Il y a aussi un angélisme pro-intervention en Irak
Voilà que mon blogmate me demande ce que je pense de ses réserves sur le ton de Vincent Bénard de Liberté dans son « point d’étape sur la situation réelle en Irak » réalisé pour l’Institut Hayek. Que dire ? C’est un ton finalement assez courant au pays de Voltaire et de Figaro, on a l’habitude, et il ne me dérange pas trop. Par rapport au style propre à la droite, il n’est que très légèrement polémique ou hargneux – ce qui amène sa juste dose d’un dynamisme somme toute préférable à mainte lenteur helvète.
Par contre, je trouve Vincent plutôt angélique sur un point. Je ne pense pas que les Américains et leurs alliés soient intervenus par compassion pour le peuple irakien. Ils l’ont fait dans le cadre d’une nouvelle vision de leur politique de sécurité. Une vision des faucons néo-conservateurs qui ont opéré un virage à 180° par rapport à l’isolationnisme cher aux Républicains. De plus, l’Irak était dangereux parce que Saddam était dangereux. Et l’Irak était un pays où il était possible d’intervenir. Ce qui n’empêche pas que cette intervention était plus que souhaitable pour le peuple irakien et souhaitée par lui. Les anti-guerre ont objectivement fait le jeu de Saddam, de son régime tyrannique et de ses atrocités.
Par contre, c’est verser dans l’angélisme que de laisser entendre, comme le fait Vincent, que les Américains sont intervenus pour les beaux yeux des Irakiens, qu’on pourrait les créditer du « devoir d’ingérence humanitaire ». Et aucun pays ne ferait la guerre pour les beaux yeux d’un autre peuple, sauf quand il s’agit d’exporter une idéologie révolutionnaire et/ou religieuse. A moins qu’on ne puisse en dire autant de la démocratie, quand elle est comprise comme le meilleur garant de la stabilité (une conception que les Etats-Unis n’ont pas toujours appliquée). Quand on est intervenu en Bosnie, était-ce pour les gens sur place ou pour empêcher que le mal ne se propage ? La réponse est donnée par tous les cas de non-intervention, à commencer par le Rwanda. Vincent a raison de dire que la guerre était moralement justifiée – mais, demanderait Kant, que devient la moralité d’un acte qui ne serait déterminé que par des intérêts aussi légitimes qu’égoïstes, un acte qui n’aurait donc lieu que dans la mesure où ces intérêts-là seraient servis ?