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News and views (gay or not!) on earth, in heaven, left or right, from Geneva, London or elsewhere

La double hypocrisie derrière l’affaire du News of the World

Dernière modification: lundi 11, 10h50

Je voulais l’acheter, pour la première et la dernière fois (sinon je ne l’avais jamais que parfois feuilleté chez le coiffeur), mais pas moyen: la dernière édition commémorative du meilleur et du pire de 168 ans de journalisme populaire dans le News of the World est partie comme des petits pains et était rapidement épuisée malgré un tirage supplémentaire de deux millions d’exemplaires.

Hier, dans un commentaire publié par The Times, Matthew Parris crève la première baudruche de l’indignation unanime que suscitent les pratiques de l’hebdomadaire, en rappelant combien sont généralisées, et généralement peu critiquées, les méthodes douteuses de journalistes pour se procurer l’information quand la fin le justifie, précédents à  l’appui:

(T)humbing through a book I wrote about parliamentary scandals, I’ve found the chapter on David Mellor, the Majorite minister caught in a steamy affair with an actress in 1992. Remember, do you, how he was caught? « Her telephone in the … flat where she lived and where he frequently visited her had been bugged. Her landlord had co-operated in this with journalists . . . »
Bugging a phone is by several orders of seriousness a graver intrusion than accessing messages, but this was never the story: it was Mr Mellor, we thought, who was the proper target of our indignation.
Or go back to the fall of the minister Lord Lambton, after sex with the wife of Colin Levy, in 1973. « Levy and an accomplice hid ciné equipment and a microphone and offered the film show to the News of the World for £30,000. The pictures were not good enough so the newspaper installed its own equipment in the flat. The following day a NoW photographer hid in the wardrobe behind a two-way mirror and took pictures of the minister cavorting on the bed . . . » When the newspaper dropped the story, Levy sold the pictures to the Sunday People.
Or go forward to the fall of Harvey Proctor, a Tory MP, in 1986: « One of the People’s informants was an 18-year-old rent boy … Armed with the People’s hidden tape recorder he had visited Proctor … Wired for sound [he] assured the MP that he was over 21 . . . »
It would be tedious to remind you of journalists gaining access to the credit card statements of Norman Lamont, then the Chancellor. In vain did Mr Lamont complain that the scandal was not whether he had paid a bill (he had) but how the press had acquired his private records. Nor will I belabour you with the 1997 story of « The Knicker Vicar of North Yorkshire » ([reporters] glued a tiny video camera to the inside of a bookshelf in the master bedroom … and somehow … they took away with them verbatim extracts from Mrs Roberts’s diary entries . . . »).

Et sa conclusion:

The shock this week that should cause real rather than synthetic indignation is the death of a great national newspaper founded more than 160 years ago to bring the newly literate working class into the world of news and comment – and consistently sneered at by the educated elite: their proxy for hating their own proletariat. We’ve been alone in the West in keeping national papers before the eyes of a reading public composed of the masses. Many will never transfer to another paper. Their papers have subsidised ours. This could be the beginning of the end for all of us in print journalism.

Bien sûr ce qui a fait déborder le vase, c’est la révélation cette semaine que l’attention du NoW s’est portée non seulement sur des politiciens, membres de la famille royale, vedettes du sport et du showbiz, qui sont au fond fair game, mais aussi sur les victimes de faits divers particulièrement atroces (enlèvements et meurtres d’adolescentes et préadolescentes) et leurs proches, allant, en effaçant les messages sur un répondeur saturé pour permettre l’enregistrement de nouveaux, jusqu’à  dérouter l’enquête policière, amenée dès lors à  imaginer que la victime était encore en vie et donner de faux espoirs aux parents, et soldats morts en Afghanistan et leurs proches.

Mais cela ne justifierait pas autre chose que la rigueur de la loi pénale et ne se serait pas transformé en affaire d’Etat (avec commission d’enquête parlementaire indépendante et menace de régulation étatique sur les journaux) s’il n’y avait une deuxième hypocrisie, bien plus intéressée, qui unit des deux côtés de l’Atlantique l’ensemble des médias concurrents de News International, le groupe bâti par Rupert Murdoch, par ailleurs haï par l’intelligentsia pour ses opinions de droite bien connues, sans oublier l’opposition britannique ravie de mettre le premier ministre David Cameron dans de sérieuses difficultés: il était entré à  Downing Street avec comme bras droit chargé de la stratégie et de la communication un ancien rédacteur en chef du NoW. Il a démissionné depuis, mais le mal était fait et Cameron l’a longtemps défendu. Or il se révèle compromis dans le scandale malgré ses dénégations répétées, et sur un point particulièrement délicat pour quelqu’un qui allait aspirer à  des fonctions au service du pouvoir politique: la corruption de policiers qui servaient d’informateurs aux journalistes.

News International est un groupe multiforme qui ne se limite nullement aux médias d’information mais est actifs dans les loisirs ou l’éducation et ne saurait se réduire à  un véhicule idéologique des vues du patron, à  la Berlusconi (à  côté de Fox, le New York Post ou le Sun et le NoW, il y a le Times et le Wall Street Journal, notamment). Il accumule légitimement les ennemis: l’acquisition du Wall Street Journal, justement, perturbe tant le New York Times que le Financial Times; au Royaume-Uni, même la BBC (dont le poids médiatique national est sans comparaison, avec l’argent de la redevance) s’est unie au Guardian et à  tous les autres pour s’opposer au désir de Murdoch, déjà  principal actionnaire, d’acquérir la totalité du réseau TV BSkyB, qui est maintenant remis en cause.

Avec un splendide autogoal: le deal prévoit que dans ce cas News International devra cependant rendre indépendant et vendre le volet proprement journalistique de la chaîne, Sky News, alors qu’il le conservera sinon…

3 commentaires

  1. Alex
    11 juillet 2011

    Sale temps pour Murdoch après la vente de myspace….

  2. Jean-Paul Guisan
    11 juillet 2011

    Sur la Radio suisse romande, on n’a pas résisté au péché mignon de faire les traditionnelles comparaisons sur les médias et la vie privée selon qu’ils soient britanniques, français ou suisses. Cela aurait été intéressant, pour une fois de prendre aussi en compte les médias de germanogermaniques (Bildzeitung) ou helvéticogermanophones.

    Ce qui m’a donné l’idée d’aller voir ce que Wikipedia disait du Bild, et j’ai découvert avec intérêt l’une des quatre (puis cinq) lignes éditoriales qu’Axel Springer avait formulée en 1967, à  savoir

    La réconciliation entre Juifs et Allemands

    La première ligne étant

    L’engagement absolu pour la reconstruction de l’unité et de la liberté allemande

    Comme quoi, l’anticommunisme primaire populistico-boulevardier n’eest pas tout mauvais et n’est pas aussi nazi- ou fascistophile que la pensée de gauche unique de l’époque s’est plue à  ressasser.

  3. 14 juillet 2011

    Les journalistes poussent (légitimement) de hauts cris quand ils sont victimes d’écoutes. Maintenant qu’ils sont tous des flics en puissance, la donne se complique considérablement. Pour que de tels agissements ne se répètent pas à  large échelle, les éditeurs, responsables envers la société, devraient d’urgence adapter leurs chartes rédactionnelles à  l’évolution technologique.

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