"Tout se joue avant 3 ans"
Jean-Jacques Servan-Schreiber l’affirmait déjà au début des années 70 (c’était le temps du Manifeste radical Ciel et Terre qui a, brièvement mais brillamment, illustré qu’une autre gauche est possible). Il en avait fait le thème de l’émission télévisée A Armes égales où il était confronté à un représentant de la droite (Giscard d’Estaing, je crois).
Dans le Guardian d’hier, Polly Toynbee présente les résultats d’une passionnante étude sur le langage et les enfants. On a enregistré et interprété tous les échanges verbaux entre enfants et adultes dans trois groupes sociaux bien différenciés. A l’âge de 4 ans, un enfant de milieu professionnel supérieur s’est vu adresser 50 millions de mots; celui d’un milieu professionnel non qualifié 30 millions; et celui dont la famille est dépendante de l’assistance 12 millions. A 3 ans, l’enfant du milieu supérieur a un vocabulaire plus étendu que le parent à l’assistance! Encore plus frappant: à 3 ans l’enfant de milieu supérieur a reçu 700’000 mots d’encouragement et 80’000 de découragement; l’enfant à l’assistance, lui, n’a entendu que 60’000 mots d’encouragement et le double de découragement… Or l’écart mesuré à 3 ans prédit impitoyablement celui qui existera à 10 ans.
A côté de ces réalités, tous les discours sur la démocratisation des études et le rôle de l’école ne sont que des fadaises cyniques. Ce qui est nécessaire, et qui fonctionne, ce sont des programmes centrés sur l’accompagnement intensif des parents et des très jeunes enfants afin de donner à ces derniers la possibilité d’une égalité des chances qui, sinon, leur est déniée dès la naissance.
L’étude est américaine (pas française ou allemande), soi dit en passant; elle ne repose pas sur des conceptions intellectuelles ébouriffantes, mais sur un travail de bénédictin. Inspiré d’une politique initiée sous la présidence progressiste de Lyndon Johnson, Sure Start est l’un des plus importants et plus prometteurs programmes socio-éducatifs mis en place en Grande-Bretagne par le New Labour.