Bockel, c’est autre chose
Je médite ce billet depuis deux jours, mais je vais pouvoir faire court car Hugues en a déjà écrit un bon bout: il s’agit de l’entrée dans le gouvernement Fillon du sénateur-maire socialiste de Mulhouse, Jean-Marie Bockel. Qui n’a pas simplement disjoncté comme Eric Besson, qui n’est pas seulement une individualité comme Kouchner ou les autres, mais qui fait (faisait) véritablement partie de la tribu: leader local et même leader idéologique, puisqu’il était aussi l’animateur du courant social-libéral au PS (qui avait présenté sa propre motion au congrès avant de se fondre dans la majorité).
Et c’est là où le fait que Bockel a cédé à la manoeuvre de Sarkozy fait mal: pour lui qui récolte un maroquin (plutôt minable, non? Secrétaire d’Etat, pas même ministre, et à la coopération, écartelée entre Kouchner et Hortefeux), que deviennent ceux qui lui ont fait confiance? En un mot comme en cent, il les abandonne. Une pensée amicale pour Réformisme & Rénovation (aussi ici): ceux qui ne quitteront pas, dégoûtés, l’action militante devront encore plus qu’avant se justifier de ne pas être les parias du parti. Il abandonne aussi celui-ci, renvoyé à ses démons[1]: « Bockel a toujours été de droite, les sociaux-libéraux ne sauraient être de gauche »… Sans parler de son équipe municipale. Quel gâchis!
A relire aussi cette réflexion de Verel: « mûrir dans sa tête ».
Notes
[1] Son attitude n’a rien du panache de la Bande Quatre quittant le parti travailliste pour aller fonder le SDP.
Maroquin qui ouvre cependant droit au régime extra-ordinaire de retraite des ministres : un atout qui peut permettre d’envisager sereinement de se consacrer essentiellement à la politique sans avoir à s’inquiéter pour ses vieux jours.
C’est marrant, je relis mon billet à cause du tien et je me dis qu’il est tout aussi possible de le voir comme une condamnation de la démarche de Bockel que comme un jugement indulgent. Mon idée de départ était le deuxième cas : lui offrir le bénéfice du doute en attendant de juger sur pièces. Mais en fait, l’ambiguité me convient. C’est ça, le fameux « trouble ».
Au contraire Passant, il s’est définitivement grillé et sa carrière politique risque désormais de se limiter à la mairie de Mulhouse, et encore, s’il arrive à la conserver.
L’Alsace est structurellement de Droite. Retrouver un siège de député est illusoire. Les sénateurs sont élus à la proportionnelle dans le haut-Rhin, avec seulement un siège pour la gauche, le reste à droite. Là encore, jamais Bockel ne se retrouvera tête de liste socialiste aux sénatoriales, pas plus qu’il n’aura de place éligible dans une liste de droite. Les contentieux locaux sont trop lourds.
Parler « d’abandon » me semble vraiment fort. C’est la gauche qui a abandonné Bockel et les militants socialistes qui en accordant moins de 1% des voix à sa motion ne lui ont au final pas laisser le choix. Il a déjeuner avec DSK, un des seuls espoirs pour nos idées sociales libérales et au final il a compris que le seul moyen de faire son rôle d’homme politique, d’agir pour transformer la France, c’était d’entrer dans un gouvernement qui veut changer la France. Les voix de gauche qui espèrent dans la voie sociale libérale, la seule a pouvoir ramener la gauche au pouvoir de façon durable doivent se réunir et se faire entendre, pour former une minorité qui « titille » le leadership annoncé de Mme Royal. Au travail! Cordialement,
http://mitterrand.2007.over-blog.com
Le plus incompréhensible c’est l’acceptation d’un Secrétariat d’Etat à la francophonie et à la coopération en concurrence en effet avec le codéveloppement d’Hortefeux (le rattachement des s.e. de ce gouvernement est étrange ainsi les « droits de l’homme » rattachés aux affaires étrangères sachant sans doute qu’il n’y a de problème dans ce domaine qu’à l’étranger). Un s.e. qui non seulement ne servira pas à grand chose mais encore est très éloigné des préoccupations habituelles de Bockel.
L’idée d’un « pôle de gauche » de la majorité présidentielle dont Bockel a également parlé parait en plus renouer avec l’unanimiste gaulliste, loin de toute idée de modernisation du débat démocratique.
Mais après tout tout le monde a le droit de changer d’avis. Simplement, quand on a reçu un mandat des électeurs sous une étiquette il serait de bonne éthique démocratique de le remettre en jeu (le siège de sénateur de Bockel n’est pas en cause pusiqu’il le laissera à son suppléant mais il me semble que cela vaut aussi pour les mandats locaux).
Au bout de quatre mandats de députés et un de sénateur, à mon avis il avait peu de soucis à se faire pour sa retraite…
Dans mon esprit, Authueil, il existe, surtout à gauche, des hommes politiques prétendant faire de la politique simplement en animant le débat public et en affrontant surtout pas le suffrage : l’exemple le plus célèbre est certainement Jacques Delors.
Bockel n’est pas un de ces fonctionnaires planqués qui tiennent tous les rênes du PS : sans la rente de situation que procure le statut de fonctionnaire, il sera toujours écrasé par ses concurrents fonctionnaires au PS. Regagnant sa liberté grâce à la pension des ministres, il pourra désormais équilibrer sa vie entre simplement devoir gagner sa vie par son métier et essayer de rester présent dans le débat public (ou interne au PS ou à la gauche) sans devoir s’inquiéter pour ses vieux jours.
Bonjour à toutes et tous,
Vous êtes dans le vrai et dans le faux, j’habite à Mulhouse, je suis Mulhousiens…
prétendre que Jean-marie est de gauche ferai hurler de rire n’importe lequel des Mulhousiens.
Les socialistes n’ont pas abandonnés et encore moins trahit Jean-marie BOCKEL, c’est Jean-marie BOCKEL qui à trahi les électeurs Mulhousiens qui lui avaient accordée leur confiance.
Le reste c’est de la politique politicienne, la même qui nous conduit depuis 2002 dans le mur !
C’est un peu gros de lire ça.
Sinon, pour nous cela ne change rien !
Cordialement.
Eric bloggeur Mulhousien
PS : « Casse ta tv » C’est ta seule chance !
http://monmulhouse.canalblog.com/
@Hugues: pas de malentendu, j’avais bien compris qu’il me restait un accent spécifique à ajouter! Les habitués de ce blog savent que j’ai mon indépendance, et celle-ci n’est pas incompatible avec le caractère collectif qu’implique toute action militante voulant dépasser la pose et l’incantation. Cela implique aussi l’acceptation d’un certain tribalisme, moi ca ne me viendrait pas à l’idée de quitter le PS dont je suis membre depuis plus de 35 ans, quels que soient les agacements qu’il me procure; et je n’y a pas (plus, en tout cas pour le moment) de responsabilités, contrairement à Bockel. Donc autant je trouve que tous les autres ont eu raison, n’ayant au fond rien à perdre à saisir une occasion de concrétiser leurs idées, chacun dans sa spécialité, autant je trouve que Bockel a eu tort car il fait perdre beaucoup de monde parmi ceux qui lui ont fait confiance; il ne facilite pas mais contribue à saboter la transformation du PS francais.
J’ajoute qu’il y a une illusion courante (particulièrement chez les centristes, voir la campagne présidentielle de Bayrou): croire qu’il est possible, souhaitable de rassembler sous un meme drapeau tous les gens « bien », « intelligents ». En réalité ce ne serait pas très malin de laisser tous les idiots de gauche, respectivement de droite, ensemble. La démocratie c’est aussi de savoir travailler avec ses adversaires politiques: un bon exemple c’est le tandem Lambert-Migaud sur la LOLF.
Une tribune de Gabriel Cohn-Bendit à ce sujet vendredi dernier. Je suis assez d’accord avec sa conclusion : « Tu fais la joie de tous les Mélenchon du monde, qui nous considèrent comme la passerelle vers la majorité actuelle. Or nous sommes un lieu d’opposition à cette majorité. »
Eh bien moi, qui l’ai suivi un temps à Gauche Moderne, j’approuve Bockel d’avoir fait le même chois que Kouchner et Besson. On ne peut plus attendre que le PS entende enfin raison et sorte de sa stratégie défensive de « garant des avantages acquis » – ceux des fonctionnaires et autres gagnants provisoires d’un système injuste et condamné. Ce parti n’est plus celui des couches ascendantes (enfants de l’immigration en quête de promotion), mais celui des planqués du système. La guerre des chefs qui le déchire en ce moment est un combat entre des gens qui sont tous issus de l’ENA, tous blancs, tous bourgeois, tous parisiens, tous membres de la même nomenklatura protégée des risques du chômage, de l’insécurité, de la vraie vie en somme. Non pas une bataille d’idées pour sa rénovation et sa mise à niveau. Pour moi, c’est bye bye PS.