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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Pour le Conseil constitutionnel français, l’homme est une femme comme les autres

D’autres reviendront certainement de manière plus savante (en particulier parmi les communards) sur la décision annoncée aujourd’hui par la juridiction constitutionnelle française annulant une brochette d’articles d’une loi relative à  l’égalité salariale entre les femmes et les hommes (un intitulé pour commencer trompeusement restrictif, mais ce n’est quand même pas le motif retenu). Vu de l’extérieur, on peut en tout cas saluer la célérité de la procédure (loi du 23 février, décision du 16 mars), ainsi que l’exhaustivité de la documentation mise en ligne.

Sur la forme et le fond, c’est toutefois beaucoup plus frustrant: c’est déclamatoire et lapidaire, tenant plus de l’oracle ou la récitation d’un catéchisme que de la discussion fouillée telle qu’on la lit dans des arrêts constitutionnels américains, allemands ou suisses[1]. On peut par ailleurs ironiser sur l’autogoal classique du recours qui visait deux dispositions dont j’ai le sentiment qu’elles étaient relativement mineures; elles sont effectivement annulées, mais à  quel prix: la censure d’une série d’autres dispositions que les 60 députés de gauche auteurs du recours ne contestaient pas, soit pour la raison de procédure qui n’était invoquée que contre les deux articles en cause mais s’appliquait également, soit, surtout, parce que le Conseil constitutionnel, s’il est saisi, vérifie d’office la constitutionnalité de l’ensemble du texte.

Comme c’était prévisible vu le dogmatisme ambiant en France sur ces questions (j’imagine qu’Elisabeth Badinter par exemple est ravie), il s’est donc jeté sur les dispositions imposant un modeste quota incitatif de 20%, pour les biffer d’un trait rageur en se référant à  la lettre des articles 1 et 6 de la « Déclaration des droits de l’homme de 1789 » (sans jour ni mois):

15. Considérant que, si la recherche d’un accès équilibré des femmes et des hommes aux responsabilités autres que les fonctions politiques électives n’est pas contraire aux exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus, elle ne saurait, sans les méconnaître, faire prévaloir la considération du sexe sur celle des capacités et de l’utilité commune; que, dès lors, la Constitution ne permet pas que la composition des organes dirigeants ou consultatifs des personnes morales de droit public ou privé soit régie par des règles contraignantes fondées sur le sexe des personnes;

Vous pouvez vérifier vous-même, c’est vraiment tout ce qu’il y a sur ce volet: 12 à  14, c’est la citation de dispositions invoquées, 16 c’est la conséquence qui en découle. Selon le point de vue, on sera soulagé que la juridiction constitutionnelle ait protégé la France du péril terrifiant que, aussi incroyable que cela paraisse, non seulement une majorité du parlement a appelé de ses voeux en toute insouciance, mais il ne s’est même pas trouvé 60 parlementaires pour le dénoncer; ou, comme moi, on sera indigné que la juridiction constitutionnelle[2] dénie à  la représentation nationale toute capacité d’interprétation et d’actualisation dans la mise en oeuvre des principes immortels de 1789 (seule consolation: une révision de la Constitution, elle, le permet, comme le Conseil constitutionnel le concède à  propos du récent amendement constitutionnel sur la parité, qui n’est malheureusement qu’un filet d’eau tiède). La Norvège, qui a elle fixé à  40% la part minimale d’hommes ou de femmes dans les conseils d’administration des entreprises (et sous la menace d’une sanction efficace: la dissolution de la société) aurait donc régressé de ce fait à  l’indice des droits humains? Allons donc.

Cela me confirme dans mon point de vue: ce qu’il faut exiger c’est la parité, rien que la parité mais toute la parité, en la fondant sur la dignité de la personne[3] qui est, indifféremment peut-être mais alternativement certainement, homme ou femme (je précise pour les petits malins qui invoqueront les transgenres et autres hermaphrodites: l’état civil peut être rectifié, mais il ne connaît pas le genre indéterminé et fait foi) par la désignation distincte et en nombre identique des personnes de chaque sexe qui composent un organe délibératif.

Notes

[1] Je ne crois pas avoir osé dire tout le mal que j’en pensais au doyen Vedel à  qui j’ai eu le privilège de servir d’assistant pour un cours de juridiction constitutionnelle comparée qu’il était venu donner durant un semestre à  la Faculté de droit de Genève…

[2] 7 hommes dont Valéry Giscard d’Estaing et Pierre Joxe et 3 femmes dont Simone Veil, je serais curieux de savoir si la formulation de la décision inverse a également été soumise à  leur sagacité, et si l’on connaîtra les votes individuels.

[3] Non, je ne compte pas sur une juridiction constitutionnelle pour imposer cette lecture du principe, mais sur l’action politique pour la faire prévaloir auprès de l’autorité démocratiquement élue.

2 commentaires

  1. 17 mars 2006

    Je crois qu’il y a un belle unanimité blogosphérique pour dire que la justice française ne rends pas ces jugements en français mais dans un langage proche du Klingon.

    Malgré l’obstacle de la langue, je suis toujours stupéfait de trouver des jugements totalement compréhensibles et expliqués en toute humilité par les juges hors de France même sur des sujets très techniques, sans mentionner les « dissent » qui sont totalement absent en France, on dirait l’infaillibilité papale en action.

    Mais il y n’y a personne pour dénoncer ce scandale évident et continu (voire de pire en pire), ce qui est pour moi une marque bien plus évidente de corporatisme nocif que quoique ce soit autour de la malheureuse affaire d’Outreau.

    « Au nom du peuple français » mon oeil…

    Laurent

  2. Voir une réponse à  Laurent et la discussion qui s’ensuit chez Paxa!

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