Charité patriotiquement ordonnée
En matière de défense des valeurs (libéralosocialochristianohumanistes – je ne me moque pas, ce sont aussi les miennes) avec sensibilité féminine, Doris Leuthardt, la nouvelle élue (démocrate-chrétienne) au Conseil fédéral n’a qu’à bien se tenir, face à son aînée, la Ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey (socialiste) . Certes, le Ministre des transports, Moritz Leuenberger, a affirmé qu’avec Doris, il se rapprocherait du paradis. (Mais je crois qu’il parlait plutôt de dynamique personnelle que de valeurs.) Mais sur un point, son aînée, Micheline Calmy-Rey la dépasse infiniment: celui de la franchise, de la transparence, de la lucidité alliées à une estime de soi performante. C’est l’impression qui se dégage en lisant le compte-rendu de son déjeuner avec François Modoux du Temps. Ces vertus que je lui connaissais, eh bien je n’avais encore jamais eu l’occasion d’assister à une telle simultanéité dans leur déploiement. Il y a la revendication de la maternité du nouveau Conseil des droits humains, en se réclamant de l’esprit de Genève et en affirmant la « responsabilité morale supérieure de la Suisse », en matière de droits humains (avant MCR, on parlait plutôt de vocation) et en se proclamant patriote (la droite populiste n’en a pas le monpole).
Mais pas question d’angélisme. « La seule finalité de cette politique, assure-t-elle, c’est de défendre les intérêts de la Suisse. Car les vraies menaces existentielles pour notre pays sont la multiplication des conflits civils et le terrorisme. Or la promotion civile de la paix et des droits de l’homme, avec les instruments de la coopération internationale, dans le cadre de l’ONU, est la meilleure réponse à ces dangers. » La défense des intérêts du pays prime donc toute autre considération. Ses camarades socialistes peut-être comprendront que, quasiment dans le même élan, elle rappelle qu’elle défend le secret bancaire « sans états d’âme »: « Cessons de culpabiliser, la défense de nos intérêts nationaux est prioritaire. » Moralité: droits humains (un service, un pôle d’excellence de la Suisse) et banque – même combat. Gageons que des esprits moins social-patriotes et plus cruellement néo-libéraux y ont déjà pensé.
L’article est assez (trop ?) dythirambique (orthographe à cérifier…) pour être honnête. Je relève deux points juste : c’est étonnant que le journaliste ne lui demande pas si elle est satisfaite de la nouvelle composition du Conseil des Droits de l’Homme. Et sur l’attaque israélienne, il y avait une certaine maladresse à mon avis à faire ces remontrances alors que les circonstances du drame étaient loin d’être éclaircies. Enfin, en clin d’oeil, je suis heureux de voir que Jeanne Hersch visiblement parlait elle aussi des droits de l’homme et non pas de l’humain.