Une élection particulière
Une nouvelle collection d’affiches[1] pour une élection assez rare dans le canton de Genève: un duel entre deux personnes, tout simplement. Et pour une fonction qui nous change des traditionnelles élections législatives ou exécutives, puisqu’il s’agit de celle de procureur général. A Genève[2], celui-ci n’est pas seulement le patron du ministère public (et donc de la police judiciaire), mais il est le premier magistrat du pouvoir judiciaire dans ses rapports avec le gouvernement et le parlement avec lesquels il doit nécessairement collaborer pour le budget et les infrastructures, d’une part, la législation organique et de procédure cantonale (ou d’application cantonale de la législation fédérale, comme tout particulièrement dans les années qui viennent avec la disparition des juges d’instruction), d’autre part.
Le résultat est tombé en début d’après-midi: le procureur général sortant, le radical Daniel Zappelli, soutenu d’une part par les trois partis de l’entente de droite traditionnelle mais aussi par l’UDC, a été réélu avec 58% des suffrages contre 42% au socialiste François Paychère, juge sortant au Tribunal administratif soutenu par toute la gauche et une série d’associations. Paychère se retrouve dès lors juge à la Cour de Justice où il a été élu tacitement. Zappelli fait un bien meilleur résultat qu’en 2002 face à Jean-Bernard Waeber (aucun des deux n’était alors sortant).
C’est une particularité genevoise que l’élection du pouvoir judiciaire par le peuple: dans d’autres cantons les magistrats sont désignés par le gouvernement, par le parlement, par cooptation ou selon une combinaison de ces moyens. Mais la chose ne se produit que rarement: elle est exclue en cas d’élection tacite (cas de toutes les autres juridictions, totalisant 250 élu-e-s). Et elle n’est possible qu’au moment de l’élection générale (tous les 6 ans), les élections partielles en cours de mandat étant du ressort du parlement. Dans la pratique, c’est une commission judiciaire interpartis qui prépare le terrain de manière à ne mécontenter personne en veillant à une relative proportionnalité entre les partis représentés au parlement, filtre les candidats à l’entrée dans la magistrature (en général avocats) et organise la rotation dans les différentes fonctions au gré des vacances et des désirs des uns et des autres.
Une campagne autour d’une telle fonction est (encore) empreinte d’une certaine retenue (voir le dossier des articles du quotidien local, la Tribune de Genève), que l’on retrouve dans le caractère passablement conventionnel des affiches: dans la tradition des affichistes bédéastes genevois, celle d’Exem pour Paychère mérite toutefois l’attention des collectionneurs. Les candidats avaient néanmoins les incontournables sites (Zappelli, Paychère), et le challenger a même tenu un vrai blog.
J’adore l’affiche pour Paychère, on identifie au moins trois univers issus de la BD. Chez nous, les affiches sont totalement dénuées d’humour, dommage…