Parlements: la parité hommes / femmes, sinon rien
J’apprends dans un article du Daily Telegraph (gratuit, mais il faut s’enregistrer) deux nouveaux termes du jargon politique anglais:
– « zipping » (de fermeture éclair), qui désigne ce que les Français appellent des « listes chabada » (alternance d’un homme et d’une femme pour les élections à la proportionnelle);
– « twinning » (jumelage), opération dans laquelle deux circonscriptions élisant chacune une personne au scrutin majoritaire font en sorte de désigner l’une un homme et l’autre une femme.
Le premier système est acceptable pour des élections à la proportionnelle sur la base de listes bloquées, telles qu’elles ont effectivement lieu en France, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, mais pas en Suisse: mentalité d’ingénieur ou passion pour les complications horlogères, notre mode de calcul de la proportionnelle ne laisse pas aux état-majors le soin de décider par le positionnement sur la liste qui sera élu pour occuper le nombre de sièges dévolus aux partis; le décompte des suffrages nominatifs est effectué séparément car chaque électeur peut biffer des noms sur son bulletin ou ajouter des noms en provenance d’autres listes.
Le deuxième système est intéressant, mais il a le même inconvénient que les méthodes fondées sur les quotas ou la restriction des candidatures dans une circonscription donnée à un seul sexe. Il brime la liberté d’un électorat particulier dans l’idée d’atteindre un résultat global plus satisfaisant, et perpétue une image négative de l’égalité entre hommes et femmes comme quelque chose nécessitant des mesures compensatoires en faveur de ces dernières.
Je suis partisan d’une approche radicalement différente consistant à affirmer préalablement l’identité irréductible de la personne humaine comme homme OU femme: soit l’un, soit l’autre comme individu, hommes et femmes ensemble comme société. C’est le clivage primordial, alors que tous les autres sont soit des choix (la religion), soit des attributs supplémentaires et qui n’ont pas la même nature binaire (les caractéristique ethniques) ou sont susceptibles de variations (l’orientation sexuelle, la langue, l’âge). Il en découle que seule une représentation strictement paritaire des hommes et des femmes est acceptable, toute autre formule est hémiplégique. C’est l’opposé du réductionnisme égalitaire à la française où n’existe qu’une personne abstraite, pseudo hermaphrodite où le masculin l’emporte sur le féminin (comme dans la grammaire).
Pour des élections proportionnelles telles que nous les connaissons en Suisse pour les parlements, j’avais préconisé (ici et originellement ici) d’instaurer une double liste: chaque électeur vote d’une part pour une liste de femmes et d’autre part pour une liste d’hommes. Nul n’est pénalisé dans son choix, personne n’est renvoyé dans un ghetto et l’égalité s’impose à tous (même au plus fieffé misogyne). Et le résultat est une représentation politique d’une part (à la proportionnelle des partis), concrétisée d’autre part par des hommes et des femmes en nombre égal. Je ne doute évidemment pas qu’il en découlera une modification fondamentale du jeu politique (à commencer par l’accroissement du vivier féminin pour les fonctions exécutives), mais c’est précisément le but.
Dans les pays qui connaissent l’élection majoritaire uninominale, la solution me paraît tout aussi simple, et le « twinning » s’arrête à mi-chemin: elle consiste à diviser par deux le nombre des circonscriptions et à prévoir l’élection d’un homme ET d’une femme dans chacune d’elles. Là il y a quelques autres effets collatéraux à prévoir (outre le bénéfice général d’un parlement à parité d’hommes et de femmes): des circonscriptions de grande taille, probablement une atténuation de l’effet majoritaire dans les circonscriptions où l’écart de voix entre le parti majoritaire et l’opposition est faible (qui pourraient élire un homme d’un parti et une femme de l’autre). Mais rien qui ne soit pire que la solution actuelle (l’hémiplégie de la représentation démocratique) ou les solutions discriminatoires proposées.