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David Kelly n’est pas Daniel Ellsberg

Un héros mort pour avoir dénoncé la guerre en Irak? L’image a probablement cours dans certains milieux qui ne suivent l’affaire que de loin; ils croient peut-être que le Dr Kelly a tenu à faire connaître au monde un secret dont il était le dépositaire: la manière dont le gouvernement britannique est parti en guerre en agitant un faux prétexte (la menace d’armes de destruction massives susceptibles d’être activées en 45 minutes). Ce serait au fond Daniel Ellsberg, ce collaborateur du Pentagone communiquant au New York Times, en 1971, des documents révélateurs sur la guerre du Vietnam.

Mais l’image ne tient pas. On connaît maintenant suffisamment bien l’état d’esprit de David Kelly avant le déclenchement de la guerre: les membres de sa famille ont témoigné devant Lord Hutton avoir réalisé, après sa mort, qu’il les avait chacun individuellement convaincus qu’il n’y avait pas d’autre issue! Et The Observer a publié dimanche dernier un article posthume (mais d’avant-guerre) du Dr Kelly qui dit précisément qu’après 12 ans d’échec des sanctions et des inspections, seul un changement de régime est de nature à écarter la menace à plus long terme que représente Saddam Hussein.

A plus long terme… Le Dr Kelly, et d’autres avec lui parmi les spécialistes, n’accordaient pas grand crédit à l’information parvenue aux services secrets britanniques par une source en Irak selon laquelle la menace pourrait même être plus pressante que cela. C’est à partir de ce genre de divergence (dont les esprits de formation scientifique ou technique sont plus particulièrement portés à exagérer l’importance, et à se sentir dépossédés dès lors que leur cher objet d’étude entre dans le domaine public) que la BBC et les adversaires de l’intervention en Irak ont bâti la rumeur du mensonge délibéré là où il n’y a, au pire, qu’une exagération destinée à convaincre – ou tout simplement la conviction que, face à une telle information, on ne peut pas prendre le risque qu’elle se révèle exacte!

La suite est connue: la manière dont Kelly s’est senti utilisé par la BBC pour attaquer le gouvernement et par le gouvernement pour attaquer la BBC et défendre sa crédibilité, la perte d’estime de soi qu’il a pu en ressentir, les craintes (fondées ou non) sur sa pension de retraite alors que sa femme est malade… Les Daniel Ellsberg, eux, sont des militants qui, confrontés à des monstres froids, ne se suicident pas: 32 ans plus tard, ils en font encore un livre.