Babel européenne
Suite involontaire à mon billet d’hier sur le site du Monde:
« L’Assemblée s’est prononcée mardi 6 janvier à l’unanimité pour le maintien de la diversité linguistique et une présence accrue du français face à ‘l’hégémonie croissante du modèle anglo-saxon’ dans l’Union européenne après son élargissement à dix nouveaux membres le 1er mai 2004. »
J’ai d’abord cru naïvement qu’il s’agissait d’un vote du Parlement européen — mais non, c’est bien sûr de l’Assemblée nationale française qu’il s’agit: on n’est jamais mieux servi que par soi-même.
Il est vrai qu’il y a un réel problème:
« Le dossier linguistique, sur lequel les négociations sont en cours à Bruxelles, constitue l’un des ‘défis majeurs’ de l’Union élargie, dont le nombre de langues officielles passera de 11 à 20. Aux 11 langues en vigueur (allemand, français, anglais, italien, espagnol, néerlandais, grec, portugais, suédois, danois et finnois) viendront s’ajouter l’estonien, le hongrois, le letton, le lituanien, le maltais, le polonais, le slovaque, le slovène et le tchèque.
‘Dans à peine plus de cent jours, la nouvelle Europe se trouvera confrontée au défi linguistique le plus important de son histoire. Pour l’interprétation, 110 combinaisons sont aujourd’hui possibles avec 11 langues officielles, ce nombre passera à 420 (gaélique compris) après l’élargissement’, a souligné M. Herbillon », rapporteur de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne.
La référence à la construction difficile de la tour de Babel paraît davantage justifiée ici qu’à propos de l’émergence de l’espagnol comme deuxième langue aux Etats-Unis! Reste à savoir si la promotion arrogante du français apporte une solution.
En Suisse, on assiste lentement mais sûrement à l’émergence de l’anglais comme langue vernaculaire commune aux germanophones, francophones et italophones (je ne mentionne que pour mémoire les Romanches qui constituent le quatrième groupe linguistique national, en partant de l’idée qu’ils sont déjà bilingues dans l’une des trois langues officielles de la Confédération): sur le chat, à l’armée, dans les conseils d’administration, entre universitaires… Mais cela ne présente au fond pas de vrai problème de préséance, puisque l’anglais n’est précisément pas une langue nationale.
Par analogie, pour l’Europe je verrais la solution suivante:
– ne retenir que quatre ou cinq langues officielles (dont l’esperanto, après tout);
– par égard et courtoisie entre Européens, celui ou celle dont la langue maternelle est l’une des langues officielles devra s’astreindre à en employer une autre.
Economique, simple et élégant, non? Plus encore que les Français, ce sont les Britanniques, notoirement peu portés sur les langues étrangères, qui devront faire du rattrapage intensif…