40 ans!
Je n’aime pas trop la figure imposée, et n’ai même pas pris le temps de réfléchir à une idée originale pour l’accomplir (on pourrait ajouter à la fin de ce billet quelques liens, n’hésitez pas à nous en signaler!)… en même temps si ce blog ne rappelle pas cet anniversaire, qui le fera? Or donc, chère lectrice, cher lecteur, le 27 juin 1969 était également un samedi un vendredi, le temps était à l’orage comme aujourd’hui à Londres et Genève, mais c’était New York: Greenwich Village plus précisément… En fin de soirée un bar gay, le Stonewall Inn, a fait l’objet de ce que l’on appelait alors un contrôle une descente de police. Mais au lieu de provoquer la fuite éperdue des clients et la honte pour ceux qui seraient attrapés, cette nuit-là a vu une révolte vigoureuse contre le harcèlement policier (la faute à la mort récente de Judy Garland, paraît-il). Dès 1970 c’est en commémoration de cet événement que s’organise, fin juin – début juillet, partout où c’est possible une Gay Pride, manifestation assertive (pour le moins) de l’existence des gays et des lesbiennes et de leur égal droit à la dignité et à la recherche du bonheur.
Pour le monde francophone, n’y a-t-il pas lieu de dater le début d’une revendication homosexuelle militante de Mai 68 plutôt que des seules années 70? Tel est mon souvenir (j’avais 13 ans en mai 68 et suivais de près les événements sur Europe1 et dans L’Express, principalement, en alternance avec le Printemps de Prague qui avait commencé en janvier et devait se finir en août), mais on enjolive parfois le passé. Quoi qu’il en soit il y a là un thème sur lequel on pourrait disserter: le pragmatisme, le souci de parler pour l’homme de la rue du mouvement anglo-saxon (qui s’est généralisé), le séparatisme « élitiste », anti-hétéro, des premières formes de la militance en France. Ne pas oublier non plus tout ce qui existait déjà avant (y compris avant la deuxième guerre mondiale, sans remonter traditionnellement à l’Antiquité grecque et romaine…), mais avec cette différence essentielle d’être strictement privé, non-universaliste.
Oui, je m’émerveille de la formidable accélération de l’histoire que représente le succès de reconnaissance du fait homosexuel, certes pas encore universel mais déjà dans toutes les démocraties libérales: moins de 40 ans des soirées clandestines à la normalité bourgeoise, avec statut reconnu pour les couples et y compris, de plus en plus souvent, acceptation que l’adoption par un individu ou un couple gay peut ne pas être pire que rester orphelin à la charge d’une institution.
Je suis sûr que Guillaume complètera ci-dessous, et tout à la fin du billet je propose donc un espace pour les liens commémoratifs.
COMPLEMENT DE GUILLAUME BARRY
Mais qu’y a-t-il à compléter: tu as dit l’essentiel. Sinon, on peut toujours revenir sur l’éternel débat qui est quasiment devenu un marronnier — à savoir faut-il être pour ou contre la gay pride — débat que les journalistes adorent reprendre chaque année en faisant comme si c’était la première fois que se posait la question. Et en rappelant bien sûr que les gais eux-mêmes sont divisés sur la question, etc. etc.
Le médias, donc le grand public ne retiennent des défilés intitulés Gay Pride que des images de créatures hautes en couleurs qui, numériquement parlant, ne doivent pourtant pas représenter plus de 1% des participant-e-s. Les braves gais moyens (si, si, ils existent, ils constituent même la majorité) sont alors tiraillés entre plusieur attitudes. Il y a l’attitude défensive ou carrément de rejet de ces personnages qui, non, non, ne sont pas représentatifs des gais et nuisent à l’image des gais ordinaire, tout comme les folles.
D’autres braves gais ressentent la même chose, tout en se sentant coupables d’avoir une attitude d’exclusion, alors qu’ils appartiennent à une catégorie susceptible d’être exclue de la société à un titre ou à une autre, à un moment ou à un autre, en un lieu géographique ou en un autre. A noter que parfois l’exclusion signifie ou (a signifié) d’être carrément exclu de la vie.
Alors pour ou contre la Gay Pride? Avec ou sans les drag queens?
L’expérience montre qu’il faudrait un nombre infini de commentaires ou de billets pour traiter de ce sujet. Disons qu’un élément de réponse se trouve ans le fait que la Pride réunit deux aspects: celui de la revendication politique et celui d’une fête qui relève du carnaval. Qui dit carnaval dit fête des fous (ou des folles): c’est un temps penant lequel on se permet tout ce qui est interdit le reste du temps. En ce sens, le carnaval est très conservateur: en faisant un seul jour ce qui est interdit le reste de l’année, en le transgressant, il ne fait qu’en souligner la légitimité et la normalité.
Les premières Prides étaient beaucoup plus subversives: les gens ont défilé dans leur tenue de tous les jours, ce qui fait qu’il y avait beaucoup de costumes cravates… Le mot Pride, qui signifie fierté, ézait aussi employé dans un sens négatif: il s’agissait de refuser, de contrer la notion de honte, de déchéance, de dépravation, de perversion, qui était attachée aux homosexuel-le-s.
A suivre (peut-être)
Liens
- Wikipédia en anglais
- Wikipédia en français
- The Times Ian McKellen sur le mouvement britannique (dont l’une des organisations a pris le nom de Stonewall)
- The Times Matthew Parris, ancien député conservateur à la Chambre des communes (il n’était pas out à l’époque — aujourd’hui il serait simplement inconcevable que l’on ne sache pas qu’un parlementaire ou un ministre, travailliste ou conservateur, est gay, au même titre qu’on connaît son sexe, son origine ou son affiliation religieuse ou son athéisme militant!)
- Schwulengeschichte Une encyclopédie historique en ligne pour la Suisse (en allemand seulement)
Bon anniversaire, alors !
Joyeuse fête !