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Commentaire de l'actualité (gaie ou non!) sur terre, au ciel, à gauche, à droite, de Genève, de Londres ou d'ailleurs
News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

Reconnaissance des couples de même sexe

Il n’y avait pas que l’élection présidentielle: onze Etats ont également approuvé un amendement à leur Constitution dans le but de spécifier que l’institution du mariage est réservée aux couples formés d’un homme et d’une femme. Plus gênant, un certain nombre de ces amendements sont libellés de manière à interdire au législateur d’établir un statut analogue pour les couples de même sexe (civil union en américain, partenariat enregistré en français).

J’y vois le résultat d’une stratégie de la confrontation voulue par la droite religieuse à l’origine de ces propositions, bien sûr, mais aussi l’échec d’une stratégie tout aussi brutale de la part du mouvement gay américain ou de certains de ses leaders fondée sur le fondamentalisme d’une revendication d’égalité géométrique entre couples hétéros et couples homos, d’une part, et une vision idéologique et juridique de la question, d’autre part. On aura je l’espère la confirmation définitive de la différence entre cette approche et la démarche pragmatique à l’européenne (depuis le Danemark en 1989) lorsque le peuple suisse approuvera, comme c’est vraisemblable, la loi sur le partenariat enregisté pour les personnes de même sexe le 5 juin 2005.

Où sont les différences? Dans l’accent mis sur les situations concrètes de personnes comme vous et moi, plus que sur des principes ayant la froideur du marbre, laissant cela aux adversaires. Dans la modération de la revendication, en distinguant les questions plutôt qu’en les accumulant: le partenariat et la question de l’adoption ou de l’insémination artificielle peuvent être traités successivement, chacun pour lui-même; dans le souci de ne pas « choquer le bourgeois » inutilement si l’on se rend compte que c’est heurter le sens commun de vouloir « dématrimonialiser » le mariage. Et on peut faire tout cela ouvertement, sans tomber dans l’hypocrisie française de cacher un statut pour les couples de même sexe derrière un statut pour les couples hétéros non mariés, avec un résultat insatisfaisant pour les gays et les lesbiennes.

En Amérique, les militants ont cru bon de s’adresser aux juges plutôt qu’aux citoyens, laissant à la droite religieuse le beau rôle de se tourner vers ces derniers! Ce sont des actions juridiques qui ont conduit la Cour suprême du Vermont à rendre un verdict favorable aux couples de même sexe, tout en laissant encore le soin au parlement de l’Etat de légiférer: sous l’impulsion du gouverneur Howard Dean, il a refusé le mariage gay mais établi un partenariat enregistré sur le modèle européen, que ses adversaires ne sont pas parvenus à empêcher. Au Massachusetts, la Cour suprême de l’Etat a choisi d’aller plus loin, lisant dans les droits fondamentaux la « dématrimonialisation » du mariage et déniant au parlement et au peuple tout droit de regard sur la question. C’est peut-être satisfaisant pour les esprits cérébraux, mais cela prend les autres aux tripes: d’où les 11 référendums d’hier. Entre parenthèses, l’approche par les juges plutôt que par la politique est déjà responsable de la fossilisation de la question de l’avortement aux USA…

COMPLEMENT de 23h30: De l’invraisemblablement détaillé sondage « sortie des urnes » (comme on dit curieusement) de CNN, j’extrais les éléments suivants:

  • ceux qui ont pris part à l’élection présidentielle se prononcent à 25% pour le mariage gay, à 35% pour un partenariat enregistré et à 37% contre toute reconnaissance légale: l’enjeu c’est donc bien de parvenir à isoler ces 37% plutôt de se retrouver isolé à 25%…
  • 4% des électeurs s’identifient comme gay, lesbienne ou bi (96% comme hétéros), dont 23% ont voté pour Bush (la même proportion qu’il y a 4 ans) et 77% pour Kerry.