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D’Hannelore Kohl à  Chantal Sébire

Le dernier épisode français d’un débat sociétal récurrent en Occident m’a rappelé le cas de l’épouse de l’ancien chancelier allemand Helmut Kohl. Comme Chantal Sébire, elle était atteinte d’une maladie « orpheline » évolutive qui l’isolait socialement: allergie à  la lumière du jour plutôt que destruction du visage. De la même manière, elle souffrait affreusement, sans possibilité de traitement. Ainsi qu’elle l’avait clairement manifesté préalablement, Hannelore Kohl s’est isolée pour se suicider par surdose de médicaments, laissant des lettres à  sa famille.

L’Allemande a exercé sa liberté personnelle de mettre fin à  ses jours[1]. La Française revendique, avec fougue pour le Journal télévisé puis devant la justice, un hypothétique droit individuel à  ce que l’on mette fin à  ses jours. De quoi méditer à  n’en plus finir sur l’érosion de la responsabilité individuelle et la fascination envers le pouvoir étatique, médicalisé de préférence. A côté de ma sympathie pour la souffrance physique et morale de cette femme qui veut en finir mais ne voit pas comment s’y résoudre par elle-même (ou ne trouve pas cela « digne »), je conjure une vision plus caustique: Super Sarko lui tenant la main pendant qu’on lui injecte une solution portant la marque du Service Public, comme si c’était une garantie absolue de qualité par rapport au risque, certes réel, du suicide raté.

Cela n’a pas grand chose à  voir avec l’euthanasie, qui est le fait de donner activement la mort à  titre compassionnel[2]. Dont le droit positif ou la jurisprudence peuvent déduire, ou non, des conséquences variées (de l’absence de poursuite à  une condamnation à  une peine réduite), en stipulant des conditions variables pour les éléments justificatifs[3] (existence d’une déclaration préalable de volonté, exercice médicalisé etc.), pour les cas qui sont identifiés comme tel: comme pour bien d’autres comportements, il y a ici un « chiffre noir » difficile à  évaluer d’actes non répertoriés, accomplis par exemple sur un champ de bataille ou dans des service hospitaliers. En Suisse, c’est l’article 114 du code pénal:

Meurtre sur la demande de la victime
Celui qui, cédant à  un mobile honorable, notamment à  la pitié, aura donné la mort à  une personne sur la demande sérieuse et instante de celle-ci sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Ce que Chantal Sébire demande, manifestement, c’est une assistance au suicide du type de celle qui, en Suisse, est pratiquée de manière bien établie dans le cadre d’associations et qui, pour l’une d’elle à  Zurich, s’exerce également au bénéfice de personnes venues de l’étranger. Au demeurant, cela ne résulte que de l’interprétation a contrario de l’article 115 CPS, qui criminalise bel et bien l’incitation et l’assistance au suicide:

Incitation et assistance au suicide
Celui qui, poussé par un mobile égoïste, aura incité une personne au suicide, ou lui aura prêté assistance en vue du suicide, sera, si le suicide a été consommé ou tenté, puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Tout est dans le « poussé par un mobile égoïste »… L’action d’Exit – Association pour le droit de mourir dans la dignité ou celle, plus controversée[4], de Dignitas, a en tout cas permis l’éclosion de rituels pré-funéraires, en quelque sorte, entourant la personne au moment où elle prend, elle-même, les comprimés ou autre liquide destinés à  assurer un décès sans souffrance. Ces rituels sont parfois familiaux[5], parfois destinés à  contourner les contraintes du grand âge[6]. Ils évitent l’écueil de la solitude et pallient l’insupportable contrainte d’avoir à  se cacher de peur d’être « pris en faute » qui entachent le suicide: que l’on songe à  Claire Quillot, interrompue dans son suicide conjoint avec son mari Roger, puis quelques années plus tard empêchée de se suicider par les gendarmes à  qui une « amie » avait dénoncé son intention, avant d’y parvenir le lendemain.

On l’aura compris, ce billet n’évoque que le suicide de fin de vie décidée de manière aussi libre, rationnelle et sereine qu’il est possible, pas le suicide comme seule porte de sortie imaginée à  une situation de contrainte ou de désespoir tel qu’il peut frapper des personnes de tous âges, d’ados confrontés à  leur homosexualité au Dr David Kelly ou au chef de la police de Manchester!

A lire aussi sur ce blog: Après la médicalisation de la mort naturelle, celle du suicide?

A lire ailleurs:

Notes

[1] Je garde le souvenir vivace d’un éditorial de Françoise Giroud dans L’Express saluant la décision du professeur Antoine Lacassagne de se suicider (1971).

[2] Et encore moins avec la problématique de l’interruption du traitement de patients en état végétatif.

[3] Avec la certitude de créer de nouveaux cas limites…

[4] Il y a un moment ou le prosélytisme enthousiaste confine au mobile égoïste!

[5] Je songe au cas très public d’un ancien homme politique genevois, père d’un ami.

[6] je songe au cas d’une professeure que j’ai eue, que ses compagnons d’Exit ont dû préalablement sortir de son établissement médico-social pour l’installer dans une chambre d’hôtel; il est actuellement question que des établissements reconnaissent le droit de leurs résidents à  se suicider dans leurs murs.

Un commentaire

  1. 21 mars 2008

    Cher François Brutsch,

    Merci de m’avoir renvoyé à  votre article, qui est un résumé parfait et juridique de la situation dans les fins de vie les plus diverses.

    Vous avez certainement raison sur toute la ligne, mais mon propos n’est en aucun cas juridique, car je ne suis pas en état de répondre sur ce plan.

    Ma réaction a plutôt été celle de l’étonnement d’apprendre qu’il n’y a que quatre pays (en Europe) qui ont instauré une aide à  la mort, (Hollande, Suisse et 2 autres pays du Nord), si je ne me trompe pas.

    Ma pensée allait dans un style 1er degré épidermique vers cette dame, qui a sans conteste dû souffrir horriblement dans sa tête et dans ses tripes.

    Elle demande de l’aide, et on la lui refuse.

    Soit.

    Mais les auteurs du refus se sont-ils donnés la peine de voir cette dame physiquement ? L’ont-ils entendue à  travers autre chose qu’une imprimante?

    Je ne sais pas comment ils auraient réagi, si ils l’avaient conviée, lui avaient parlé, pour faire le tri entre une attitude intègre à  100%, – ce que je crois – ou une attitude « people » à  n’importe quel prix, ce que je ne crois pas. Mais je pense que, si ils ne l’ont pas vue personnellement, ils ont pris des décisions sur dossier pour une cause « sur tapis », pas rouge du tout.Vos explications me satisfont pleinement, mais, et vous l’avez laissé entendre en fin de votre article, je revendique le droit à  une opinion peut-être pas juridique, ni scientifique, mais fondée sur la question toute simple: « Si c’était moi qui était dans son cas, que ferais-je? » Probablement que je demanderais le même appuii de la collectivité pour m’aider à  mourir.

    Je ne suis pas sûr que Madame Sébire aie voulu faire du sensationnel. Je crois qu’elle voulait mobiliser les gens, en particulier Français, sur une question très délicate.

    Je reviendrai vous lire, car vous êtes comme d’habitude, à  la pointe de la réflexion bien établie et fondée.

    Amitiés Ph Joye.

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