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Parité: pour ne plus se payer de mots

107 femmes, 506 470 hommes: tels sont les 577 représentants de la nation française au terme des élections législatives. Quatorze pays de l’Union européenne ont un moindre écart entre les sexes au sein de leur parlement. On se console comme on peut avec Eric Fottorino dans Le Monde:

(L)a France est passée d’un coup du 86e au 58e rang des Etats pour la féminisation de leur parlement… (N)otre pays, avec 18,54% de femmes au Palais Bourbon, se place malgré tout au-dessus de la moyenne mondiale de représentation féminine (17,1%), entre le Venezuela et le Nicaragua.

La différence, c’est que les autres ne se prennent pas pour le nombril du monde. Et ils n’ont pas, eux, proclamé la « parité » comme ardente obligation dans leur Constitution, avec cette emphase si caractéristique du français, pour faire en réalité preuve d’une pusillanimité tout aussi caractéristique dans le dispositif: c’est le gag des « décrets d’application » qui ne sont pas pris avec lequel on fait rire des générations d’étudiants en droit constitutionnel en Suisse romande. La France, c’est hélas souvent davantage le Topaze de Pagnol que L’esprit des lois de Montesquieu.

Or la parité est un concept remarquablement simple: c’est l’égalité entre deux termes. Et elle se prête particulièrement bien à  la représentation parlementaire de la nation. Cette dernière est constituées de personnes humaines ayant le droit de vote, égales en droits et en dignité. Il se trouve que ces personnes ne sont pas pour autant semblables: elles sont mêmes toutes différentes. Mais chacune est, irréductiblement, soit un homme, soit une femme[1]. Et cette altérité originaire joue un rôle si fondamental dans la société (et a eu, continue d’avoir, pour les femmes des effets discriminants tels) qu’il se justifie parfaitement de veiller à  la faire respecter en assurant la parité, ni plus ni moins, dans les structures représentatives[2].

Ce qui n’est nullement aussi compliqué voire antidémocratique qu’on veut le faire croire ou le démontrer en mettant en place des mécanismes centré sur les modalités de candidatures (avec carottes et bâtons financiers dérisoires), ou alors en stimulant une compétition entre les sexes, des quotas mécaniques et des atteintes à  la liberté de l’électeur (réputé inclure l’électrice).

Vous voulez une Assemblée nationale élue au scrutin majoritaire à  deux tours qui soit paritaire hommes/femmes? Divisez par deux le nombre de circonscriptions et prévoyez l’élection dans chacun d’entre elle d’un député et d’une députée[3]: chaque parti présente (peut présenter) deux candidats, un homme et une femme, chaque électrice ou électeur vote (peut voter) pour l’un des candidats hommes et l’une des candidates femmes[4].[5]

Alors, chiche? En Suisse je compte bien formuler la proposition pour le parlement cantonal de Genève à  l’occasion de la prochaine Constituante: plutôt que 100 sièges répartis à  la proportionnelle, l’élection de 50 hommes à  la proportionnelle et 50 femmes à  la proportionnelle.

Notes

[1] On peut passer de l’un à  l’autre, comme le démontre la candidate transexuelle dont Le Monde a présenté le portrait, mais on ne peut pas être les deux à  la fois, et on ne peut pas être autre chose: l’état civil est souverain.

[2] On assure ainsi un vivier équilibré pour la sélection des personnes appelées à  des fonctions exécutives: mais je ne vois nullement l’intérêt d’empêcher qu’une majorité des ministres (ou des maires) soient des femmes!

[3] Le nombre impair des membres du parlement est un mythe qui n’a aucune nécessité juridique ou pratique. Il n’empêche nullement des votes avec égalité de voix de se produire, d’ailleurs. Il y a là  aussi des règles de procédure toute simple: la personne qui préside ne vote pas et tranche en cas d’égalité, elle vote et sa voix l’emporte en cas d’égalité, la proposition qui n’a pas recueilli un nombre d’approbations supérieur aux refus est rejetée, ou bien, si elle émane du gouvernement ou de la commission, elle ne l’est que si le nombre de refus est supérieur…

[4] Lorsque l’enveloppe de vote contient deux bulletins pour des candidats de même sexe, les bulletins sont nuls.

[5] Dans quelques cas, on se retrouvera avec deux élus de la circonscription de camps opposés; mais cela n’a pas de signification nationale, et jouera dans les deux sens. Dans d’autres, en revanche, cela facilitera ces bonnes manières entre alliés qui conduisent aujourd’hui à  tenir pour manoeuvrable à  merci un électorat trop fidèle: au moins l’un des deux élus sera vraiment de mon parti, seul l’autre sera ce parachuté décidé par un état-major lointain pour permettre à  une fraction grotesque d’avoir le sentiment d’exister.

3 commentaires

  1. Chindit
    21 juin 2007

    D’un autre côté, et sans vouloir paraitre machiste, qu’est-ce qui vous dit que les femmes tiendraient absolument à  entrer en politique ? Il me semble avoir lu je ne sais où que la parité en certains lieux ne pouvait être respectée faute de candidates… On ne va pas prendre la première chômeuse venue à  l’ANPE et en faire une candidate, non ?

  2. Guillaume Barry
    21 juin 2007

    @ Chindit: Il faudrait alors s’interroger sur les causes de cette absence d’envie. Cela a sûrement déjà  été fait par les féministes. De mon côté, j’établirais des comparaison pertinentes en me tournant vers Bourdieu, qui ironisait sur les goûts de la classe ouvrière qui invoque sa culture pour préférer ce qui est financièrement à  sa portée, par exemple le gros rouge. Les femmes ayant été pendant des siècles interdites ou discréditées sur leurs compétences politiques, il n’est pas étonnant qu’elles se soient approprié l’interdit, qu’elles aient intériorisé, transformé en vertu.

  3. Chindit
    22 juin 2007

    Sur la discréditation des femmes sur leurs compétences politiques pendant des siècles, je n’en suis absolument pas certain. De Cléopâtre à  Margaret Thatcher, en passant par Boddicae, Catherine II de Russie, et Isabelle de Castille, l’Histoire fourmille d’exemples.

    Peut-être que les femmes n’ont intériorisé aucun interdit, mais sont, pour une grande part d’entre elles, intéressées par autre chose que le pouvoir ?

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