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Mariage: faire droit à la différence

Pour ce dimanche, voici quelques réflexions sur le mariage originairement destinées à l’ami Emile (prénom fictif – cf. son commentaire du 15.09.2003) qui m’écrivait:

« La décision de l’Etat du Massachusetts (relative à la non impossibilité du mariage homos. que Sullivan rapporte ici et commente ) (…) met en pièce la notion de différence entre les couples homo et hétéro en relation avec la procréation, relevant que tous les couples hétéro peuvent se marier, pourtant dans un nombre croissant de cas les époux hétéro n’envisagent pas d’avoir des enfants (carrière oblige) et n’en ont effectivement pas. »

Ma réponse:

Mon problème est qu’il y a plusieurs points de vue légitimes et nécessaires qu’il faudrait soutenir simultanément.

Qu’il y ait des couples sans enfants paraît évident. Evidente aussi la même valeur, la même dignité inhérente à tout désir de couple: l’amour, l’affection, l’engagement, l’assistance mutuelle etc. n’étant ni homo ni hétéro en soi.

D’un autre côté, faisons une expérience mentale: regardons le monde en partant de notre petite personne. A un moment donné, je suis obligé de reconnaître que MOI, la chose la plus importante au monde, j’existe du fait de l’union (brève ou durable) entre un homme et une femme, ou, à la rigueur du fait de la fusion d’une cellule mâle et d’une cellule femelle. (J’ignore comment un clone ressentirait la question de son existence.) Cette dimension introduit une asymétrie sur ce à quoi renvoie un couple hétéro, qu’il envisage ou non de procréer, qu’il soit stérile ou non.

Cela ne change rien à l’égalité en dignité de tous les couples. Cela apporte seulement une autre dimension. Le catholicisme a vu juste sauf qu’il en a fait une fixation obsessionnelle en décrétant illicite tout acte sexuel hormis le coït. On a assez glosé sur cette hypersacralisation pathologique de la sexualité. Cependant, nier qu’un couple hétéro renvoie aussi à la transmission de la vie, la permet – m’a donc permis de venir au monde – a aussi un côté de dénégation déplaisant, quoique probablement moins grave.

Etre adulte, c’est reconnaître cet aspect de la réalité, reconnaître qu’avec un homme, je ne peux pas procréer. La question de l’adoption reste réservée, sinon je peux bien sûr m’arranger avec une femme ou un couple de femmes. Mais il n’y a pas que ça dans la vie. Il y a peut-être d’autres choses à créer, à transmettre. Sinon, cela reviendrait à dire que pour un grand nombre de gens leur vie n’a pas de sens.

Finalement, nier cette différence revient soit, paradoxalement, à l’exacerber, soit à se mentir à soi-même: je me suis fait tout seul (et je suis donc tout-puissant). Serait-il possible de reconnaître la spécificité symbolique du couple hétéro, sans en faire tout un plat? Et sans refuser aux autres couples l’égalité en dignité?

Ce à quoi Emile a rétorqué:

« Oui, mais l’analyse qui démolit la justification traditionnelle  du mariage sur la base des réalités est intéressante parce qu’elle met en pièce les arguments des traditionalistes qui argumentent en fonction d’un monde qui n’existe plus comme unique référence, mais comme une option majoritaire parmi d’autres qui existent aussi. »

Et moi de répartir:

Le fait de la vie et de son mode de transmission n’est pas une option: c’est un fait. Parfois, on est dans l’impossibilité de procréer naturellement. D’autres fois, c’est une option : on choisit de ne pas procréer. Là où il y a encore une option, c’est par rapport à la valeur qu’on veut reconnaître à cet aspect de la réalité. Personnellement, je déplore tout ce qui est (dé)négation de la réalité. Si je déplore le déni d’une orientation homosexuelle, de la possibilité d’avoir des émotions, des sentiments préférentiels pour quelqu’un du même sexe, je déplore aussi qu’on nie la spécificité de l’hétérosexualité comme le moyen inventé par la nature pour se transcender.