ONU, UE, même combat?
Ce n’est encore qu’un deuxième rapport intermédiaire (144 pages, fichier PDF), mais la crédibilité de l’ONU en général et de Kofi Annan en particulier ne sort pas grandie des travaux de la commission Volcker: trois ans d’archives détruites sur l’ordre du principal collaborateur d’Annan dès le lendemain de la décision de constituer la commission, des rencontres entre Kofi Annan et son fils ou d’autres personnes-clé du dossier qui apparaissent alors que le secrétaire général n’en a pas fait état devant la commission, la Cotecna qui dissimule les paiements à Kojo Annan comme s’ils étaient compromettants alors qu’officiellement ils ne le sont nullement… Rappelons que le scandale des détournements du fonds « Pétrole contre nourriture » est un volet de la manière dont des sanctions décidées par le Conseil de sécurité contre le régime de Saddam ont été retournées au point de servir à ce dernier à resserrer son pouvoir à l’intérieur et, à l’extérieur, à favoriser des divisions favorables à la levée des sanctions (lire Roger L. Simon pour les détails).
Comme le souligne Ludovic Monnerat, cette affaire s’inscrit dans une série noire pour l’organisation en terme d’inefficacité et de manque de professionnalisme, des abus sexuels qui accompagnent de manière endémique les interventions de Casques bleus à la bousculade indécente autour des victimes du tsunami, des pantomines de la Commission des droits de l’homme aux membres peu recommandables en passant par le Rwanda, le Darfour voire l’enlisement en Bosnie.
L’ONU comme l’Union européenne sont des organisations internationales, mais aussi davantage que cela en raison de la nature profondément politique de leur but et de leur fonctionnement (même si l’ONU n’est pas le gouvernement mondial qu’elle voudrait être, et qui n’est pas souhaitable tant que la démocratie n’est pas universelle, et l’UE n’est pas encore l’Etat fédéral qu’on peut espérer — pour autant que ses compétences propres soient précisément définies et contrôlées). C’est bien sûr une difficulté supplémentaire pour le Secrétariat général qui, comme la Commission, a un rôle éminent, toujours sur le front, est susceptible de prendre des initiatives et est supposé incarner un intérêt général dépassant celui des Etats membres individuellement, mais leur est en même temps soumis. On peut poursuivre l’analogie avec la démission de la Commission Santer, la difficulté de réformer, jusqu’à la manière dont, de Chirac à Schröder, certains dirigeants nationaux parviennent à plier l’Union à leurs visées unilatérales… Mais comme l’ONU et le « droit international », l’UE devrait au fond échapper à toute analyse et toute critique, placée sur un piédestal champignacien tressé par exemple par Raffarin. Pour l’Europe, on verra bien, notamment le 29 mai. Mais pour l’ONU, Kofi Annan ne rend pas service à la communauté internationale en s’accrochant à son poste à un moment aussi crucial.