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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

L’autopartage au carrefour de trois cultures socio-économiques

L’autopartage, c’est le fait pour un véhicule d’être rattaché à  une organisation et mis à  disposition de ses membres en fonction de leurs besoins, plutôt que de servir au seul usage d’une personne ou d’un ménage. Et si la voiture est encore un symbole de la société moderne, ses modes d’utilisation sont également représentatifs de profondes différences dans les approches économiques et politiques. La manière dont l’autopartage se met en place dans différents pays permet d’illustrer une typologie qui m’est chère.

  • Le modèle communautaire

Avec Mobility, la Suisse a l’organisation d’autopartage la plus importante d’Europe: plus de 2’500 véhicules sont à  disposition sur plus de 1’000 emplacements (en particulier dans toutes les localités de plus de 10’000 habitants). Pour présenter tous les attributs de l’entreprise de service professionnelle et branchée (elle exporte et vend son savoir-faire), ce n’en est pas moins une société coopérative, même si ses véhicules sont aujourd’hui également à  la disposition de clients non sociétaires. Elle trouve son origine dans la fusion de deux coopératives historiques qui, elles, étaient franchement alternatives et anti-consommation: elles ont démarré il y a 20 ans avec chacune un véhicule et, respectivement, 8 et 17 membres! C’est la preuve par l’acte.

  • Le modèle marchand

Au Royaume-Uni, c’est l’esprit d’entreprise au sens commerçant du terme qui est le moteur de la création d’organisations d’autopartage: on y arrive par analyse rationnelle de quel pourrait bien être le créneau porteur après ses études de MBA, et l’on vise l’entrée en bourse qui matérialisera le succès pour les fondateurs. C’est la preuve par le profit (voir ce dossier très complet et passionnant dans le FTmagazine de ce samedi[1]).

  • Le modèle étatique

En France, on est cartésien et pas baba/bobo ou boutiquier: l’autopartage est une idée qui fait son chemin dans des études techniques pour aboutir à  des démarches politiques avant son déploiement sous le parapluie des autorités nationales et locales par une sorte de secteur marchand para-étatique. C’est la preuve par le décret. Le Vélib, à  Paris après Lyon, démontre avec force la puissance de cette méthode, et réussit, du moins pour le vélo où le modèle communautaire, qui a aussi été tenté en Suisse ou ailleurs, a échoué alors que le modèle marchand n’entre simplement pas en ligne de compte.

Ce n’est qu’une typologie, bien sûr, avec ce que cela suppose de simplifications. Elle ne doit pas masquer les convergences. Dans les trois cas, la visée idéale est présente, qu’elle soit utopiste, d’un altruisme pas nécessairement désintéressé ou technocratique. Les pouvoirs publics aussi, ravis d’apporter leur appui, sollicités ou organisateurs. Chaque modèle a certainement ses avantages et ses inconvénients. Mais surtout il s’inscrit dans une représentation sociale des rôles respectifs de l’Etat, du secteur privé à  but lucratif et du tiers-secteur qui est profondément enracinée: même si l’on pouvait soutenir que l’un d’eux est globalement plus efficace, sa transposition forcée aurait peu de chances d’aboutir.

Ce n’est pas tant du point de vue interne que pour la construction européenne que cela me paraît avoir un impact: c’est certainement l’explication des frictions ressenties autour de la libéralisation, et le principal obstacle à  la diffusion de l’approche française de la résolution des problèmes.

COMPLEMENT DU 17.10 à  21h: Une version remaniée et augmentée de ce billet est publiée sur Domaine Public.

Notes

[1] Qui m’a bousculé à  matérialiser ce billet que je mijote depuis des mois sans me lancer.

Un commentaire

  1. 16 octobre 2007

    Ainsi un modèle régulé pourrait faire aussi bien (mieux ?) dans certains domaines que le privé ? Mais c’est toute la théorie des PPP de notre ami Brown qui est ébranlée… (just kidding)

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