Entre ouverture et soumission, entre affirmation de soi et muflerie
Philippe Barraud salue l’attitude de l’arbitre suisse Massimo Busacca. Mercredi, à Ryad, il a refusé de se départir de son sifflet personnel, qui arbore une croix (fédérale, mais rappelant indéniablement la tradition chrétienne de la Suisse), lors d’un match du championnat saoudien de football. Cela me rappelle qu’en Grande-Bretagne on incite (avec raison me semble-t-il) les Universités de l’élite, Cambridge et Oxford en particulier, à atténuer leurs fortes traditions alcoolisées: en effet elles constituent une barrière pour des étudiants, par exemple hindouistes ou musulmans, qui ne peuvent s’y associer et se trouvent ainsi exclus.
Jusqu’où l’ouverture à autrui, la considération pour autrui implique-t-elle de changer? Quand la courtoisie devient-elle de la soumission? Quelle est la frontière entre la saine affirmation de soi et la muflerie?
Si des gays peuvent se donner la main tout naturellement, doivent-ils cesser de le faire s’ils sont en voyage en Arabie saoudite?[1] (manifestement oui — ce qui n’est bien sûr pas la même chose que trouver normal que des pays criminalisent l’homosexualité; c’est au touriste, à l’étranger de passage de respecter les us et coutumes du pays qui l’accueille). Aussi à Amsterdam, dès que cela risque de choquer des passants musulmans? (manifestement non: ces derniers sont là pour s’intégrer, c’est à eux d’accepter[2] la société dans laquelle ils veulent vivre). L’ouverture consiste pour les autochtones à accepter que les immigrants amènent d’autres habitudes (vestimentaires, alimentaires ou religieuses), à les incorporer au mode de vie national (c’est ainsi que le Chicken Tikka Masala est considéré comme la fondue des Britanniques), pas à renoncer à leurs valeurs.
Est-ce à dire que l’alcool est négociable, mais pas l’homosexualité? La différence c’est qu’il n’est pas demandé de renoncer à l’alcool, mais d’élargir la palette[3], comme l’offre d’une alternative végétarienne n’empêche pas de manger de la viande.
Cela renvoie aussi à la problématique des jours fériés officiels et des fêtes religieuses: doit-il y avoir une considération particulière pour des fêtes religieuses non fériées? Signaler / célébrer toutes les fêtes religieuses représentées dans une classe d’école: oui. Eviter de fixer une séance importante le jour de Yom Kippour ou de l’Eïd: oui. Accepter que l’on prenne congé sur son capital vacances: oui. Donner congé à chacun au gré des convictions religieuses en sus des jours officiels: non.
Mais qu’en pensez-vous? Ce n’est qu’un billet d’amorce, autres approches et illustrations de la problématique bienvenues!
Notes
[1] Bon, je réalise que mon exemple n’est pas forcément le mieux choisi…
[2] Sans se voiler la face 😉
[3] De fait, cela change quand même assez fondamentalement l’atmosphère des after dinner’s drinks dans la Common Room…mais comme déjà lorsque cela a cessé d’être un all male club: pas de nostalgie déplacée!
Rien d’extraordinaire a ajouter. Tu prônes ici la tolérance, qui est différente du renoncement de ses valeurs, et qui doit être lié a l’éducation et a l’intégration. Pour prendre un exemple plus simple, lorsqu’on est invité chez quelqu’un, on fait attention a son comportement, même si notre hôte nous invite a « faire comme chez soi ».