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Fuite devant les responsabilités

Bestiaire politique: le lion, l’aigle et les autruches

nowecantIl y avait d’abord eu ce député travailliste qui expliquait benoîtement son vote contre la motion ouvrant la voie1 à une participation britannique à une opération internationale de représailles contre le régime Assad pour l’attaque à l’arme chimique de civils qui constitue un crime contre l’humanité: il a organisé un vote en blanc2 dans sa circonscription, et la majorité était contre; quand il avait fait de même en 2003 à propos de Saddam Hussein, la majorité était pour et c’était donc ce qu’il avait voté.

On a eu ensuite Obama dans un ahurissant numéro que j’ai regardé en direct: après avoir solidement justifié le pourquoi d’une intervention, rappelé la doctrine selon laquelle une telle décision est entièrement de sa compétence et souligné qu’il avait été précisément élu pour prendre des décisions difficiles et revendiquait cette responsabilité… il en défère au Congrès qui devra se prononcer par le vote d’une résolution.

Et maintenant il y a ce sondage au Royaume-Uni que commente Normblog: une nette majorité des Britanniques se prononce pour une intervention, elle veut simplement ne pas y participer!

Le parlementaire ne réalise pas que son rôle individuellement (et celui du Parlement collectivement) ne se limite pas à celui de sismographe de l’opinion de sa circonscription ou du pays, mais qu’il a un travail à faire puis une décision à prendre en son âme et conscience (ou à tout le moins en participant à la décision collective de son groupe parlementaire): même en Suisse ou, contrairement au Royaume-Uni3, c’est bien le peuple qui a le dernier mot sur des objets particuliers, le système ne peut fonctionner que si chacun joue son rôle, le Parlement se détermine puis les parlementaires expliquent la position qu’ils ont prises et font campagne, de manière à ce que le peuple4 dispose du maximum d’éléments pour décider s’il leur donne raison ou tort. Ce député a fait précisément l’inverse, et c’est en cela que le populisme n’est pas une forme extrême mais une perversion de la démocratie: s’en remettre à la réaction spontanée d’un électorat non informé5.

Je sais bien qu’il y a des gens qui contestent l’interprétation dominante de la Constitution américaine qui donne cette compétence à l’exécutif. Mais Obama ne prétend pas s’en écarter, dans le même souffle il l’affirme puis la vide de son contenu en créant un précédent, et c’est cela qui est ahurissant. Car alors où s’arrêter: soumettre aux parlementaires les cinq stratégies, apparemment, parmi lesquels Obama a choisi celle qui a été présentée? Solliciter également leur accord sur les branches suivantes de ce que l’on appelle un arbre à décisions: une fois la frappe punitive proposée achevée, que fait-on si a) Le régime s’effondre6, b) Assad récidive ultérieurement avec une nouvelle attaque chimique: 1) On ne fait rien, 2) On fait le même genre de frappe ponctuelle 3) Cette fois on va jusqu’à l’éviction du régime Assad, c) L’Iran met à exécution sa menace de riposter à l’intervention internationale par l’ouverture d’un front supplémentaire en envoyant des missiles sur Israël:7: 1…

L’autre chose qui a le don de me mettre en colère ces jours, c’est comme à chaque fois cette prétention des défaitistes à s’arroger le mot paix pour défendre le statu quo des dictateurs génocidaires…

  1. Et seulement cela: un second vote parlementaire devait en particulier encore intervenir une fois qu’il aurait été possible de prendre connaissance des premiers résultats de l’enquête des inspecteurs et des délibérations du Conseil de sécurité. []
  2. Qui n’a sûrement pas porté sur les subtilités de la motion, bien évidemment… []
  3. Qui incarne le principe parlementaire dans ce qu’il a de plus pur: la décision du peuple, c’est la réélection ou non du gouvernement. []
  4. Et les cantons s’il s’agit d’une question constitutionnelle []
  5. Ou plus exactement informé par ses préjugés et expériences passées, mais sans connaître le détail de la décision qu’on lui demande et les justifications avancées par ceux qui la proposent. []
  6. On peut rêver! []
  7. Personnellement je n’y crois pas, mais je trouverais dangereux de ne pas la prendre au sérieux et s’y préparer, si bien sûr je ne partage pas l’avis que cette seule hypothèse pourrait être une raison de laisser Assad impuni et d’encourager d’autres à l’imiter. []