Colonisation: Parlement mis au pas, Conseil constitutionnel instrumentalisé
Depuis Giscard et Mitterrand, quelques retouches aidant et les usages s’étant arrondis, on en était un peu venu à oublier les relents sulfureux de la Constitution de la Ve République qui font de la France une démocratie plus autoritaire que libérale: on peut les résumer par la supériorité du gouvernement sur la représentation nationale exprimée par le parlement. C’est manifeste dans l’organisation des travaux parlementaires (même si c’est là qu’il y a eu des aménagements) mais surtout dans cette disposition qui fait bondir les constitutionnalistes: la compétence législative originaire appartient à l’exécutif (art. 37), le parlement n’a qu’une compétence déléguée, limitée aux objets énumérés à l’article 34 de la Constitution.
Ce dispositif est aujourd’hui mis à contribution par Chirac pour procéder à l’ablation de l’embarrassante disposition votée par le parlement et promulguée par lui-même le 23 février 2005:
Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit.
A ce train là , on peut d’ailleurs se demander en quoi le reste de cette loi serait, lui, conforme à l’article 34 de la Constitution… Mais le procédé consistant, près d’un an plus tard, à saisir le Conseil constitutionnel (est-ce techniquement possible, aucun délai ne s’applique-t-il à l’exécutif? oh, je n’en doute guère…) pour éviter de réparer par un débat politique une erreur politique est méprisable. Et rappelle que ce Conseil, par sa nature et sa composition, est lui aussi une imitation autoritaire d’une juridiction constitutionnelle démocratique.
Allons, allons, comme chacun sait, c’est important de reconnaître ses erreurs, même démocratiques.
Après tout, ne jamais oublier que le consensus sur cette loi était transpartisan au moment de son vote. Après, on entendit crier à gauche… après une certaine insistance venue, disait-on, de la plus extrème gauche.
Qui plus est, si on constate que personne ne s’est offusqué de l’enseignement obligatoire de la Marseillaise à l’école primaire (dont les paroles sont bien plus violentes que celles d’un groupe de rap) je suis heureux de constater que le fait de commettre un évident affront vis à vis des peuples redevenus libres suffit à permettre à nos chers élus de redécouvrir l’existence du vaste monde.
Au fond, je ne suis pas certain que la France dispose d’hommes politiques à la hauteur des enjeux qu’imposerait une gouvernance réellement démocratique d’une puissance nucléaire, mais bon…
Pierre Mazeaud au secours de Jacques Chirac
Les plus hautes sphères de l’exécutif ont décidé d’aller au plus vite pour se débarasser de l’article dérangeant qui vantait les bienfaits de la colonisation au soleil. Au lieu de décapiter symboliquement la loi en en votant une nouvelle, ce qui aurait…
Je peux aussi bien apporter ici un complément d’explication que j’ai donné chez Paxa:
Cette affaire a réveillé chez moi la flamme d’un anti-gaullisme alimenté par Mitterrand (Le coup d’Etat permanent), Jean-François Revel (Le style du Général), Mendès France (La République moderne) et JJSS et dans L’Express des années 60, et que je croyais éteinte au moins depuis l’élection de 1974… La coïncidence d’un débat dont certains des protagonistes parent le gaullisme d’atours imaginaires (alors que ce n’est qu’un caudillisme atténué) chez Emmanuel a probablement aidé!
Comme on pouvait s’y attendre, cette affaire a une suite :
http://www.liberation.fr/page.php?Article=355267
Sans doute faut-il voir ici la réelle sensibilité de Chirac pour les affaires antillaises, qui ne date pas d’hier, mais de sa plus tendre jeunesse.
J’avoue rester quand même stupéfait de voir Chirac parvenir à prendre le contrepied de sa majorité et du PS sur un thème humaniste ! Pauvres socialistes….
Le Conseil constitutionnel dàƒ©làƒ©galise l’alinàƒ©a 2 de l’article 4 de la loi du 23 fàƒ©vrier 2005
Par FranàƒÂ§ois Comme je l’avais pressenti, le Gouvernement a recouru àƒÂ l’article 37 de la Constitution s’agissant de la disposition làƒ©gislative reconnaissant les effets positifs de la colonisation. Le Conseil constitutionnel a fait droit àƒÂ …