Une lecture décapante de la société française
Entre accomodement, rupture-trahison et rupture-élan, mais jamais par réforme consciente fondée sur un diagnostic partagé: c’est ainsi que Jacques Marseille, professeur d’histoire économique, décrit le mode d’évolution de la société française quels que soient les régimes qui se sont succédés. C’est dans un entretien publié dans Le Monde de dimanche-lundi, avec quelques autres propos provocants:
- La France n’a pas réellement fait le choix de son régime politique: avons-nous un régime parlementaire ou présidentiel? Les démocraties qui fonctionnent ont soit l’un soit l’autre.
- Le syndicalisme en France est faible et divisé, alors qu’il est uni et représente les deux tiers de la population active dans les autres démocraties. Les corps intermédiaires n’existent pas: la Révolution française les a tous brisés pour établir une relation directe entre l’Etat et le citoyen. Il est donc assez logique que ce soit la rue qui ait pris la place du Parlement en France, d’autant plus que la moitié des Français ne participent pas à la vie politique: 20 % à 30 % ne votent pas, 15 % votent pour l’extrême droite et 10 % pour l’extrême gauche. C’est ce que j’appelle des Français « inutiles », qui ne participent pas à la vie politique du pays, sauf sous la forme de la contestation. La France est ainsi devenue le modèle de l’absence de réelle démocratie, en tout cas d’une réelle incapacité à la discussion, à la réforme ou au compromis.
- La France n’a pas fait son deuil de la monarchie, alors qu’elle se croit révolutionnaire. Elle se pense l’héritière de la Révolution et affirme au monde qu’elle est le modèle à suivre en matière de démocratie, alors qu’elle ne l’est pas réellement.
Et il faudrait probablement que je lise son livre, Du bon usage de la guerre civile en France, pour savoir où il situe Pierre Mendès France dans tout cela: rupture-élan, ou exception qui confirme la règle?
COMPLEMENT DE 23H: Je vois que Hugues m’avait précédé sur ce coup… Ca peut vous donner quelques indications supplémentaires, puisqu’il semble que cet article n’est plus disponible gratuitement en ligne (malgré l’utilisation de la version destinée à l’impression qui permettait jusqu’à présent aux blogueurs de contourner cet obstacle). Je n’ai pas envie de violer le droit d’auteur du Monde en mettant en ligne une copie PDF de l’article, mais si on me la demande je pourrais exercer mon droit à communiquer une copie privée.
« je pourrais exercer mon droit à communiquer une copie privée »
J’espère que c’est un lapsus, une blague, ou du droit Suisse.
« Les démocraties qui fonctionnent ont soit l’un soit l’autre. »
Quid du Portugal et de la Suisse ?
Décidément, la propriété intellectuelle c’est vraiment pas mon truc… Je n’aurais donc pas le droit de remettre à des connaissances, individuellement, une copie d’une photocopie d’un article du Monde?
Les régimes politiques c’est bien davantage dans mon rayon. Je n’ai pas de difficulté à ranger le Portugal dans les régimes parlementaires malgré l’élection du président au suffrage universel (comme l’Autriche ou la Finlande): il n’y a que la France qui envoie le président et le premier ministre au Conseil européen en cas de cohabitation… Quant à la Suisse, c’est clairement un régime présidentiel (à 7 têtes), même si les conseillers fédéraux sont élus par le parlement et non le peuple: aucun des deux pouvoirs ne peut renverser l’autre, la collaboration est obligatoire (les droits populaires ne font que renforcer cet aspect, ce qui donne à penser que la démocratie directe n’est guère compatible avec le régime parlementaire fondé sur l’alternance).
Mais si on peut toujours voir la version imprimable (mais je ne sais pas si c’est légal…)
Je dois avouer que le régime Suisse tient quand même de l’objet politique non identifié 🙂 Bon, François, je te cherche, mais je suis globalement d’accord avec ce diagnostic. Et en ce qui concerne le Portugal, il me semble quand même (de mémoire) que la répartition des pouvoirs est assez proche en théorie de ce qu’il y a dans la Vème République. Après, pour ce qui est de la pratique, je conçois bien qu’il y ait un écart significatif.
@Hugues: en effet, c’était une fausse frayeur… je crois qu’il y avait une erreur dans mon lien.
J’aime beaucoup l’assassin : « les Français inutiles ».
« plus que la moitié des Français ne participent pas à la vie politique: 20 % à 30 % ne votent pas, 15 % votent pour l’extrême droite et 10 % pour l’extrême gauche. C’est ce que j’appelle des Français « inutiles », qui ne participent pas à la vie politique du pays, sauf sous la forme de la contestation. » Rarement entendu une phrase aussi stupide. La contestation, inutile en politique… La contestation, nocive pour le débat collectif… Vous imaginez un débat sans contestation, sans contre-argument? C’est absurde.
Et puis cessez de présenter Marseille comme un prof, ce qui suggère qu’il aurait une certaine légitimité dans le milieu universitaire. Ce n’est plus le cas depuis longtemps. Ce type a choisi d’abandonner toute rigueur pour vendre ses bouquins et se faire mousser sur les plateaux télé, c’est devenu un boulet pour son labo et pour ses collègues.
El,
Votre saut de « contestation » (chez Marseille le comportement des abstentionnistes et des électeurs des extrêmes) à « contre argument » me parait quelque peu périlleux. Il y a tout de même chez cette catégorie de « contestataires » davantage de refus pur et simple que de contre propositions argumentées.
Le syndicalisme en France est faible et divisé….
Mais qu’est-ce qu’il raconte là ? Le syndicalisme a de fait un pouvoir outrancier, bien rodé et il est utilisé abondamment, le plus souvent a des fins unqiuement politiques. Le monsieur Marseille est-il vraiment sérieux?