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Elections britanniques: le cheval à  abattre

Le parlement élu aujourd’hui sera-t-il le dernier au scrutin uninominal à  un tour (first past the post selon la formulation anglaise, concrète et inspirée par les courses de chevaux)? C’est peu probable, mais c’est moins impossible que ça l’a jamais été. Car le temps a fait son oeuvre et les avantages du système (un régime d’alternance qui garantit un vrai choix pour les citoyens en même temps que la stabilité gouvernementale, et une marginalisation impitoyable des extrémismes) laissent place à  des effets pervers qui prennent toujours plus d’importance.

Les quelque 650 élections individuelles qui produisent la Chambre des Communes n’ont pas réellement pour but de désigner un représentant des intérêts locaux. A travers lui, c’est le choix du gouvernement qui s’effectue, et plus précisément: le parti au pouvoir sera-t-il confirmé ou perdra-t-il la majorité et laissera-t-il la place à  l’opposition? En 1979, les Tories ont accédé au pouvoir avec Margaret Thatcher. Ils y sont restés jusqu’en 1997 (John Major, qui avait succédé à  Margaret Thatcher, remportant contre toute attente l’élection de 1992) quand Tony Blair pour le New Labour a emménagé à  Downing Street. Ce bail lui a été confirmé en en 2001 et 2005, et aujourd’hui la question posée est la suivante: les travaillistes (désormais emmenés par Gordon Brown) doivent-il rester au pouvoir ou non?

On saura bientôt si réellement la réponse est négative, et si elle produit autre chose qu’une alternance en faveur des conservateurs conduits par David Cameron: une désaffection telle à  l’égard des deux grands partis qu’elle contraindrait l’un ou l’autre à  un accord avec les libéraux-démocrates de Nick Clegg, dont le prix à  payer serait une réforme électorale mettant fin au scrutin uninominal à  un tour…

Même si ce n’est pas le cas, le système aura sans doute atteint ses limites. On savait déjà  que la simplicité du vote et la clarté du choix ultime avaient pour prix une illisibilité des suffrages consolidés: le parti qui l’emporte dans la majorité absolue des circonscriptions a souvent moins de 40% de l’ensemble des suffrages, les pesanteurs sociologiques des choix électoraux individuels créent une force d’inertie qui a longtemps profité aux conservateurs mais dont bénéficient aujourd’hui les travaillistes. Comme occasionnellement lors de l’élection présidentielle américaine, le parti qui l’emporte peut ne pas être celui qui a obtenu le plus de suffrages (les projections en sièges des sondages qui donnaient Nick Clegg épaule contre épaule avec Brown et Cameron ont même illustré le cas où les travaillistes pourraient arriver en troisième position pour les suffrages tout en remportant le plus grand nombre de sièges[1]). Il y a une double explication à  cela: d’une part, dans une circonscription donnée, il ne sert à  rien de gagner de plus d’une voix par rapport au deuxième (les suffrages excédentaires sont « perdus »); d’autre part le scrutin uninominal ne pousse pas à  voter simplement pour exprimer sa couleur politique: il invite soit au « vote tactique » (je vote pour le candidat qui a le plus de chance de battre le parti que je rejette) soit à  l’abstention, car dans la majorité des circonscriptions le sortant est assuré de sa réélection. Les suffrages consolidés du scrutin uninominal ne correspondent donc pas aux suffrages qui iraient aux partis dans un scrutin proportionnel.

Au « vote tactique » en vogue depuis plus de 30 ans s’ajoute cette année, pour la première fois à  une si large échelle, la « campagne tactique » qui concentre cyniquement les moyens sur les seules circonscriptions qui comptent. Le vice-président et généreux mécène (domicilié dans un paradis fiscal) du parti conservateur, Lord Ashcroft, a monté une opération de professionnalisation non seulement du marketing, mais du « reporting » de la campagne menée par les candidats, dont le financement est strictement dépendant de leur respect des objectifs-cible qu’il leur fixe; cette campagne échappe même aux instances du parti, c’est une opération personnelle de Lord Ashcroft.

Est-ce à  dire que le Royaume-Uni devrait se convertir aux défauts de la représentation proportionnelle? Eux aussi se développent surtout avec le temps. La solution me paraît claire: une rotation entre les différents systèmes envisageables tous les 30 ou 50 ans…

Notes

[1] Les libéraux-démocrates s’en plaignent, évidemment, mais les faits sont têtus: s’ils n’ont pas davantage d’élus, c’est parce qu’ils n’arrivent pas en tête. Malgré ces déformations, la légitimité des élus ne me paraît pas contestable.

Un commentaire

  1. esperons quand meme que le libdem saura et pourra peser sur le prochain gouvernement, dans un sens evidemment liberal dans tous le sens du terme

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