Deux Palestine ou une grande?
La libération du journaliste Alan Johnston apporte un témoignage éloquent de l’efficacité du Hamas face au fractionnisme, et de son désir de faire de Gaza une vitrine de respectabilité contrastant avec la corruption et l’impuissance de l’Autorité palestinienne. Cette dernière ne s’exerce plus que sur l’autre des « territoires », la Cisjordanie, avec désormais son afflux de réfugiés politiques en fuite et ses représailles à l’égard des partisans locaux du Hamas (qui sont parfois des élus). Une de ces transformations du paysage à la fois inattendue et imparable, un de ces faits accomplis qui, s’il ne se dissout pas très vite, peut prendre racine et se développer. Mais l’éternité n’est jamais garantie: voyez la République démocratique allemande (qui elle aussi devait afficher une supériorité morale face à la RFA).
Mais ce n’est pas tant à cela que me faisait penser la proclamation du « Hamasland »: par la distance entre les deux territoires concernés elle me rappelait plutôt la manière dont le Pakistan oriental a proclamé son indépendance au début des années 70 pour devenir le Bengladesh; mais l’armée indienne avait alors joué un rôle décisif pour soutenir la rébellion de Mujibur Rahman, alors que ce n’est pas le cas d’Israël pour la séparation de Gaza et de la Cisjordanie. Qui renvoie peut-être, en réalité, bien davantage à un autre précédent: la fuite de Tchang Kai-tchek et du Kuomintang vers l’île de Formose devant l’avance communiste sur le continent. Dans deux ans cela fera 60 ans que la Chine populaire et Taiwan se regardent en chiens de faïence. L’austère régime communiste (pas tant que ça pour tout le monde, comme on le sait) a évolué vers un capitalisme de parti unique qui ne saurait durer tandis que le régime nationaliste s’est transformée en vraie démocratie moderne.
A se demander si, tant qu’à faire, ne va pas ressurgir un cas de figure prêté à Golda Meïr: le rattachement des Palestiniens[1] non pas aux seuls « Territoires », respectivement égyptien et jordanien jusqu’à la guerre de 1967, mais à la Jordanie dont ils composent apparemment la majorité de la population, qui y gagnerait, si je puis dire, un accès à la Méditerranée. Tony Blair n’a certainement pas hérité une sinécure avec le job de représentant du Quartet sur place!
Notes
[1] Dont l’opération de l’armée libanaise en cours rappelle incidemment que, près de 60 après la proclamation de l’Etat d’Israël au cours d’une partition inachevée par défaut, ils sont toujours traités en réfugiés en transit par les pays riverains, ce qui assure aussi une raison d’être à une bureaucratie onusienne locale.