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La tornade Mandelson

Demain, je vais écouter et applaudir Peter Mandelson, en conversation avec le rédacteur en chef du Times, James Harding. Le lieu est en lui-même significatif: c’est à  la fois l’aula d’une prestigieuse université, la London School of Economics, et un théâtre dont le nom ne manquera pas de fournir l‘opening joke de la soirée, The Peacock (le paon).

A l’origine du New Labour il y a trois mousquetaires, et comme il se doit ils étaient quatre: Tony Blair, Gordon Brown, Peter Mandelson, trois parlementaires, auxquels s’est très vite ajouté le journaliste Alastair Campbell comme porte-parole puis responsable de la communication et de la stratégie[1]. Le cycle commencé avec l’élection de Tony Blair comme leader du parti le 21 juillet 1994 s’est achevé avec l’élection générale du 5 mai 2010 qui a entraîné l’arrivée au pouvoir d’une coalition Tory-LibDem après 13 ans de gouvernement travailliste et la démission de Gordon Brown comme leader.

C’est bien sûr une période fascinante pour l’histoire de la Grande-Bretagne et celle de la gauche. Et dans les semaines à  venir je vais délaisser l’écran pour me remettre à  lire des livres, car ça publie en rafale:

  • Il y avait d’abord eu le Journal d’Alastair Campbell. Des quatre il était le premier à  se retirer du jeu, mais du coup la première édition, par simple loyauté, était passablement édulcorée. Ce souci n’existe plus: le volume 1[2] (!) d’une nouvelle édition complétée vient de sortir et les échos médiatiques ne sont pas tristes.
  • La grande surprise a été l’annonce de la publication, cette semaine soit à  peine deux mois après la formation du nouveau gouvernement, d’un livre de Peter Mandelson couvrant la totalité de la période et intitulé[3] The Third Man. C’est qu’il l’avait en réalité mis en chantier à  un moment où, de Bruxelles où il était tout de même membre de la Commission européenne[4], il croyait sa carrière politique active plus ou moins terminée, avant son deuxième et plus époustouflant comeback comme ministre de Gordon Brown (et rapidement vice-premier ministre de fait[5]). Il n’a plus eu qu’à  reprendre son tapuscrit et le compléter pour publier, notamment, le premier compte-rendu exhaustif des manoeuvres et conciliabules qui ont précédé les élections et la constitution de la coalition, par un des acteurs privilégiés. Dans une grande opération médiatique qui teste également la nouvelle politique du Times de rendre son site intégralement payant[6], ce qui réduit drastiquement l’intérêt de s’y référer dans la blogosphère[7], le quotidien londonien s’est assuré l’exclusivité des « bonnes feuilles » sur lesquelles il a fait pas moins de quatre Unes entre lundi et samedi. En tout cas, aucun des autres médias n’y a échappé, Mandelson a occupé méthodiquement le terrain: BBC, The Guardian / The Observer, Telegraph, The Independent… Les extraits publiés sont explosifs, en réalité surtout parce qu’ils confirment intégralement tout ce que l’on disait des rapports tragiques entre Blair et Brown et des défauts irrémédiables de ce dernier. Mais je ne doute pas qu’il y a beaucoup plus que cela dans le livre. Même les morceaux choisis pour leur caractère provocateur par le Times sont bien plus subtils que les titres et la présentation qui en est faite le laissent croire, distribuant savamment le blâme (même à  Tony Blair) et l’éloge (même à  Gordon Brown ou Ed Ball) et surtout sachant s’élever au-dessus des horions pour tirer la leçon politique et idéologique des événements. C’est dire que je n’adhère nullement à  la nouvelle diabolisation dont Mandelson est l’objet en l’accusant de vouloir faire du fric et de faire le jeu de Cameron en portant tort au parti; comme si l’intérêt de celui-ci était de cacher les problèmes sous le tapis.
  • Et il y a enfin la publication à  la rentrée, attendue celle-là , du livre de Tony Blair, The Journey, sûrement moins croustillant mais tout aussi important. L’ouvrage est déjà  en vente sur Amazon!

Notes

[1] On aurait tort de croire que les deux premiers sont plus importants que les deux derniers, pour lesquels j’ai personnellement, depuis longtemps, la plus grande admiration, aux antipodes du mépris assez général dans lequel ils sont tenus comme spin doctors et exécuteurs de basses oeuvres (plutôt qu’à  un Foccart pour de Gaulle ou un de Grossouvre pour Mitterrand, il faut penser à  Balladur pour Pompidou, JJSS pour Giscard, Attali pour Mitterrand ou Villepin pour Chirac): Mandelson est certainement celui qui articule le mieux la stratégie idéologique incarnée par Blair, et Campbell (comme un autre acteur important de cette saga, John Prescott, vice-premier ministre de Tony Blair de mai 1997 à  juin 2007) fournit un irremplaçable enracinement dans la réalité et le milieu populaire. Pour donner un exemple, dans l’affaire emblématique de l’accusation mensongère (mais aujourd’hui encore propagée par les faiseurs d’opinion) que le gouvernement a sciemment trompé le parlement sur le dossier des armes de destruction massive de Saddam, lancée par le journaliste Andrew Gilligan sur la BBC au moment précis où Tony Blair effectuait une première visite dans l’Irak libéré après le renversement de Saddam Hussein, c’est Alastair Campbell et Peter Mandelson qui ont mené la contre-offensive; comme on le sait l’affaire, qui a été marquée par le suicide du Dr David Kelly, l’informateur manipulé par Gilligan, s’est terminée par le renvoi de Gilligan et la démission du directeur de la BBC après le rapport d’enquête du juge Hutton.

[2] The Alastair Campbell Diaries – Volume 1: Prelude to Power

[3] Avec une modestie inhabituelle!

[4] Et pas dans une sinécure, puisqu’il était le ministre du commerce extérieur et grand négociateur de l’Union.

[5] Son dernier titre a d’ailleurs été First Secretary of State (les secrétaires d’Etat étant, dans la terminologie britannique, les ministres importants: ceux qui sont membres du Cabinet, chacun à  la tête d’une équipe de ministres et sous-ministres).

[6] Quoique modestement: en gros, c’est le même prix que LeMonde.fr pour lequel en réalité le bénéfice n’est justement pas si tangible que cela du fait qu’une grande partie de la matière peut être accessible gratuitement; au Times même les blogueurs maison sont derrière le paywall (de sorte que le flux d’Oliver Kamm ne pourra hélas plus figurer dans notre colonne de droite).

[7] Ou contraint à  remplacer la paresse du lien par l’art du style indirect et de la citation choisie…

Un commentaire

  1. Pepito
    22 juillet 2010

    Article très instructif, notes incluses. J’ai quitté l’Angleterre avant ces 13 années de gouvernement Labour, donc j’ai suivi tout ça de loin. Je lirai sans doute « The Journey » parce que, comme disent les Anglais, on peut boire une bière avec Tony Blair dans un pub, mais pas avec Gordon Brown. Avec Mandelson, même pas y penser; quoique que son livre doit être brillant.

    J’en profite pour mentionner que j’en ai mangé un nombre incalculable de swissrolls au cheddar pendant que je vivais en Angleterre, même pas eu besoin de les faire passer avec une bière.

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