Haïti et l’Irak
Dans son éditorial d’aujourd’hui, Le Monde fait un parallèle entre Haïti et l’Irak qui n’est pas inintéressant. Il rappelle qu’en septembre 1994, 20’000 soldats américains débarquaient à Haïti pour chasser une junte militaire et rétablir dans ses fonctions le président élu après la dictature Duvalier, Jean-Bertrand Aristide (pas l’ombre d’un reproche à cet égard, il est vrai que le président américain était Bill Clinton et non l’immonde George W. Bush). Mais, sous la pression de l’opposition républicaine (devenue majoritaire deux mois plus tard), cette opération n’a pas été soutenue dans la durée; et, dans une critique inhabituelle, Le Monde relève que « (l)’ONU ne voulait envoyer des casques bleus que dans un contexte ‘stable et sûr’ — autant dire jamais ». Aujourd’hui Haïti est à nouveau une dictature sanguinaire soumise à l’arbitraire d’un Aristide qui a trahi tous les espoirs mis en lui.
Le Monde conclut:
« Petite république caraïbe, Haïti n’a pas l’importance stratégique de l’Irak. Mais le symbole que représente l’histoire de sa création méritait que la communauté internationale s’y engageât avec plus de fermeté lorsque la démocratie aurait pu avoir une chance. Les mêmes erreurs — jeu solitaire des Etats-Unis, pusillanimité de l’ONU — ne devraient pas être répétées en Irak. L’exemple d’Haïti montre ce qu’il en coûte. »
Je suis en quelque sorte assez d’accord sur la prescription, mais pas tant sur le diagnostic (ou sur les symptômes qui le fondent). Ce que « L’exemple haïtien » (titre de cet édito) appelle à dénoncer, c’est bien plutôt l’attitude de ces Démocrates qui tentent de tirer dans le dos du président Bush, comme les Républicains l’ont fait pour Clinton. Et, pour l’Irak, la « pusillanimité de l’ONU » (en fait celle des pays qui la composent, au premier rang desquels la France, l’Allemagne, et la Russie) a précédé, et non suivi, le « jeu solitaire des Etats-Unis », en réalité l’action de dernier ressort d’une coalition de plusieurs dizaines de pays dont la mission était bien de s’assurer que force reste au droit international (celui de la résolution 1441 et de celles qui l’ont précédées) et non à l’impuissance qui aurait maintenu au pouvoir le tyran de Bagdad et offert une victoire aux adversaires de la société ouverte. Mais il s’agit effectivement maintenant de ne pas mollir mais d’accompagner la reconstruction de l’Irak aussi longtemps qu’il le faudra, et sans que des pays qui ont une lourde responsabilité dans l’appui apporté précédemment à Saddam — la France, l’Allemagne, la Russie — s’en exonèrent.