutin en cours dans tout le pays depuis trois semaines se termine à  midi, c’est l’heure de la proclamation et surtout du commentaire des résultats! Il y a un seul objet fédéral, cette fois, mais comme d’habitude divers objets cantonaux (deux à  Genève) ou municipaux également. Place donc à  la traditionnelle galerie d’affiches[1] de la campagne genevoise, dont deux objets ont stimulé l’imagination des auteurs.

Votation fédérale

Cent mille citoyennes et citoyens[2] ont appuyé l’initiative populaire proposée par un comité ad hoc « Pour la protection face à  la violence des armes » qui formule une modification de la Constitution fédérale. Elle a été examinée par le Parlement sur rapport du gouvernement et les deux Chambres l’ont refusée, sans proposer de contre-projet. Elle est donc maintenant soumise telle quelle au scrutin: si elle emporte une double majorité des voix et des cantons (= résultat populaire local), la Constitution est modifiée. Voilà  pour la procédure (voir aussi la brochure envoyée à  tous les électeurs).

Pour la politique, l’émotion qu’entraînent périodiquement les faits divers relatifs à  l’emploi d’armes à  feu, de l’accident au meurtre en passant par le suicide, n’aurait probablement pas suffi à  déclencher le type de mobilisation qu’exige tout de même le lancement d’une initiative. Il y a fallu un élément supplémentaire déterminant du point de vue logistique: l’existence d’un lobby anti-militariste fort et déterminé, le Groupement pour une Suisse sans armée, dont l’action est ensuite relayée par les milieux de gauche, chrétiens et humanistes qui ne s’en donneraient pas la peine mais ne demandent que ça. Après son coup d’éclat initial de l’initiative pour l’abolition de l’armée (refusée nettement), le GSsA ne s’est pas découragé et a trouvé sa place dans le paysage politique en plantant régulièrement ses banderilles.

L’approche par la remise en cause du principe de l’arme au domicile du soldat est particulièrement habile: elle agace prodigieusement les militaristes, donc un oui serait leur défaite, elle ne remet pas sérieusement en cause la capacité de défense (au point que des esprits peu suspects appuient l’initiative), et elle peut ratisser large chez les braves gens que le Right to Bear Arms à  l’américaine révulse. En l’occurrence, ça n’a pas suffi: l’initiative a été refusée par 56,3% des voix. Le résultat dans les cantons donne droit aux jérémiades usuelles sur la minorité francophone brimée, quand bien même le non est supérieur à  40% partout sauf à  Genève et que le oui qui l’emporte à  Zurich et Bâle montre bien qu’il s’agit en réalité d’une opposition gauche / droite et ville / campagne (dans laquelle intervient également le niveau de formation).

Votations cantonales

Deux objets (la brochure officielle) de ce type nouveau introduit depuis quelques années par les brillantes manoeuvres du conservatisme de gauche et de droite: le scrutin obligatoire sur une loi adoptée par le Parlement cantonal (d’ordinaire c’est seulement pour la révision de la Constitution), sans avoir à  franchir le filtre modeste d’une demande de référendum. Chacun pense ainsi mieux protéger ses intérêts, même si occasionnellement l’arroseur se retrouve arrosé et si l’intérêt général, lui, ne s’y retrouve guère.

  • Une proposition d’amnistie fiscale, telle qu’elle revient périodiquement, en général à  l’occasion d’une réforme de la fiscalité qui en fournit l’occasion. L’expérience montre que c’est un moyen efficace: d’une part il y a réellement des fraudeurs qui saisissent la branche qui leur est tendue, et sans l’amnistie fiscale il est illusoire de croire que l’argent récolté serait parvenu tout de même dans les caisses grâce à  la répression. Mais ce n’est guère moral: ici beaucoup dépend d’une part des modalités proposées (passent-elles simplement l’éponge sur le passé pour obtenir le futur, ou le fraudeur repenti doit-il consentir un geste de contrition minimal?), d’autre part surtout de la crédibilité du proposant (mon sentiment: seul un magistrat socialiste peut le faire la tête haute). Ici c’est la majorité de droite du Parlement qui a voulu ce projet, l’exécutif pour sa part a tenu à  faire savoir qu’il y était opposé (c’est un écolo qui est chargé des finances). Bref, refusé par 53,7% (l’arroseur arrosé que j’évoquais: c’est pour empêcher les hausses d’impôts que les objets fiscaux sont soumis au vote obligatoire).
  • Un projet de loi de modernisation du bras armé de l’Etat en matière de construction de logements sociaux — et « modernisation » est actuellement un mot de droite, chiffon rouge pour la gauche, même si cela a longtemps été (et sera je l’espère à  nouveau une fois) l’inverse. Le prédécesseur du magistrat responsable était socialiste et avait probablement eu de l’habileté plutôt que de la timidité en regroupant une myriade d’institutions en quatre fondations de droit public. Aiguillonné par le bon sens et la Cour des comptes, le titulaire actuel a voulu parachever l’ouvrage. Mais il a le tort d’être de droite… Refusé par 57%.

L’électorat genevois, qui est profondément à  droite, se donne régulièrement bonne conscience en votant à  gauche. Les résultats de deux objets cantonaux sont aussi représentatifs d’un certain mépris de l’efficacité, d’un refus de la rationalité, d’une allergie aux chiffres: une sorte d’analphabétisme économique d’antiéconomisme. Oserais-je formuler l’hypothèse que c’est une problématique plus largement francophone qui s’applique également à  la France, à  la Wallonie, voire au Québec?

Notes

[1] Merci Martin pour les photos!

[2] Leurs signatures, ou plus simplement — parce qu’on n’est quand même pas dans une enquête criminelle — la vraisemblance de l’inscription par des mains différentes du nom, de l’adresse et de la date de naissance de personnes réelles ainsi que l’éliminations des doublons (plus souvent fortuits que volontaires), ont été dûment contrôlées par l’administration qui tient le rôle des électeurs dans chaque commune: c’est l’ultime volet logistique de la campagne de lancement d’une initiative ou d’un référendum.

Un commentaire

  1. 13 février 2011

    Ce résultat sur les armes est dommage.

    Sur l’amnistie je comprend ton point de vue, mais il est logique que la gauche veuille que tout le monde, y compris les plus riches, fasse des efforts.

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