"Facebook or not Facebook? That is the question"
Ca a commencé avec l’invitation d’une amie britannique plutôt excentrique: je pouvais ne pas donner suite. Mais la suivante est venue d’un blogueur romand tout ce qu’il y a de plus sérieux, intello et père de famille… Bref, dois-je me résoudre à surfer sur la dernière vague du Net? Ou puis-je me permettre de l’observer de loin (voire de l’ignorer, comme je le fais des jeux en ligne ou de Second Life[1])? Un sondage parmi nos amis de Lieu Commun[2] reflète très bien l’ambivalence que je ressens, de la méfiance granitique à l’enthousiasme effusif en passant par l’appel à la prudence de celui qui a accepté une invitation et croule sous les sollicitations d' »amis » qu’il ne se connaissait pas!
Facebook est ce qu’on appelle un « réseau social », un site qui utilise les outils les plus avancés du web (2.0) et les combine pour permettre à des personnes (l’individu est l’unité de base qui, une fois membre, dispose de sa « page » — mais c’est beaucoup plus qu’une page, plutôt un véritable site personnel: voir la présentation) d’interagir entre elles: dernières nouvelles, photos, vidéos, liens relevés sur le Net, on peut tout centraliser là et partager avec ses « amis » (dont on peut d’ailleurs hiérarchiser l’accès), et tout savoir d’eux[3].
Dans l’économie de l’Internet plus encore qu’ailleurs, il existe un avantage important pour le premier entrant sur un marché: le précurseur, MySpace, a quelque 200 millions d’inscrits. Rupert Murdoch, le géant des médias que son âge n’a nullement empêché d’être celui qui a le mieux compris la révolution de l’Internet, en a fait un des fleurons de sa couronne (qui va du Sun au Wall Street Journal en passant par Fox et Sky TV, le News of the World ou The Times). A l’époque, ça paraissait pourtant encore un truc plutôt destiné aux ados ou aux étudiants: manifestement ce n’est plus le cas. Mais les choses peuvent aussi changer rapidement[4]: Facebook est le site qui monte et revendique plus de 40 millions de membres[5]. Ce qui en fait la force est aussi ce qui me retient: le côté annuaire, ce serait bien pratique s’il était exhaustif; mais en même temps ce n’est rien d’autre qu’une réduction, appauvrissante voire totalitaire (et sous contrôle éventuel), du potentiel du web par l’interconnexion de pages personnelles normalisées, avec certes l’avantage d’une utilisation plus ludique et plus intuitive. Et j’ai envie de me rebeller contre cette « privatisation » d’un Net dont la richesse chaotique et libertaire fait toute la valeur: « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire ‘Ceci est à moi’…« .
D’une certaine façon, le réseau social est aussi l’ultime avatar de cette forme première de l’Internet, la liste de discussion (à l’époque exclusivement par échange de mail à une adresse collective: chacun reçoit ou envoie un message dont le contenu est destiné à être lu par tous[6]). Ces listes sont devenues des groupes hébergés sur le web, dotés déjà de fonctionnalités supplémentaires: outre l’échange de messages, la possibilité de mettre en commun des photos, des vidéos ou d’autres fichiers (et même, chez Google, de faire de l’édition collaborative sur texte). Avec le réseau social, il faut encore se connecter à sa page personnelle (c’est probablement la page de démarrage), mais l’on y reçoit automatiquement tout ce à quoi l’on a souhaité s’inscrire et l’on peut picorer jusqu’à l’indigestion dans les pages de ses « amis »…
A cet égard, je vois bien l’intérêt du réseau social dans un champ limité: sans même parler de Flickr ou YouTube et autres sites permettant de retrouver des amis d’études, je suis tombé sur ce réseau sur l’utilisation d’outils web 2.0 dans l’enseignement… ou cette ébauche de réseau social du Bloggy Friday lausannois: 6 membres, aucun contenu[7] [8]. Comme aussi avec les hébergements gratuits qui permettent de créer des pages web ou des blogs, quand on consulte la liste des utilisateurs du splendide outil de création de réseaux virtuels Ning (disponible en français) que j’ai découvert en préparant ce billet, il y a plus de coques en calle sèche et de radeaux à la dérive que de vaisseaux naviguant fièrement. Tout ça demande du travail, du temps.
La vraie difficulté, aujourd’hui, consiste à choisir l’outil adapté à ce que l’on veut faire, aux utilisateurs et à la dynamique probable: page web statique? album photo en ligne? groupe de discussion? forum en ligne? blog? réseau social? Mais je ne crois pas que Facebook peut se substituer à tous ces outils.
(A suivre), probablement!
COMPLEMENT DE GUILLAUME LE 20.09 à 12h39: Pour ma part, j’en suis déjà sans en être complètement (encore). Si je me décide à y mettre du temps, à qui, à quoi vais-je soustraire ce temps? Au niveau du principe, de la technique et de l’aspect, l’entreprise m’est plutôt sympathique. J’ai un peu de peine avec ce qui semble une multitude de gadgets, mais probablement que je les appelle ainsi tant que je n’en ai pas profité.
COMPLEMENT DU 29.09 à 12h45: Un fascinant portrait du créateur et patron de Facebook, Mark Zuckerberg, 23 ans, dans le FT Weekend de ce matin. Et j’ai corrigé ci-dessus une confusion entre MySpace (le site racheté par Rupert Murdoch) et Facebook.
Notes
[1] Encore que, pour faire le lien, je suis allé voir, et ça a quand même l’air prenant…
[2] Un réseau virtuel à l’ancienne, qui repose sur la lecture de nos blogs respectifs, des rencontres occasionnelles (moi je n’en ai vu qu’un certain nombre, et une seule fois, les Parisiens se croisent plus souvent), des échanges de mail, des chats ou des conversations sur Skype et, je ne pense pas trahir un grand secret en en faisant état, un groupe Google).
[3] A cet égard Facebook devient le complément obligé de Google pour tout employeur (curieux à l’égard d’une candidature), journaliste ou autre fouineur.
[4] Voir comment, pour les moteurs de recherche, la suprématie alors détenue par AltaVista a été détrônée par Google.
[5] Dont il faudrait toutefois retrancher tous ceux qui se sont inscrits pour voir mais ne l’utilisent pas.
[6] Ce qu’il est facile d’oublier, avec le parasitage que cela engendre, avant même l’arrivée du spam, tant sous l’angle de l’aparté qui agace les autres destinataires que celui de l’individu qui répond comme s’il était le destinataire unique du message.
[7] Chacun fait ses essais: moi, j’ai bien quelque part un wiki personnel mais, tel un marteau en quête de clou, je suis toujours à la recherche du besoin qu’il me permettrait de satisfaire!
[8] Comme on le voit, il est encore un peu difficile de trouver des applications où l’Internet est seulement un outil, et non à la fois le moyen et la fin… sauf en matière de rencontres et de sexe, ce vrai moteur pédagogique du web, mais ce blog entend rester tous publics 😉 .
Si je puis me permettre, je pense que vous intellectualisez un peu trop la question. à€ mon sens, facebook n’est absolument pas fait pour se substituer à d’autres outils (page personelle, blogs, …); c’est juste un outil pour garder le contact, donner des nouvelles, etc, à des gens que l’on ne voit pas souvent, de manière plus spontanée que les mails de nouvelles périodiques. Et je trouve que les outils proposés par facebook (walls, notes, photos taguées, le tout avec des notifications aux amis) sont très adaptés pour cet usage. Bien sur, tout cela ne sert que si l’on a un large cercle de connaissances qui s’y mettent aussi. Les gadgets (applications stupides en tout genre) servent juste à s’amuser quand on a du temps à perdre. Les inconnus qui viennent vous importuner, ça arrive, mais on peut s’en prémunir assez largement via les paramètres de privauté (demander à ne pas être trouvable via une recherche, par exemple). Quant à la chronophagie, c’est vrai que les premiers jours on passe plein de temps à chercher ses amis et à explorer leurs pages, mais par la suite on se lasse vite, et l’on vient juste faire un tour une fois par jour voir les nouvelles.
Salut, en fait moi je suis par hasard depuis quelques temps sur Badoo et c’est exactement la même chose ! Blogs, photos, discussions… Cependant, Yhp, je pense que ces sites de « réseaux sociaux » ont beaucoup de succès car ils sont justement faits pour ceux qui ont la flemme de faire un blog totalement personnalisé.. ils entrent des informations-opinions personnelles via des photos, à souhait, et parlent aussi de leur vie. C’est comme un blog mais relativement plus facile d’accès pour le non-initié, à mon avis, d’où le succès..
Merci François pour ce billet de théoricien.
Je rejoins en bonne partie Yhp dans ses propos. Il faut prendre facebook pour ce qu’il est, et dans le genre, il est très réussi. Je n’ai jamais eu autant de plaisir à utiliser un outil de réseautique que celui-ci. Bien sûr, nombre de gadgets semblent complètement inutiles. J’aime pourtant bien les listes de favoris musicaux, ou les affichages des vidéos préférées.
La Tribune de Genève du 26 septembre 2007 livre une analyse plutôt pertinente de facebook et des possibilités du web 2.0 de rester en contact. Un quidam raconte que des facebookers connaissent son frère mieux que lui, grâce à son profil facebook.
On apprend aussi que facebook suscite les appétits de Microsoft et de Google… Ce que j’attends donc avec le plus d’angoisse est la tarification de ce genre de services, surtout si google ou microsoft rachètent ce produit…
Amitiés
Stéphane
qui parle de ce même sujet ici: http://www.helvete.ch/wp/2007/09/26/facebook-easy-going/
Trackback manuel: voir l’expérience d’Authueil.