La pensée court-circuitée
Cette fois, je me trouve définitivement confirmé dans mes intentions d’éviter le plus possible l’emploi de la locution politiquement correct et ses dérivés – si tentante, si pertinente semble-t-elle, envers et contre tout. L’éviter par snobisme probablement (qui se targue d’en être exempt me jette le premier galet), mais surtout par exaspération devant le prêt-à -penser d’une formule qu’on retrouve dans des discours d’intentions apparemment opposées. Le dernier exemple flagrant, déconcertant plus qu’exaspérant, c’est à propos du film »Delwende – Lève-toi et marche » de S. Pierre Yaméogo. Ce matin, le chroniqueur de la Radio Suisse Romande recommande le film notamment parce qu’il est politiquement incorrect, puisqu’il dénonce des aspects obscurantistes et inhumains d’une tradition africaine (en l’occurrence ça se passe au Burkina Faso, qui a passé pour un modèle de révolution respectueuse de la tradition): il s’agit de femmes accusées de sorcellerie qui finissent dans des mouroirs de la capitale.
Or, aujourd’hui (hier dans l’édition en ligne) dans le Temps, un des critiques cinéma écrit
« Film à thèse, « Delwende »» a le mérite de dénoncer la condition de la femme en Afrique noire et les traditions-superstitions instaurées par un ordre patriarcal. Cinématographiquement parlant, on en reste par contre au b.a.-ba: image DV délavée, dialogues naïfs, absence d’ellipses alors qu’on a tout compris depuis longtemps, etc. Cinéaste peu inspiré, le Burkinabé S. Pierre Yaméogo (« Moi et mon blanc ») ne fait décoller son film qu’avec les terribles images documentaires des mouroirs pour vieilles « sorcières » de la capitale. Sinon son film, très généreusement sélectionné à Cannes, ne présente guère d’intérêt pour un regard européen — et tant pis pour le politiquement correct, qui voudrait bien sûr qu’on affirme le contraire. »
Dénoncer ou ne pas dénoncer une réalité sociale, critiquer ou ne pas critiquer la tradition des anciennes colonies – le débat est trop complexe, trop piégé à la base pour être piégé par des formules qui court-circuitent la pensée. Orwell, réveille-toi!
disons que c’est une ponctuation