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Ces métiers et jobs que la protection sociale abandonne

Aides de ménage ou grands nettoyages, chauffeurs Uber et autres travailleurs du smartphone… Indépendants ou salariés ? Le renvoi à un modèle dépassé d’organisation des relations du travail ne résout rien

Je viens de remettre à la femme de ménage qui vient chez moi deux heures par semaine le certificat de travail à joindre à sa déclaration fiscale. Il est réalisé par Chèque-Service, une agence qui joue, moyennant émolument, un utile rôle d’intermédiaire. Tant pour l’employée, vu les prestations sociales assurées, que pour mon confort, et bien sûr pour le respect de nos obligations légales, c’est mieux que le paiement «au noir» qu’imposait auparavant une bureaucratie impénétrable.

Il reste encore un important défaut: la personne que j’emploie et moi-même sommes dispensés de contribuer à son deuxième pilier, ce salaire différé versé à la retraite. Cette situation est typique d’un système légal de protection sociale inadapté au travail parcellisé qui ne voit que l’arbre et pas la forêt. Il n’est conçu que pour des emplois assurant un salaire supérieur à 21 330 francs par an. 

Une première solution possible: que la loi impose l’existence d’une agence intermédiaire – un nouveau champ d’action pour les syndicats ? – dès que le ou la salariée a plus de deux employeurs. Cette agence serait chargée d’opérer l’agrégation et d’alimenter le deuxième pilier si le seuil est atteint.

Administration autant que syndicats tiennent à dénier aux prestataires l’alternative du régime d’indépendant qui leur permettrait de s’organiser et qui, en Suisse, ne requiert qu’une comptabilité modeste. Ils ne proposent rien, renvoyant les nouveaux besoins à des institutions dépassées. Au Royaume-Uni, la Cour suprême vient de décréter qu’Uber était l’employeur de chauffeurs qui utilisent sa plateforme; en Californie, le peuple a refusé en novembre une loi qui allait dans le même sens. On oublie un peu facilement que ce sont désormais les chauffeurs qui choisissent la (ou les!) plateforme(s) avec lesquelles travailler. Le débat est loin d’être clos et mérite mieux.

La parcellisation du travail ne date pas d’hier, elle a une histoire. Que l’on songe aux artisans à domicile des débuts de l’industrialisation. Aujourd’hui, elle se développe sous l’impulsion des facilités permises par l’informatique – ces plateformes de marché entre l’offre et la demande, si populaires et si décriées – ainsi qu’en raison d’aspirations modernes à la flexibilité et à l’autonomie qui entendent fermer la parenthèse de cet esclavage soft, l’invention du salariat.

Les nouvelles formes du travail parcellisé comportent certes à la fois leur prolétariat – les livreurs à vélo – et leur aristocratie – les consultants. Mais il est infiniment préférable d’adapter les institutions et les usages et de proposer des solutions innovantes. En font partie celles qui sont finalement apparues pour l’économie domestique. Elles permettent d’encadrer les effets négatifs de cette évolution sans pour autant bloquer les progrès qu’elle apporte tant pour l’économie que pour les personnes, prestataires et clients.

Article publié sur Domaine Public (DP 2318).