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Référendum sur l’UE: l’objet et la question

Comment un pays peut-il ou doit-il organiser un référendum? Le problème ne se pose pas que pour le Royaume-Uni

Atmosphère des grands jours à  la Chambre des Communes: on y débat de 16h30 à  22h d’une motion réclamant un référendum sur la participation britannique à  l’UE, qui sera massivement rejetée. L’actualité veut que ce point soit précédé à  15h30 du traditionnel (dans le Parlement britannique, tout au moins!) compte-rendu du Sommet européen, y compris un bref débat. Il n’y a aucun suspense sur le résultat, le gouvernement comme l’opposition ayant décidé qu’un vote favorable serait un acte d’indiscipline, mais le débat devrait être riche et, côté conservateurs, c’est un test de l’autorité du premier ministre et de la division du parti.

Cette motion relève d’une catégorie particulière d’objets parlementaires: ce n’est une proposition ni du gouvernement ni de l’opposition, ce n’est pas non plus le fruit du travail d’une commission. Elle émane de députés de base et s’est vue allouer une case dans l’ordre du jour à  la suite d’une institution informelle qui remonte déjà  au gouvernement de Tony Blair: la possibilité de présenter, via le portail Internet du gouvernement, une « pétition électronique », ouverte ensuite à  l’adhésion des internautes. C’était au départ une forme de sondage pour faire émerger les questions qui préoccupent l’opinion[1], il a fallu que Cameron surenchérisse et décide que toutes celles qui recueilleraient plus de 100’000 signatures seraient transmises au Parlement pour être considérées dignes d’un débat: ainsi en a-t-il été de la pétition réclamant un référendum sur l’UE.

La motion destinée à  lui donner suite, proposée par des députés conservateurs mais aussi travaillistes, a la teneur suivante:

NATIONAL REFERENDUM ON THE EUROPEAN UNION

That this House calls upon the Government to introduce a Bill in the next session of Parliament to provide for the holding of a national referendum on whether the United Kingdom should
a. remain a member of the European Union on the current terms;
b. leave the European Union; or
c. re-negotiate the terms of its membership in order to create a new relationship based on trade and co-operation.

L’opposition du gouvernement est fondée à  la fois sur des raisons d’autorité (et de pacification au sein de la coalition, les libéraux-démocrates de Nick Clegg étant eux essentiellement europhiles; les deux partis sont convenus qu’il n’y aurait pas de vague pendant la durée de la législature), des raisons de pure opportunité (vraiment pas le moment avec la triple crise de l’euro, de la dette publique et de la situation économique) et des raisons de fond: quitter l’UE n’est pas une option acceptable et un mandat de renégociation unilatéral non plus; le gouvernement s’est en revanche engagé à  faire adopter une loi soumettant par avance tout futur transfert de compétence à  un référendum et cela doit suffire. Et Cameron soulignera qu’en sens inverse il compte bien utiliser les ajustements et réformes des traités qui se préparent pour des transferts dans l’autre sens: obtenir que les Etats (ou en tout cas le Royaume-Uni) récupèrent des compétences précédemment transférées aux organes de l’UE.

Du point de vue du juriste suisse, habitué de surcroît à  la démocratie directe, ce que les médias britanniques présentent comme un référendum en trois questions ressemble bien davantage au vote sur une proposition (quitter l’UE: oui/non) et un contreprojet (renégocier: oui/non)[2]: le maintien du statu quo quant à  lui n’est pas tant une question distincte que le résultat d’un rejet tant de la proposition que du contreprojet. Cette forme de vote est celle qui s’applique en Suisse à  une initiative populaire (la proposition principale) que le Parlement a décidé non d’accepter (ce qui est évidemment paradoxal car alors pourquoi la proposition n’émane-t-elle pas directement du Parlement?[3]), non de combattre sèchement, mais de lui opposer un projet de son crû en invitant le peuple à  se déterminer.

Pendant longtemps, ce type de votation populaire restait critiquable car le statu quo était favorisé ou le résultat insatisfaisant: soit l’électeur avait l’interdiction de voter deux fois oui (ce qui divisait les partisans du changement) soit, régime alors appliqué dans certains cantons, il était autorisé et si les deux objets étaient approuvés c’était celui qui avait le plus de oui qui entrait en vigueur, mais cela pose aussi un problème de logique et d’équité. Jusqu’à  ce qu’un des rares cas ou une démonstration purement scientifique a convaincu les politiciens, les médias et l’opinion et qu’une nouvelle procédure soit introduite (par votation populaire, en 1987, évidemment) tant au niveau national que dans les cantons: les frères Haab, l’un mathématicien et l’autre juriste, ont montré dans des travaux universitaires qu’il était préférable d’ajouter une question subsidiaire, ce qui permet l’expression la plus complète et la plus fidèle de l’opinion de l’électeur individuel comme de l’électorat dans son ensemble. En l’occurrence cela donnerait:

1. Voulez-vous quitter l’UE? oui / non
2. Voulez-vous renégocier le statut de membre de l’UE du Royaume Uni? oui / non
3. Au cas où les deux propositions sont adoptées, laquelle préférez-vous: 1 / 2

  • L’Europhile votera non, non et, pour le cas où son point de vue ne l’emporterait pas, il choisira pour la question subsidiaire ce qui lui paraîtra le moindre mal: 2[4]
  • L’Europhobe votera oui, non et 1
  • L’Eurosceptique pragmatique votera non, oui et 2

Mais ce à  quoi je veux surtout en venir, c’est qu’il faut cesser d’improviser une procédure de manière opportuniste, en décidant dans le feu de l’action de tenir un référendum ou non, et d’en déterminer les modalités au cas par cas. A cet égard la loi décidée par la coalition va dans le bon sens mais laisse encore ouverte la possibilité qu’une révision d’un traité ne soit pas soumise au peuple non parce qu’elle serait purement formelle ou procédurale mais parce qu’on craint le rejet[5]. C’est dans le traité européen lui-même que les Etats membres devraient convenir de soumettre toute révision au référendum, le même jour dans toute l’Union, la révision n’entrant en vigueur que si tous les Etats membres l’approuvent.

Notes

[1] Et évidemment montrer que les politiciens sont à  l’écoute, mais il y a aussi une perspective moins cynique: montrer au gouvernement sur quels points il doit renforcer soit son action soit au moins sa communication.

[2] Ou l’inverse, après tout: proposition principale, renégocier, contreprojet, quitter l’UE.

[3] Le cas s’est produit pour l’adhésion de la Suisse à  l’ONU, après que le peuple a refusé une première tentative.

[4] Mais il peut aussi préférer la politique du pire, ou alors pousser l’abnégation jusqu’à  vouloir éviter une telle complication à  l’UE, et choisir 1!

[5] Il est aussi délicat et dangereux de devoir interpréter le contenu d’une modification: je vois d’ici un gouvernement estimer que tel révision du traité n’a pas à  être soumise au référendum car les avantages (les compétences éventuellement récupérées) l’emportent sur les inconvénients….