Les quatre guerres en Irak
Norman Geras suggère une décomposition utile pour discuter les protagonistes et responsabilités de ce qui se passe en Irak:
- La première guerre est celle menée, en mars-avril 2003, par la coalition en vue de mettre fin au régime de Saddam Hussein; contrairement aux prédictions apocalyptiques des adversaires de l’intervention elle a été rapide et décisive.
- La deuxième guerre est celle alors engagée dans les semaines et mois qui ont suivi, qualifiée par ceux qui l’approuvent de « résistance ». Destinée à s’opposer aux Américains et à leurs alliés, y compris Irakiens, ses moyens ont consisté dès le départ, en violation du droit de la guerre et du droit humanitaire, à s’attaquer à l’ONU, à la Croix-Rouge, aux organisations humanitaires, aux Irakiens qui s’engagent dans la police, aux civils, aux infrastructures, dans le but de semer le chaos. Ce que Norman relève, c’est que cette phase n’est nullement une suite logique de la première, alors que la majorité de la population soutient la transition vers la démocratie; quelles que soient les fautes de la coalition (erreurs de planification, Abou Ghraib), si la situation est ce qu’elle est c’est en raison des actes d’éléments de l’ancien régime et d’extrémistes islamistes qui n’ont rien à voir avec la souveraineté irakienne.
- La troisième guerre est celle menée par les autorités transitoires irakiennes et la coalition en vue de permettre la reconstruction du pays et la transition démocratique, en particulier par la tenue d’élections libres (et Norman aurait pu souligner, comme il l’a fait en d’autres occasions, qu’elles bénéficient de la pleine légitimité des résolutions 1511 et 1546 du Conseil de sécurité de l’ONU). Par la force des choses cette guerre est menée contre les tenants de la deuxième guerre, et l’on aurait pu s’attendre à ce que ses objectifs soient partagés par les opposants à la première guerre, au lieu que la coalition soit tenue seule responsable des difficultés présentes.
- La quatrième guerre (que Norman distingue de la deuxième à laquelle on peut aussi la rattacher) est celle qui a spécifiquement pour but d’empêcher par tous les moyens la tenue d’élections libres, le rétablissement d’une souveraineté irakienne complète entre les mains d’autorités démocratiques.
Les milieux qui, en Occident, persistent à s’opposer à la coalition, dit Norman, ne le font pas par rapport à la guerre réelle en cours, mais par rapport au prélude à la première guerre et par rapport à ceux qui l’ont engagée ou la soutiennent. Il est trop facile de faire porter le blâme seulement d’un seul côté (la coalition), sans opérer les distinctions nécessaires ni voir l’autre côté. Norman illustre le raisonnement en inversant les termes: même lorsqu’il n’y a aucun doute sur le caractère injuste et monstrueux d’une guerre et de ceux qui l’ont commencée, est-ce vraiment Hitler qui est responsable de Dresde, les Japonais d’Hiroshima et Nagasaki? Mais si vous savez l’anglais, lisez l’original!