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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Brown moins bon que Sarko

On peut maintenant comparer les deux transitions, comme on dit en américain, celle de l’administration Chirac(-Villepin) à  l’administration Sarkozy(-Fillon), en France, et celle de l’administration Blair à  l’administration Brown au Royaume-Uni. Car dans les deux cas on est en présence d’une relève de l’équipe au pouvoir à  l’intérieur du même camp, après respectivement 5 ans[1] et 10 ans.

Qu’il s’agisse du fond comme de la forme, il me semble que Sarko a pris un bien meilleur départ que Brown. Certes la « rupture » avec Chirac (dont la vacuité du bilan, comparé à  Blair, paraît évidente, l’Irak tenant lieu chez l’un de seul élément positif et chez l’autre de seul élément négatif) était facile et indispensable alors que Brown a la mission plus délicate de s’appuyer sur un acquis en amenant du neuf pour incarner un second souffle. La comparaison des deux gouvernements est significative: dans les deux cas il y a quelques tentatives intéressantes de bousculer les blocages administratifs, sans qu’on puisse dire encore si on ira jusqu’au bout; mais parité du cabinet en France, féminisation en régression au Royaume-Uni[2], un jeu de chaises musicales un peu incertain à  Londres[3], des nominations emblématiques à  Paris, où les « coups » politiques ont été réels en nombre et en qualité alors qu’ils se limitent à  quelques pétards mouillés de l’autre côté de la Tamise.

Pas de quoi effacer en tout cas la chorégraphie parfaitement réussie du départ de Blair, du discours dans sa circonscription le 10 mai pour annoncer son retrait jusqu’à  celui du 27 juin (même lieu, même public) pour annoncer sa démission du parlement[4] en passant par la tournée d’adieux, le G8, le Conseil européen et la résolution de la crise institutionnelle[5], la standing ovation à  la Chambre des Communes et ce nouveau défi de représentant du Quartet pour la paix au Proche-Orient… La suite sur www.tonyblairoffice.org!

COMPLEMENT DU 06.07 à  22h15: Pour mémoire je n’écrirais plus comme ça ce billet. Car si j’étais bien, comme en France, après la deuxième vague des nominations, j’oubliais qu’au Royaume-Uni il y en a une troisième: au total relèvent du premier ministre 108 personnes (lu l’autre jour), ou 93 (le Telegraph d’aujourd’hui). Et là  Gordon a réussi de meilleurs « coups »: imaginez Royal nommant ministre un ancien dirigeant du patronat[6]. Ce qui accentue encore le parallèle avec Sarko: les deux sont déterminés à  occuper la totalité du champ politique, à  asphyxier l’opposition par leurs initiatives et leurs manoeuvres de séduction individuelle. Provoquant, logiquement, la même réaction: certains travaillistes maugréent comme à  l’UMP. Brown a par ailleurs lancé un chantier de réforme institutionnelle parfaitement dans l’esprit modernisateur de la troisième voie, et sa réponse aux attentats de la semaine dernière a été impeccable: différente sur la forme (ni prêche, ni messianisme) mais tout aussi ferme sur le fond (en soulignant l’ampleur de la menace et de la réponse diversifiée à  lui apporter en comparant la situation à  la guerre froide): il est parti pour faire voter le solde du renforcement des pouvoirs d’enquête de la police sur lequel Blair avait été contraint d’accepter un compromis.

Notes

[1] Puisqu’on ne peut pas raisonnablement imputer à  Chirac les 5 ans du gouvernement Jospin qui furent la meilleure partie de ses 12 ans de présidence…

[2] Dans les deux pays une femme dirige désormais le ministère de l’intérieur, mais je ne vois pas d’équivalent de Rachida Dati dans le gouvernement Brown (où certes c’est le fait qu’il n’y a plus qu’une ministre émanant d’une « minorité visible » qui est relevé).

[3] Même si c’est évidemment une bonne chose qu’il n’y ait pas eu de chasse aux blairistes.

[4] Très inhabituelle pour ne pas dire jamais vue dans les annales britanniques, mais tout à  fait conforme avec la rupture radicale que Blair représente personnellement dans la classe politique du royaume, dont Brown est lui un parfait spécimen.

[5] Le projet de nouveau traité s’ajoutant à  tous les autres a tout du compromis laborieux, mais il ne fait que remplacer un traité constitutionnel qui aurait lui aussi eu bien des défauts s’il était entré en vigueur (et aurait certainement été plus difficile à  faire évoluer par la suite). Il est évidemment d’une drôlerie irrésistible de voir le même (projet de) texte présenté, de retour dans leur capitale, par les uns comme très différent et par les autres comme substantiellement identique au traité constitutionnel…

[6] Pour autant que cela ne se termine pas comme Léon Schwartzenberg sous Rocard, car Digby Jones n’a pas la langue dans sa poche.