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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Crises et scandales

Je ruminais depuis des semaines un billet comparant les scandales liés au financement des partis politiques en Grande-Bretagne en France et en Allemagne. Le but était évidemment de mettre en perspective l’image donnée par la presse suisse ou française, très négative pour Blair et le parti travailliste, de l’affaire des « prêts secrets » qui seraient récompensés par une nomination à  la Chambre des Lords, survenant juste après l’embarras de la ministre de la culture, Tessa Jowell, face aux démêlés de son affairiste de mari avec la justice italienne, en relation avec Berlusconi. Ca n’était pas bien difficile: d’une part, les deux autres partis ne font pas meilleure figure, les Conservateurs parce qu’ils ont aussi utilisé l’astuce des prêts (qui n’étaient jusqu’à  présent pas soumis aux règles sur la publicité du financement des partis) pour gonfler leurs dépenses de campagne, les Libéraux parce qu’ils ont recouru à  des dons en provenance de l’étranger qui sont interdits par la législation, et que les nominations de bienfaiteurs au nombre des Lords à  la discrétion des partis ne sont pas une nouveauté et n’ont rien à  voir avec de l’achat de charge (il n’y a rien de tangible à  tirer).

A ce stade, cela rappelle certes le scandale français passé du financement clandestin de tous les principaux partis (et pas seulement le RPR et le PS) par des dessous de table à  l’occasion de l’attribution de marchés publics. Mais la grande différence, c’est qu’en France il y a des lésés (les contribuables, qui paient plus chers les marchés attribués pour créer la marge rétrocédée aux politiciens), mais pas au Royaume-Uni où l’argent provient de donations strictement volontaires provenant d’individus fortunés.

Et pour être complet je me proposais de rappeler le scandale autrement plus considérable du financement de la CDU d’Helmut Kohl par François Mitterrand afin d’être sûr qu’il batte le parti frère du SPD, ce qui combine détournement de fonds et ingérence d’une puissance étrangère dans les affaires politiques internes d’un Etat souverain.

Mais tout cela est oublié depuis longtemps, remplacé cette semaine par deux nouvelles affaires:

  • Un cas classique de dysfonctionnement dans la gestion qui pose la question de la responsabilité politique: en l’occurrence, la découverte que les services pénitentiaires n’ont pas assuré le service après-vente pour un millier de détenus étrangers, relâchés en Grande-Bretagne et sans suivi alors qu’ils étaient passibles de mesures administratives d’expulsion du territoire. En bonne théorie parlementaire, il convient que le ministre démissionne, et c’est la question qui est posée pour Charles Clarke. Mais c’est surtout satisfaisant à  titre de leçon édifiante d’éducation civique, en fournissant un exutoire. Qui présente l’avantage d’éviter de s’interroger sur la responsabilité, aux différents niveaux de la chaîne, de l’encadrement de fonctionnaires chargés de gérer cette activité, et des sanctions qui seront (ou ne seront pas, justement) prises à  l’égard de la violation évidentes de leurs devoirs de service.
  • Un cas plus typiquement britannique de mise en cause d’un politicien pour des faits relevant de sa vie privée (je ne crois pas qu’on en connaisse l’équivalent en France ou en Suisse): la révélation que le vice-premier ministre, John Prescott, a eu à  l’insu de sa femme une liaison de quelque deux ans avec l’une de ses secrétaires (publication de photos plutôt charmantes du happy couple à  l’appui). Après le divorce par téléphone de Robin Cook en vue de régulariser sa liaison avec la sienne et conserver son maroquin, après la séparation des époux Jowell, c’est au moins le troisième couple ministériel de l’ère Blair que le pouvoir met durement à  l’épreuve.

Il n’est au surplus pas totalement indifférent que tant Clarke que Prescott sont des piliers cruciaux du gouvernement, notamment (mais de loin pas seulement) par rapport aux visées de Gordon Brown. Et qu’il y a des élections municipales en Angleterre dans une semaine…

J’étais ces derniers jours à  Genève où l’on se lamentait der la fin d’une « exception suisse » permettant aux membres du gouvernement fédéral de mener une vie civile normale et sans souci, en raison de la publication par le Blick de photos de vacances (parfaitement honorables, au demeurant) du président de la Confédération, Moritz Leuenberger, prises par un concitoyen qui l’avait reconnu… On a les scoops qu’on peut!

COMPLEMENT DU 28.04 à  21h: L’affaire Villepin-Sarkozy dans le dossier Clearstream, en France, vient opportunément illustrer ce qu’est vraiment un scandale de fin de règne…

7 commentaires

  1. 28 avril 2006

    Pour une superbe vision romancée de ces fresques politico-sexuelles, je ne peux que recommander la lecture du « Closed Circle », dont j’avais brièvement parlé ici.

    A part cela, en Suisse ces jours, ce sont plutôt des affaires de détournement de frais qui défrayent la chronique : à  l’Uni de Genève, au CHUV, plus aujourd’hui un chef de service vaudois…

  2. 28 avril 2006

    En matière de morale publique, le record toutes catégories est à  ma connaissance Saint-Marin : l’an dernier, le ministre de l’Intérieur avait dû démissionner pour avoir fait sauter un PV. Sur l’histoire d’Elf et de la campagne de 94, on a des éléments sérieux? Ma question est vraiment naïve : je n’ai jamais vu sur le sujet que des rumeurs. Mais je n’ai pas cherché non plus à  m’informer particulièrement.

  3. Yeti
    28 avril 2006

    Une réflexion anglaise sur ces étrangers relâchés…

  4. 28 avril 2006

    Par chez nous, on aurait tout de même du mal à  se passionner pour une affaire du genre Prescott. Un ministre qui couche avec sa secrétaire, franchement, qui cela peut-il intéresser à  part sa femme ?

    Je crois que les Anglais ont un problème spécifique avec ça. Mais il faut dire qu’ils ont moins souvent l’occasion de faire la révolution ou de manifester : il faut bien qu’ils s’occupent à  quelque chose.

  5. @OldLabour: Que je sache, Kohl, contrairement à  Mitterrand (ne serait-ce qu’à  titre posthume), y a laissé des plumes…

    @Hugues: En effet, les attitudes sont à  front renversé: les Français font des scandales denses et complexes, du Masque de fer à  Clearstream en passant par l’affaire Markovic, qu’on croirait écrit par un Le Carré, et les Anglais font du vaudeville bien rigolo, de Blunkett à  Prescott…

  6. @Yeti: merci pour la référence au Magistrate’s Blog, qui renvoie de surcroît à  toute une série d’autres blogs de professionnels de la loi et de l’ordre fort intéressants!

  7. Yeti
    1 mai 2006

    Blog découvert par une lecture assidue de Maitre Eolas of course…

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